Gilles Ouimet

Selon Gilles Ouimet, syndic de la Chambre de la sécurité financière, le processus disciplinaire doit contribuer à changer le comportement du représentant tout en protégeant le public. 

Le Portail de l’assurance s’est entretenu avec M. Ouimet le 13 juillet dernier. Cet entretien a été demandé à la suite d’une décision concernant une sanction récemment imposée.

Dans le cas de ce représentant qui a été condamné à des amendes totalisant 30 000 $, le comité n’a pas retenu une autre condamnation déclarée en 2021 pour des gestes posés en 2017, soit à une période plus récente que les manquements reprochés dans la plus récente plainte.

Un autre antécédent nettement plus ancien, mais de même nature a été retenu par le syndic dans la détermination de la sanction qu’il proposait au comité de discipline concernant ce représentant (David Veilleux). Cet exercice ne comporte pas une règle précise de calcul, indique Gilles Ouimet, car dans chaque cas, la sanction doit être individualisée et proportionnelle à la faute commise. 

La récidive 

« Quand on parle des antécédents, c’est un spectre qui peut être très large. Il y a la récidive, donc une faute déontologique qui a déjà été sanctionnée avant de poser un geste de même nature », dit-il.

À l’autre extrême, il y a le simple avertissement dans le cadre d’une autre enquête qui n’avait pas donné lieu à une plainte. Le syndic peut néanmoins en tenir compte comme antécédent administratif. « Évidemment, le poids de chacun varie considérablement. La récidive a beaucoup plus de poids que le simple avertissement administratif », précise M. Ouimet. 

« La sanction est un savant mélange de différents facteurs qu’on doit soupeser : la gravité de l’infraction, le comportement du professionnel, les circonstances reliées à l’infraction, au professionnel, etc. Tous ces facteurs-là doivent être soupesés pour essayer de déterminer ultimement une sanction juste et raisonnable », dit-il. 

De manière plus générale, le syndic doit tenir compte de la solidité de son dossier lorsqu’il négocie avec la partie adverse concernant la recommandation sur la sanction qui sera faite au comité. 

« Quand tu es assis sur un dossier en béton armé, facile à prouver, tu n’as pas beaucoup d’éléments qui t’incitent à négocier ou à accepter un règlement dans lequel il y aurait un compromis. À l’opposé, quand ton dossier comporte des faiblesses ou des difficultés de preuve, c’est un élément dont le poursuivant doit tenir compte », indique M. Ouimet.

Dans le dossier ci-dessus mentionné, les consommateurs concernés par les 10 chefs d’accusation avaient réglé un litige à l’amiable avec le représentant. Le contenu de l’entente n’a pas été divulgué au comité de discipline, mais le syndic a souligné son existence en faisant sa recommandation sur la sanction. M. Ouimet préfère ne pas commenter davantage. 

Dans le respect de la règle qui proscrit les condamnations multiples découlant de l’arrêt Kienapple, Gilles Ouimet explique que le comité a rapidement indiqué aux parties que ce principe s’appliquait à l’intimé Veilleux. Comme le syndic jugeait que les fautes les plus graves sont mentionnées aux chefs 9 et 10, ce sont ceux-là qui sont retenus pour déterminer la peine appropriée. Les procédures ont été suspendues pour les chefs 1 à 8. 

La technologie 

L’un des points positifs découlant de la pandémie de COVID-19 est relié à la signature électronique des documents, confirme M. Ouimet. Ce dernier souligne que dans l’appareil judiciaire et pas seulement pour celui relié à la justice administrative, « tout changement était extrêmement pénible et difficile. Les avancées technologiques, on pouvait compter ça sur les doigts d’une main. En l’espace de trois semaines, on n’a pas eu le choix », dit-il. 

Il souligne que le bureau du syndic « avait un volume de dossiers quand même assez important où l’on notait des fautes qui se rapportaient à la signature de documents », dit-il.

La signature électronique étant devenue la norme dans l’industrie, la disparition des chefs d’accusation à cet égard permet au processus disciplinaire « de se concentrer sur l’essentiel, soit la qualité du travail professionnel. Les recommandations étaient-elles adéquates ? L’analyse des besoins a-t-elle été faite ? », lance Gilles Ouimet.

Selon lui, le processus disciplinaire est ainsi davantage axé vers les aspects plus fondamentaux qui sont au cœur de l’exercice du métier de représentant. 

Pas de procureur 

Lorsqu’il y a une recommandation commune des parties concernant la sanction, le comité de discipline doit suivre un processus très rigoureux avant d’y déroger.

Dans un nombre grandissant de plaintes disciplinaires, on voit des cas où l’intimé se représente sans l’aide d’un procureur. C’était le cas pour une décision toute récente où l’intimée Nicole Bessette a été condamnée à 30 jours de radiation. Quelle est la valeur de la recommandation commune sur la sanction en pareil cas ? 

« Dans la mesure où on s’assure que l’intimé a toute l’information pertinente pour prendre une décision éclairée, à ce moment-là, il n’y a pas de raison d’écarter la suggestion commune », répond le syndic de la Chambre. 

« Pour moi, on ne peut pas l’exclure d’emblée parce que c’est une personne non représentée », ajoute M. Ouimet. 

Dans ce même dossier, l’intimée avait mentionné que le manquement reproché avait eu lieu alors qu’elle avait fort peu d’expérience et que « son encadrement n’était pas optimal ». Pourquoi le comité rapporte-t-il cet énoncé qui n’est pas soutenu par une preuve contradictoire, dans la mesure où l’employeur n’intervient pas dans le processus disciplinaire ? 

« L’encadrement déficient pour une personne qui n’a que 18 mois d’expérience ? Ça se peut », dit-il en notant qu’il ne se souvient pas de tous les éléments de la plainte dans le dossier de l’intimée Bessette. 

« Il ne faut pas accorder trop d’importance à des détails périphériques par rapport à une suggestion commune », souligne Gilles Ouimet. Il se permet une critique à saveur éditoriale : « À mon avis, les conseils et les comités de discipline écrivent parfois trop dans les dossiers où il y a une recommandation commune », dit-il. 

Même si l’employeur participe au processus disciplinaire, il faut apprécier son témoignage avec l’ensemble de la preuve et des faits du dossier. « Pour moi, c’est un élément qui est pertinent, l’encadrement ou l’absence d’encadrement », poursuit-il. 

La suite de notre entretien sera publiée dans le bulletin de mercredi 19 juillet 2023 du Portail de l’assurance