Interpellé à la Chambre des communes, le gouvernement de Justin Trudeau a déclaré ne pas envisager d’imposer les primes d’assurance santé et soins dentaires des régimes collectifs.

Suscitée par une question de la chef de l’opposition Rona Ambrose, la volte-face du gouvernement fédéral n’est pas étrangère à la levée de boucliers survenue quelques semaines auparavant, à l’initiative d’une coalition de l’industrie.

La coalition a regroupé entre autres l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et l’Independent Financial Brokers of Canada (IFB). Les agents généraux et les conseillers ont fait pression sur le gouvernement, par l’entremise de leurs associations respectives, CAILBA (Association canadienne des agences indépendantes de courtage d’assurance vie) et Advocis.

La coalition affirme que les trois milliards de dollars qui échappent au gouvernement en ne taxant pas les régimes de soins de santé et dentaires permettent aux employeurs d’offrir plus de 32,2 G$ en prestations de soins de santé.

« L’industrie de l’assurance de personnes est très heureuse que le gouvernement fédéral ait reconnu qu’imposer une taxe supplémentaire sur les régimes de soins de santé complémentaire et dentaire constituerait un fardeau supplémentaire, particulièrement pour les familles à revenu moyen et inférieur. », a indiqué la présidente d’ACCAP-Québec, Lyne Duhaime, lors d’une entrevue qu’elle a accordée au Journal de l’assurance.

Le réseau de distribution a été sur le pied de guerre. PDG de l’agent général BridgeForce Financial Group, et président de CAILBA, Michael Williams n’a pas lésiné sur les moyens de pression. « Alors que le gouvernement fédéral pensait taxer les primes d’assurance santé et dentaire des régimes des employeurs et des employés, nous avons demandé à nos conseillers de mettre de la pression sur leur député, de lui dire qu’ils ne sont pas contents de cette mesure envisagée », a-t-il confié en entrevue au Journal de l’assurance.

Facture des médicaments : l’ACCAP veillera au grain

L’ACCAP-Québec scrutera aussi à la loupe l’application des dispositions du projet de loi 92. Il prévoit qu’une facture détaillée des frais de médicaments achetés en pharmacie apparaisse dès le 15 septembre 2017. « Le comité des médicaments d’ACCAP-Québec en fait sa priorité d’établir un plan de communication dès qu’apparaitront les nouvelles factures », a révélé Mme Duhaime.

La présidente d’ACCAP-Québec affirme que cette facture sera la plus claire au Canada. « Nous allons plus loin dans la transparence. La marge du pharmacien ne sera pas incluse dans le prix de la molécule, mais intégrée au cout des honoraires. »

ACCAP-Québec aura aussi l’occasion de faire le point sur l’écart du cout des médicaments entre le régime public et les régimes privés. Le comité chargé par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, d’évaluer cet écart doit remettre son rapport le 1er octobre 2017. Un rapport de 2013 avait découvert un écart de 17 %, en défaveur des régimes privés. Plusieurs spécialistes soutiennent que l’écart s’est passablement creusé depuis. Mme Duhaime n’a pas souhaité commenter cette appréhension, préférant attendre les résultats du rapport.

Le RVER sous la loupe

ACCAP-Québec mesurera aussi le déploiement des régimes volontaires d’épargne-retraite (RVER) et des autres outils d’épargne qui auront été mis en place dans sa foulée. « L’obligation pour une entreprise qui n’a aucun régime d’instaurer un RVER vise à s’assurer que tout travailleur québécois ait accès à un régime de retraite. Si un employeur décide plutôt de mettre en place un REÉR collectif, il faut en tenir compte dans notre mesure. Le surendettement nuit beaucoup à l’épargne-retraite. Si l’employeur instaure un régime ou un autre, il impose une réflexion et déclenche le réflexe d’épargner, ce qui est déjà un succès grâce au RVER », dit Mme Duhaime.

Par ailleurs, ACCAP-Québec veut accroitre les échanges entre ses membres et les gouvernements. Après une première édition des Présidents au Parlement où ses membres ont pu rencontrer une trentaine d’élus, l’ACCAP-Québec entend rééditer l’expérience à l’automne 2017.

« Les relations entre l’ACCAP et les instances gouvernementales sont un peu comme celles d’un vieux couple : il faut raviver la flamme. Nous avons parfois l’impression que notre industrie est considérée comme un secteur qui crée de l’emploi, paie ses impôts et ne pose pas de problèmes. Nous considérons qu’elle devrait davantage être consultée, comme les industries minière et aéronautique. Être présents et rencontrer des élus pour parler des enjeux de l’industrie permet d’enclencher le dialogue. »

Les discussions porteront sans doute sur la taxe temporaire compensatoire de 0,48 %. « Nous avons fait notre effort et voulons que cette taxe temporaire soit abolie, maintenant que le gouvernement a rétabli l’équilibre budgétaire », a lancé Mme Duhaime. Elle souhaite que le Québec cesse d’avoir le niveau de taxation des produits d’assurance le plus élevé au Canada, et s’accommoderait d’un niveau similaire à celui de la deuxième province la plus taxée : l’Ontario.  


L’ACCAP a bon espoir de faire interdire le rachat à escomptes de polices au Québec

Selon ACCAP-Québec, l’interdiction du rachat à escompte des polices d’assurance se matérialisera bientôt.

C’est du moins ce que croit sa présidente Lyne Duhaime. Elle croit que cette interdiction se réalisera à travers le projet de loi omnibus fort attendu du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao.

« Nous faisons beaucoup d’efforts pour que le rachat de police à des fins spéculatives soit interdit. Nous discutons à cette fin avec le ministère des Finances et l’Autorité des marchés financiers », a confié Mme Duhaime, en entrevue au Journal de l’assurance.

La présidente d’ACCAP-Québec croit que ce changement arrivera soit par la Loi sur les assureurs, soit par la Loi sur la distribution de produits et services financiers. « Tout dépend de l’angle que prendra le législateur et de ce qui sera interdit. Il y a différentes façons de le faire », dit-elle.

La Saskatchewan revoit entièrement sa loi sur les assurances. Les rachats de polices passeront dans le tordeur, affirme Mme Duhaime.

Le Québec deviendra alors la seule province dans laquelle on ne peut pas l’interdire, rappelle Mme Duhaime. « En Ontario, le rachat de police est interdit. Dans les autres provinces, par exemple la Nouvelle-Écosse, le rachat n’est pas expressément interdit par la loi, mais l’assureur peut l’interdire dans ses contrats d’assurance. Le Code civil du Québec ne permet pas de le faire de cette façon. Il faudra que le législateur l’interdise », dit Mme Duhaime.