Les assureurs montrent des écarts entre eux quant à leur gestion des cas d’invalidité de longue durée. C’est la conclusion à laquelle en est venu le réassureur Munich Re au terme d’une étude réalisée à la grandeur du pays.

Charles Tremblay, vice-président associé aux réclamations chez Munich Re, a présenté les résultats de cette étude dans le cadre de la tournée du 20e anniversaire d’Optima Santé globale, qui a fait un arrêt à Québec le 23 septembre.

L’étude a été réalisée en 2011 par la firme américaine Claim Analytics pour le compte du réassureur. Elle visait à analyser l’expérience de divers assureurs canadiens en matière de terminaison des réclamations en invalidité de longue durée en assurance collective. On voulait ainsi comparer leur performance et leur gestion des réclamations, et tenter de déterminer les éléments que les assureurs pouvaient améliorer.

Modèle statistique

Claim Analytics a créé un modèle statistique afin de prévoir les probabilités de la fin de la réclamation en invalidité de longue durée en moins de 24 mois. Chaque assureur participant a reçu un rapport personnalisé basé sur son expérience et sur son historique en gestion des réclamations.

Les résultats ont été agrégés pour harmoniser la variabilité des régimes collectifs comme le délai de carence (ramené à 119 jours en moyenne), le diagnostic ou l’âge de l’assuré, afin d’établir le taux de terminaison attendu de chaque assureur.

Deux rapports distincts ont été produits, un pour le Québec et l’autre, pour le reste du Canada, pour distinguer les assureurs qui font affaire seulement au Québec, et aussi parce que les résultats divergent de manière importante entre les deux régions. Il y a un plus grand nombre de réclamations au Québec, mais une plus grande proportion d’entre elles prennent fin à l’intérieur du délai de 24 mois. C’est pourquoi Claim Analytics a jugé bon de produire des résultats distincts.

Les 15 compagnies participantes représentent 75 % de toutes les réclamations en invalidité de longue durée au Canada. Neuf assureurs sont inclus dans l’étude pour le Québec, et onze pour le reste du Canada. Les quatre autres ont un volume de réclamations insuffisant et Claim Analytics n’a pu produire un modèle de prédiction crédible quant à leur taux de terminaison.

Au Québec, le taux d’incidence est presque trois plus élevé que dans le reste du Canada. Autrement dit, pour une entreprise de 1 000 employés, celle qui est établie au Québec a trois fois plus de chance d’avoir une réclamation en invalidité de longue durée que celle établie ailleurs au Canada.

Selon M. Tremblay, une partie de l’explication tient au fait qu’au Québec, on compte aussi un plus grand nombre de réclamations pour invalidité de courte durée. En moyenne, le même assureur gère les deux types de couverture pour 55 % des groupes assurés.

Le taux d’approbation initiale en invalidité de longue durée est en moyenne de 75 % pour l’ensemble des participants. « Je me serais attendu à ce que ça soit plus élevé que cela, dit M. Tremblay. Évidemment, ajoute le conférencier, une partie des réclamations qui subissent un premier refus finissent par être acceptées en invalidité de longue durée après une révision du dossier. »

Un large échantillon

L’étude de référence est basée sur un très large échantillon de réclamations en invalidité de longue durée, soit 75 439 au Québec et près de 110 000 ailleurs au Canada. La date du début des prestations, après le délai de carence, devait se situer entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2008. On a exclu les réclamations pour complications reliées à la grossesse, pour cause de décès ou d’atteinte de l’âge maximum.

Pour chaque réclamation, les renseignements demandés portaient sur l’âge au moment de l’invalidité, le sexe de l’assuré, le montant de la prestation mensuelle, le délai de carence, la région de résidence, le diagnostic principal selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé et le secteur industriel.

Le taux de terminaison attendu des réclamations en invalidité de longue durée pour les assureurs du Québec est en moyenne de 74 %, avec des résultats variant de 67 % à 79 % entre les neuf assureurs. Ces résultats incluent l’ensemble des réclamations, que les conditions soient d’ordre psychologique ou musculosquelettique. Ailleurs au Canada, le taux de terminaison est de 57 % en moyenne, mais les écarts entre les onze assureurs sont plus grands qu’au Québec, soit de 48 à 63 %.

