Les craintes soulevées par la volatilité et la nécessité de couper dans les frais de gestion poussent les investisseurs vers les fonds négociés en bourse (FNB). Ce succès entraine à son tour les FNB constitués de fonds communs. Ces derniers ont toutefois beaucoup de chemin à rattraper pour atteindre le volume des FNB purs.Les premiers fonds négociés en bourse sont arrivés dans le marché canadien au début des années 2000. Ce sont des titres boursiers qui peuvent être transigés au marché à tout moment durant une séance. Leur rendement s’aligne sur un indice ou un panier de titres. Les plus récents FNB utilisent des méthodologies sophistiquées qui visent à réduire la volatilité, tout en maximisant le rendement. On retrouve aussi des fonds indiciels négociés en bourse (FINB).
Ils se distinguent principalement des fonds communs, en ce que leurs frais de gestion sont bas. À titre de comparaison, le FINB BMO d’obligations totales de BMO Groupe financier affiche un ratio des frais de gestion de 0,32 %. Le fonds de FNB Catégorie portefeuille FNB sécurité BMO Guardian, affiche pour sa part des frais de 1,65 %. Ce fonds investit dans 11 placements, dont 7 FINB BMO, pour une répartition de près de 75 % en titres à revenus fixes.
Avoir leur part du gâteau
C’est pour avoir leur part du gâteau dans cette vague qui favorise les FNB que les compagnies de fonds communs se sont lancées. Elles contournent ainsi le fait que les FNB ne peuvent être distribués que par des courtiers de plein exercice. Les représentants en épargne collective ont ainsi accès aux FNB, par le truchement d’un fonds communs.
Dès 2009, on a vu apparaitre les fonds communs de FNB PowerShares d’Invesco. La compagnie offre aussi ses propres FNB PowerShares, qui sont au nombre de 14. Sont ensuite arrivés BMO Fonds Guardian et le joueur de niche, PIE Funds, en 2010.
L’actif des fonds communs de fonds négociés en bourse a toutefois un grand chemin à parcourir pour rejoindre ses pairs. Cet actif est, en ce moment, à peu près dix fois moins élevé que celui des FNB.
Du côté des FNB purs, la vague se poursuit depuis le début de la crise. Dirigé par le spécialiste en FNB, Pat Chiefalo, le bulletin mensuel de Financière Banque Nationale montre leur qualité de valeur refuge. Les FNB ont engrangé 784 millions de dollars (M$) en aout, dont l’essentiel est allé dans des fonds à revenus fixes. Sept fonds sur les 10 premiers FNB, en termes d’entrées nettes (inflows), en aout, sont des fonds d’obligations, note le bulletin. Les FNB d’actions privilégiées sont aussi prisés, au détriment des FNB de croissance.
Le montant des entrées nettes totales du mois d’aout n’a rien d’exceptionnel. Cette année, les FNB ont connu leur plus gros mois en mars, avec des entrées nettes approchant les 1,8 milliards de dollars (G$).
Quant aux sommes engrangées par les FNB, en aout, elles portent à 51,55 G$ leur actif sous gestion au Canada. Sur 261 FNB cotés en bourse au Canada, en aout, le grand gagnant a été le iShares S&P/TSX 60 (XIU) de BlackRock, avec 158,7 M$ de ventes nettes. Depuis le début de l’année, c’est cependant le FINB BMO d’obligations totales qui domine à ce chapitre, avec des entrées de 486 M$.
Présent dans le marché canadien des FNB depuis le début, BlackRock (jadis Barclay’s Global Investors) occupe le sommet, avec un actif sous gestion de 39,42 G$, au 31 aout 2012. Apparus en 2010, les FINB BMO arrivent deuxième, avec un actif de 7,21 G$. Horizons se classe troisième, avec un actif de 3,41 G$. Les FNB de BMO sont ceux qui ont engagé le plus d’argent en aout, avec 450 M$ d’entrées, contre 176 M$ pour BlackRock. Les autres joueurs sont, dans l’ordre : PowerShares, Vanguard, RBC Banque Royale et First Asset.
Le gestionnaire des FNB de BMO, BMO Gestion d’actifs, a connu de fort bons résultats. Ses fonds négociables en bourse ont franchi la barre des 7 G$ en actif sous gestion, à la fin du mois d’aout. L’actif a ainsi progressé d’un milliard de dollars au cours des mois de juillet et aout, soit de 16 %.
