Selon Denis Ricard, président et chef de l’exploitation d’iA groupe financier, l’entrée en vigueur des nouvelles normes comptables IFRS 17 en 2022 ne représente pas un progrès pour les assureurs canadiens.
M. Ricard était l’invité d’un diner-conférence tenu à Québec le mardi 27 novembre. Une bonne partie de la présentation de Denis Ricard reprenait les propos entendus au Cercle canadien, le 17 septembre dernier à Montréal.
C’est en présentant les cinq axes de développement, les mêmes que ceux présentés lors de la journée des investisseurs du 22 juin 2018, que Denis Ricard a exprimé son mécontentement à l’égard des normes IFRS 17. Le deuxième axe porte sur les réserves, les placements et le capital, qui vise à protéger en tout temps la situation financière solide.
Un enjeu depuis 2004
Denis Ricard entend parler des nouvelles normes IFRS depuis 2004, alors qu’il était actuaire en chef. Ça devait se faire en 2012, ça sera implanté finalement en 2022. « Ce qui est important, c’est le capital. La comptabilité, la reconnaissance des profits dans le temps, il y a des choses arbitraires là-dedans », dit-il.
Selon lui, la méthode actuelle visant à reconnaitre la capacité à générer des profits est bonne, car il y a très peu d’écarts entre le bénéfice par action (BPA) déclaré chez iA et le bénéfice ajusté. « Avec la méthode IFRS 17 qui s’en vient, on sépare l’actif et le passif. Il y aura une plus grande volatilité des résultats financiers. Résultat : nous allons tous devoir ajuster nos résultats », dit-il.
« Une grande erreur »
Selon lui, dans les années 2000, l’Institut canadien des comptables « a malheureusement abandonné sa souveraineté quant à sa capacité à définir les normes comptables canadiennes ». Cela a été une « grande erreur qui a été commise à l’époque », déplore-t-il.
Denis Ricard en appelle aux autorités canadiennes de règlementation. « Nous devons garder le contrôle ici. Oui, il y a des normes internationales, mais nous devons avoir un regard canadien sur ce qu’il se fait. Il y a des produits différents ici, ça doit être reconnu. J’ai confiance que les régulateurs sauront le reconnaitre et ne laisseront pas tomber l’industrie », dit-il en faisant valoir les efforts de lobbying menés par l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP).
Un trésor de guerre de 1 G$
iA Groupe financier n’a jamais été dans une position aussi enviable en matière du capital, note M. Ricard. L’entreprise a « au moins un milliard de dollars canadiens disponibles pour réaliser des acquisitions », insiste-t-il.
Les nouvelles normes canadiennes sur le capital reconnaissent mieux la saine gestion des risques menés par l’assureur, selon Denis Ricard. « Ça nous protègera si les marchés connaissent une baisse importante. La sensibilité de notre ratio de capital n’a jamais été si faible comparativement aux facteurs macroéconomiques », poursuit-il.
Autres rachats
Lundi, Denis Ricard et Jacques Potvin, vice-président et chef des finances, rencontraient des investisseurs institutionnels. Pour M. Potvin, rapporte M. Ricard, la meilleure manière de comprendre la valeur d’un assureur, c’est de regarder l’évolution de sa valeur comptable par action en circulation. Depuis la démutualisation en 2000, la croissance moyenne chez IA est de 10 % par année, passant de 8,44 $ au 31 mars 2000 à 47,18 $ au 30 septembre 2018.
L’évolution du titre sur le marché a connu une croissance similaire de 10 % durant la même période, mais le titre a déjà été nettement mieux valorisé par les investisseurs. « Ce n’est pas pour rien que nous avons lancé des programmes de rachat d’actions », indique-t-il.
Lundi dernier, la valeur de l’action d’iA était à 48,62 $, à peine plus élevée que sa valeur comptable. « Les investisseurs nous demandent si nous sommes acheteurs. À ce prix-là, nous serons actifs, certainement », dit-il. M. Ricard souligne avoir déjà passé le même message lors des échanges avec les analystes financiers, lors de la publication des plus récents résultats trimestriels, le 7 novembre dernier.
Axes de développement
iA est premier au Québec dans plusieurs segments de marché : en nombre de contrats vendus en assurance individuelle, en ventes nettes de fonds distincts, en ventes d’assurance invalidité. Le groupe est aussi ex aequo au 1er rang en distribution de fonds communs de placement chez les institutions non bancaires et en contrats vendus chez les concessionnaires automobiles. « Par rapport à nos concurrents au Canada, nous réalisons 95 % de nos activités au pays. Il y a encore de la place pour grandir au Canada », indique-t-il.
D’ailleurs, sur le plan des bénéfices nets réalisés dans les activités canadiennes, la croissance annuelle moyenne entre 2012 et 2017 a été de 15 % chez iA, contre -1 % pour les trois principaux concurrents en assurance de personnes.
Traduits autrement, ces mêmes bénéfices réalisés chez iA représentaient 25 % de ceux réalisés par les trois grands assureurs en 2012. Cinq ans plus tard, iA réalisait 53 % des bénéfices de ses concurrents, toujours dans leurs activités canadiennes.
30 acquisitions en 30 ans
En 30 ans, iA a réalisé une trentaine d’acquisitions. « Il y a 30 ans, nous n’étions pas du tout dans la gestion de patrimoine. Le secteur représente désormais le tiers de nos bénéfices », indique-t-il.
Pour améliorer l’expérience client et leurs relations avec les conseillers, Denis Ricard souligne la présence au conseil d’administration de Louis Têtu (Coveo), Nicolas Darveau-Garneau (Google) et Marc Poulin (ex-président de Sobeys). La nomination de Pierre Miron en aout dernier, comme vice-président responsable des technologies de l’information, permettra de poursuivre le virage numérique entrepris chez iA. M. Miron occupait des fonctions similaires depuis 2010 à la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Apprendre à dire non : un défi
Denis Ricard n’a pas encore passé 100 jours dans la chaise du grand patron, mais il fait déjà un constat. « Ce qui m’a le plus surpris, c’est la gestion de mon temps. Il faut apprendre à dire non. On ne peut pas tout faire », dit-il.
Le nouveau PDG d’iA Groupe financier a repris certaines des activités caritatives autrefois réalisées par Yvon Charest, qui était très impliqué dans la communauté. « Je voulais envoyer un message de continuité », dit-il.
Denis Ricard souligne que, lors de son passage au Cercle canadien en septembre, il n’était en poste que depuis quelques jours. « C’est Yvon Charest qui m’a annoncé, lors de la transition, que j’allais devoir faire cette présentation. Il avait accepté l’invitation au printemps en sachant qu’il n’allait pas être là », raconte M. Ricard en souriant.