Lorsqu’on subdivise les résultats en fonction du type de réclamation, d’autres divergences sont notables entre le Québec et le reste du Canada. Pour les invalidités de longue durée reliées à des problèmes de santé mentale, elles forment 40 % de l’ensemble des réclamations au Québec, mais seulement 25 % ailleurs au Canada. Dans ce domaine, le taux de terminaison des assureurs du Québec est plus élevé (83 %) que pour le volume total de réclamations. D’un assureur à l’autre, les résultats varient de 70 à 88 %, mais soulignons qu’un seul des assureurs montre une note inférieure à 80 % pour les invalidités de longue durée en santé mentale. Selon M. Tremblay, un tel écart représente une différence notable en matière de certification.

Écarts plus importants

Ailleurs au Canada, le taux de terminaison attendu en moins de 24 mois est en moyenne de 63 %. Les écarts sont encore une fois plus importants entre les onze assureurs, avec des notes allant de 55 % à 75 %.

M. Tremblay a réfléchi à voix haute sur l’écart entre la situation du Québec et celle des autres provinces. « Est-ce que les médecins sont davantage portés à faire ce diagnostic au Québec? Est-ce que ce diagnostic est socialement plus accepté au Québec qu’ailleurs au Canada ? Je pense que oui. Ailleurs au pays, on voit plus de cas de fatigue chronique et de fibromyalgie, par exemple. Mais les problèmes sous-jacents sont souvent les mêmes, c’est juste le diagnostic qui change », dit-il.

Pour les réclamations reliées à des problèmes physiques comme des troubles musculosquelettiques, le taux de terminaison est de 72 % pour les neuf assureurs du Québec, avec des notes variant de 65 à 81 %. Ailleurs au Canada, le taux de terminaison de cette catégorie de réclamations est en moyenne de 57 %, avec des résultats allant de 43 % à 61 %. Encore là, un seul des onze assureurs est sous la barre des 50 %.

Plus le délai est court plus le règlement est rapide

Concernant le délai de carence, le vice-président de Munich Re part de la prémisse que plus ce délai est court, plus l’analyse du dossier par l’assureur est rapide et plus les réclamations se terminent vite. Pour les assureurs du Québec, le taux de terminaison est de 79 % pour les réclamations faites dans le cadre d’une couverture dont le délai de carence est de 0 à 93 jours, et ce taux est similaire quand le délai de carence est de 94 à 179 jours. Pour les réclamations où ce délai de carence dépasse les 180 jours, le taux de terminaison n’est que de 66 %.

L’étude montre aussi l’historique des réclamations en fonction du diagnostic, où là encore des différences sont notables entre le Québec et le reste du Canada. Les résultats varient aussi grandement d’un assureur à l’autre. Par exemple, seulement 23 % des réclamations en invalidité de longue durée d’un assureur ayant participé à l’étude durent moins de six mois, et 30 % durent de 12 à 24 mois. Dans les deux cas, ces résultats sont très supérieurs à ceux de la concurrence. M. Tremblay pense que dans le cas de cet assureur, le délai de carence est plus long, ce qui fait que les assurés sont plus malades au moment de toucher leurs prestations, et ils en touchent plus longtemps.

Pour des invalidités de plus longue durée, soit de 12 à 24 mois, on note aussi de plus grandes variations d’un assureur québécois à l’autre. Pour l’un d’entre eux, elles ne représentent que 16 % des réclamations, mais elles grimpent jusqu’à 30 % pour un autre. Des écarts notables existent aussi pour les assureurs en activité ailleurs au Canada.

L’étude montre aussi que les assureurs dont le taux d’approbation initiale des réclamations en invalidité de longue durée est plus bas sont aussi ceux qui ferment un plus grand nombre de dossiers. « Ils ont probablement une gestion plus serrée », évalue M. Tremblay.

Une nouvelle étude de référence est en cours chez Munich Re sur la gestion des réclamations en invalidité de longue durée au changement de définition (plus de 24 mois), dont les résultats seront divulgués aux assureurs participants en 2014.