Co-operators a eu gain de cause devant la Cour d’appel du Québec dans l’affaire de la fraude du président dont a été victime la Coop fédérée. Le perdant au final est Liberty International Underwriters. La police qui couvrait la Coop fédérée a été finalement qualifiée comme étant « spécifique ».

Dans un jugement datant du 4 octobre, la Cour d’appel du Québec a accueilli partiellement la décision de la Cour supérieure du Québec concernant la fraude du président dont a été victime la Coop fédérée. Le jugement de 2016 déterminait qui était responsable de la cyberattaque subie par la Coop et déterminait ainsi si les assureurs au dossier devaient l’indemniser.

La Compagnie d’Assurance générale Co-operators devra indemniser la Coop fédérée, mais n’aura pas à rembourser Liberty International Underwriters pour le montant que cette dernière a déboursé. Cette dernière a été considérée comme une police d’assurance spécifique par les juges Jacques Dufresne, Patrick Healy et Geneviève Cotnam.

Résumé des faits

En 2014, la Coop fédérée avait été victime d’un stratagème de fraude du président. Dans ce type de fraude, un individu se fait passer pour le président d’une entreprise et demande à ce que des sommes d’argent importantes lui soient transférées.

Le stratagème est exécuté de manière réaliste, sans que les employés touchés se doutent de quoi que ce soit. L’argent transféré peut ensuite se retrouver dans des comptes de banque n’importe où dans le monde. Dans le cas de la Coop fédérée, le montant qui a été remis au fraudeur totalisait 6 489 618,10 $ canadiens et a été déposé quelque part en Chine.

En première instance, le Tribunal a affirmé que la Coop fédérée était responsable de la perte subie et non la Banque Nationale du Canada, qui a accepté le transfert de fonds, comme le prétendait Co-operators. Ainsi, les deux compagnies d’assurance ont eu à rembourser leur assuré.

Deux polices d’assurance

En appel, la victoire de Co-operators s’est jouée sur la qualification de la police d’assurance de Liberty. La Coop fédérée était assurée auprès des deux entreprises.

D’une part, elle a signé un contrat d’assurance d’une limite « des biens et pertes d’exploitation » auprès de Co-operators, jusqu’à concurrence de 15 millions de dollars (M$). D’autre part, elle a souscrit une assurance avec une limite d’un million de dollars « contre la fraude et le détournement » auprès de Liberty.

Tout de suite après l’incident, Liberty a payé le million de dollars à la Coop. La compagnie a, par la suite, demandé à Co-operators de lui rembourser une partie de ce qu’elle avait payé, pour que la réclamation soit répartie de manière proportionnelle entre les deux assureurs. Le principe de la pluralité d’assurance a donc été évoqué.

Assurance spécifique ou non ?

Toutefois, une exclusion s’applique : celle de l’assurance spécifique. « Entre les assureurs, à moins d’entente contraire, l’indemnité est répartie en proportion de la part de chacun dans la garantie totale, sauf en ce qui concerne une assurance spécifique, laquelle constitue une assurance en première ligne », peut-on lire dans le jugement de la Cour d’appel.

En fait, en première instance, la police d’assurance de Liberty avait été qualifiée de générale. « Tout comme la police Co-operators, la police de Liberty couvre tous les biens de l’assurée la Coop, de même que tous les risques pouvant directement atteindre les biens assurés », peut-on lire dans la décision de 2016.

Toutefois, en appel, les juges ont décidé de changer la qualification de ladite police. « Ce serait restreindre indument la qualification d’assurance spécifique que de la limiter au seul cas d’une assurance couvrant des biens individualisés. L’assurance consentie pour couvrir une catégorie particulière de risques peut aussi, selon le contexte, être considérée comme une assurance spécifique. »

Ainsi, la police, en couvrant l’entreprise en cas de fraude ou de détournement, constitue une catégorie particulière. La pluralité d’assurance fait en sorte que les deux polices d’assurance sont cumulatives, mais le fait que celle de Liberty soit spécifique vient annuler la condamnation de Co-operators à ce sujet.

Décision finale

« Comme l’appelante Co-operators a gain de cause sur la question de qualification de l’assurance de Liberty, mais qu’elle a refusé à tort d’indemniser son assurée, l’appel est accueilli en partie avec frais en sa faveur contre Liberty, mais avec frais contre elle en faveur de Coop fédérée et de la Banque Nationale, dans les trois cas, tant en appel qu’en première instance », conclut la Cour d’appel dans son jugement.

Co-operators devra donc finalement débourser la somme de 4 984 618,10 $ à Coop fédérée, ce qui inclut la franchise de 5 000 $ et les frais de rétention de 500 000 $ que la Coop devra payer.