Assureurs et courtiers ignorent trop souvent les risques liés aux installations de foyers non conformes. Pourtant, la menace d’incendies est réelle. Du même coup, les assureurs s’exposent aux réclamations.

L’avertissement est lancé par Pierre Beaupré, ingénieur chargé de projets au Centre d’inspection en bâtiment du Québec (CIEBQ). C’est suite à plusieurs milliers d’inspections réalisées dans des immeubles détenus en copropriété (de deux à douze unités d’habitation) et des chalets (d’au moins deux unités) au Québec que le CIEBQ a pris conscience de l’ampleur du risque d’incendie. « Depuis 1996, nous avons vérifié les installations de 3 000 unités d’habitation et nous n’en avons pas vu une seule conforme, dit M. Beaupré. Dans 90 % des cas, ce ne sont pas les foyers ou les cheminées qui posent problème, mais les matériaux combustibles qui se trouvent trop près de ces cheminées. Ils se trouvent parfois à moins de deux pouces de celles-ci. »

Résultat : il a observé des panneaux d’isolants rigides fondus, des pièces en bois déjà brulées, et plus encore. Comment éviter cela ? Chaque cheminée devrait être à l’intérieur d’un boitier en gypse, un matériau qui ralentit les incendies. Or, selon l’ingénieur, ce n’est jamais le cas. Il devrait aussi y avoir du gypse dans les conduites. De plus, il faudrait compartimenter les groupes de cheminées à chaque étage. Il précise d’ailleurs que la Régie du bâtiment a émis en 2008 un document d’interprétation qui présente une installation sécurisée.

Une question taboue

Les installations non conformes ne concernent pas seulement les immeubles détenus en copropriété et les chalets. M. Beaupré en a aussi constaté dans des hôtels. On trouve des installations non conformes dans toute la province. Toutefois, selon M. Beaupré, les grandes villes sont particulièrement touchées, car elles abritent un plus grand nombre d’habitations. Les sites de villégiature comme Mont-Tremblant et Saint-Sauveur ne sont pas en reste.

Les installations de foyers au bois ne sont pas les seules à être souvent non conformes. Celles au gaz le sont aussi parce qu’il n’y a pas toujours de gypse ni de gaine étanche autour des cheminées, ni même de séparation coupe-feu entre les unités. Là encore, les cheminées sont trop souvent en contact avec des matières combustibles.

Au dire de M. Beaupré, peu de personnes sont conscientes des risques encourus. « Je suis surpris que les assureurs ne soient pas sur leurs gardes, alors que ce fléau risque de prendre de l’ampleur, dit-il. Interrogé au sujet de la négligence des assureurs, il indique que certains « jouent peut-être à l’autruche par peur de perdre des clients. C’est peut-être une question taboue. » Il observe d’ailleurs que des assurés sont prêts à payer une surprime pour être couverts. M. Beaupré déplore cette dernière pratique. « On joue avec la sécurité des gens », prévient-il.

Il estime aussi que plusieurs compagnies ne connaissent pas le risque et, de ce fait, continuent de l’assurer.

Selon M. Beaupré, les courtiers ne sont pas plus conscients des risques. Il cite en exemple son expérience personnelle. « Lorsque j’ai souscrit mon contrat d’assurance, on ne m’a pas demandé si j’avais un foyer, encore moins s’il était au bois ou au gaz. Compte tenu du risque potentiel, la question devrait être posée », dit-il.

Le CIEBQ veut sensibiliser l’industrie

Fort de ces constations, le CIEBQ veut sensibiliser assureurs et courtiers aux risques que comportent les installations de foyers non conformes. L’entreprise a mis au point une méthode alternative pour enrayer les risques. « Cela coute de 1 500 $ à 3 000 $. Nous proposons de suivre les travaux réalisés par les entrepreneurs. Au terme de ces travaux, nous délivrons une attestation de conformité fidèle aux exigences des autorités. En cas de non conformité, nous dressons une liste des défaillances », dit M. Beaupré. Le CIEBQ a aussi créé des formations destinées aux divers intervenants du secteur de la construction.