Un rapport publié en septembre par BMO Gestion mondiale d’actifs sur les perspectives 2012 révèle que l’actif sous gestion des FNB avait cru de 15,9 % au 31 aout 2012, par rapport au début de l’année. « En huit mois à peine, le taux de croissance de 2012 se rapproche déjà de la croissance annuelle composée de 18,5 % enregistrée par l’industrie canadienne des FNB, au cours des cinq dernières années », écrit BMO.
Les FNB devraient poursuivre leur croissance jusqu’à la fin de 2012, malgré l’environnement économique défavorable, ajoute le rapport. Et bien plus encore, croit-on chez BMO. « Le marché des FNB est appelé à croitre pour les cinq à dix prochaines années », a déclaré Alain Desbiens, vice-président aux ventes régionales pour FINB BMO, en entrevue au Journal de l’assurance. La vigueur de ce marché tiendra, selon lui, à l’innovation et à la pénétration de nouveaux réseaux de distribution.
Peu avant l’entrevue, BMO venait de lancer un nouveau FNB, en réponse à l’environnement actuel, Actions canadiennes à faible volatilité. « Les investisseurs individuels cherchent de plus en plus refuge contre la volatilité. Il s'agit d'un fonds qui participe moins aux marchés haussiers, mais qui réduit en revanche l’impact des marchés baissiers. Or, ce type de solution n’existait qu’aux États-Unis et chez les investisseurs institutionnels », dit M. Desbiens.
Une autre innovation pourrait bientôt voir le jour dans le marché canadien des FNB. Le succès que connaissent aux États-Unis les FNB à gestion active pourrait inciter des fournisseurs canadiens à emboiter le pas, prédit le rapport de BMO. Pour l’instant, les FNB sont essentiellement des fonds à gestion passive.
M. Desbiens croit aussi que les réseaux de distribution se diversifient, grâce entre autres à l’avènement des fonds communs de fonds négociés en bourse. Seul le conseiller en placement détenteur d’un permis de plein exercice en valeurs mobilières peut distribuer un FNB. Les représentants en épargne collective peuvent ainsi passer par les fonds de FNB pour participer à la vague.
« Nous voyons de plus en plus les conseillers indépendants amalgamer dans le portefeuille de leurs clients des fonds communs traditionnels avec des FNB et des fonds communs de FNB. BMO Assurance vie intègre de plus en plus de fonds de FNB dans ses produits d’assurance vie universelle et dans ses fonds distincts ». Les compagnies de fonds communs saisissent l’occasion. Selon le rapport de BMO, le nombre de fonds d’investissement ou de fonds de fonds qui prennent position dans les FNB ne cesse de croitre.
C’est le cas chez Invesco. « Nous continuons de constater une forte demande pour nos fonds PowerShares et nos portefeuilles de répartition Tacticiel Invesco. Nous avons d’ailleurs créé, en avril, deux nouveaux produits centrés sur le rendement », dit Oricia Smith, vice-présidente au développement de produits chez Invesco. Il s’agit des Portefeuille de rendement stratégique Tacticiel Invesco et Catégorie Portefeuille rendement en capital stratégique Tacticiel Invesco. « Ce lancement a été couronné de succès », ajoute-t-elle.
Pour sa part, le directeur de la distribution des PowerShares, Michael Cooke, a révélé que ces fonds ont amassé un actif total de 1,5 G$, en aout. Lancée en 2009, la gamme compte maintenant 21 fonds. Les cinq fonds les plus populaires avoisinent chacun les 200 M$ d’actif sous gestion.
Lancés en 2010, les portefeuilles de fonds négociés en bourse Tacticiel ont aussi fait leur chemin. « Les ventes nettes ont été très fortes depuis, en raison de la demande actuelle pour des solutions de gestion des risques », dit M. Cooke. L’actif sous gestion des portefeuilles Tacticiel a atteint 2,7 G$, au 13 aout. Il a précisé que les deux nouveaux portefeuilles Tacticiel, lancés à la fin d’avril, avaient recueilli 67 M$ d’actifs, en aout.
À l’inverse de ses compétiteurs, Invesco a lancé ses fonds communs de FNB avant les FNB eux-mêmes. C’est en 2011 qu’Invesco a lancé ses FNB américains au Canada, aussi appelés Powershares. « Nous sentions que le moment était mal choisi de lancer des FNB en 2008-2009. Nous avons plutôt décidé de les amener au marché canadien à travers nos fonds. Ensuite, la demande [canadienne] pour les FNB a augmenté et les banques ont commencé à y injecter des liquidités. Nous avons donc lancé nos FNB PowerShares au Canada, en juin 2011 », dit M. Cooke.
Pour sa part, le vice-président au développement des affaires de BMO Fonds Gardian, Leon Garneau Jackson, qualifie de franc succès les 1,86 G$ accumulés dans les fonds de FNB Guardian, depuis leur lancement en 2010, jusqu’au 31 juillet 2012. Le réseau indépendant des représentants en épargne collective y a contribué à hauteur de 450 M$, et celui des succursales bancaires, à 1,41 G$.
« La demande s’est bien enchainée dans l’Est du Canada, pour ensuite s’étendre dans les autres régions. Les ventes sont maintenant régulières, et avec celles réalisées dans les dernières semaines, j’estime que nous avons atteint la barre des 2 G$ », a-t-il révélé en entrevue au Journal de l’assurance.
Les fonds Guardian ont eux aussi lancé deux nouveaux fonds de FNB, pour leur part à la mi-juin, rappelle M. Jackson. Il s’agit des fonds FNB à rendement cible et FNB à rendement cible amélioré. « Ces deux nouveaux portefeuilles sont axés sur des placements fiduciaires », dit-il.
La gamme, qui comptait 4 fonds au départ, s’est enrichie depuis de deux portefeuilles stratégiques et des deux derniers produits. La grande majorité des ventes de fonds communs de FNB provient du réseau des succursales bancaires et de ses directeurs en services financiers, ainsi que des planificateurs financiers.
La part des banques est plus grande
« Leur part est supérieure à celle du réseau indépendant [représentants en épargne collective et de plein exercice], car ces deux réseaux sont différents, explique M. Jackson. Le réseau de la Banque est très étendu à travers le Canada, avec 2 166 directeurs de services financiers et 692 planificateurs financiers. »
M. Jackson sait que les frais plus élevés peuvent déranger certains investisseurs, qui préféreront acheter leurs FNB directement en Bourse. Il dit toutefois avoir touché sa clientèle cible. « Les portefeuilles de FNB s’adressent à des investisseurs qui veulent une solution clé en main. Oui, les frais sont plus élevés, mais leur portefeuille offre plus d’outils : le rééquilibrage quotidien, le profilage du risque, l’efficacité fiscale [fonds Catégorie], dit-il. Le FNB s’adresse à ceux qui n’ont pas besoin de ces trois caractéristiques. »
Chez Invesco, Michael Cooke croit que les fonds et les portefeuilles tactiques de FNB sont la solution intégrée la plus en vogue au Canada, parce qu’ils offrent une combinaison entre gestion active et passive. « Ils sont plus près du procédé d’investissement qu’utilisent les grands investisseurs comme les caisses de retraite. Ils attirent l’attention de la population âgée, car les plus vieux investisseurs craignent le risque et ont besoin d’un revenu régulier. »
Les boumeurs investisseurs souhaitent donc un portefeuille qui offre un revenu intéressant et qui gère le risque, tout en offrant un rendement attrayant, dit M. Cooke. Or, il est difficile, même pour les meilleurs gestionnaires de fonds, de générer un revenu aux investisseurs dans un environnement volatil et de faible taux d’intérêt à long terme, ajoute-t-il.
Les fournisseurs de fonds de FNB comptent sur d’importants partenaires pour faire mousser leurs ventes dans le réseau indépendant. BMO Fonds Guardian compte pour sa part sur le réseau des courtiers en valeurs mobilières et des courtiers en épargne collective, tels qu’Investia et Peak, dit Leon Garneau Jackson.
Le phénomène semble plus marginal chez les agents généraux. Le Goupe AFL de Lévis n’en vend tout simplement pas. Du bureau récemment ouvert à Québec, Dominic Rochette, directeur investissement d’AFL, explique que la plupart de ses 750 courtiers (dont plus de 200 réguliers) possèdent leur permis en épargne collective. Il s’apprêtait à rencontrer un dirigeant de BMO au sujet des FNB au moment de l’entrevue.

« Pour le moment, nous vendons beaucoup plus de fonds distincts que de fonds communs, en raison de la baisse de marché, explique M. Rochette. Lorsqu’on observe que les fonds équilibrés ont fait environ 0 % de rendement en 5 ans, il n’est pas évident de déplacer un client d’un fonds distinct vers un fonds commun. Il faut penser aux garanties des clients, dont certaines n’existent plus dans les fonds distincts des dernières années. »
M. Rochette dit ne pas non plus avoir de demande de ce côté de la part de ses clients. II rappelle que le réseau des agents généraux est vieillissant et que ce sont surtout les plus jeunes qui vendent des fonds communs. « Les clients plus âgés veulent de la sécurité et des garanties », dit-il.