Qu’un produit d’assurance de personnes soit simple ou complexe, il doit se vendre avec les conseils d’un représentant certifié, insiste Marie Elaine Farley, PDG par intérim de la Chambre de la sécurité financière. Elle croit que le gouvernement doit composer avec les orientations qui lui seront soumises dans un contexte élargi à toute la distribution sans représentant.

farley_marieelaine_articleLors d’une entrevue accordée au Journal de l’assurance, Mme Farley a salué que le rapport L’offre d’assurance par Internet au Québec, publié le 2 avril par l’Autorité des marchés financiers, ne recommande pas le conseil en ligne. « Le régulateur nous donne raison sur ce point. Il reconnait aussi l’importance d’obtenir les conseils d’un représentant certifié », a commenté Mme Farley lors d’une entrevue avec le Journal de l’assurance.

En revanche, elle pense que la vente d’assurance de personnes par Internet sans représentant sera tout un défi à appliquer dans la réalité. Difficile de traduire un produit d’assurance complexe sur Internet, même avec des outils, selon la PDG de l’organisme d’autoréglementation.

Outils d’autoévaluation insuffisants

« Dans le cas des produits complexes, je vois difficilement comment les assureurs pourront répondre à l’exigence de fournir des outils d’autoévaluation. Et des outils d’autoévaluation ne sont pas non plus des conseils », a-t-elle rappelé.

La Loi sur la distribution des produits et services financiers (LDPSF) permet déjà la distribution sans représentant pour les produits de commodité, rappelle la PDG de la Chambre. Cette ouverture concerne par exemple l’assurance créancier ou voyage distribuée dans une succursale bancaire, par un préposé au guichet. Elle vise le distributeur qui n’exerce pas ses activités dans le domaine de l’assurance. Celui-ci doit s’en remettre à un guide de distribution pour connaitre et expliquer à ses clients le produit qu’il leur offre.

Nous n’avons jamais été en faveur de la distribution sans représentant. Par exemple, des clauses de condition préexistante mal comprises par les clients peuvent faire en sorte qu’ils pourraient ne pas bénéficier des protections auxquelles ils croyaient avoir droit.

– Marie Elaine Farley



La seconde orientation du rapport de l’Autorité qui recommande de permettre la vente d’assurance par Internet sans intervention d’un représentant revient un peu à la même chose, selon Mme Farley. Or, la distribution sans représentant mérite une réflexion plus large, croit-elle. « Ce sera maintenant au gouvernement de prendre le leadeurship et d’entreprendre une bonne discussion avec tous les intervenants du secteur. »

La PDG de la Chambre insiste : même les produits d’assurance les plus simples peuvent contenir des clauses de nature à confondre les consommateurs. « Nous n’avons jamais été en faveur de la distribution sans représentant, rappelle-t-elle. Par exemple, des clauses de condition préexistante mal comprises par les clients peuvent faire en sorte qu’ils pourraient ne pas bénéficier des protections auxquelles ils croyaient avoir droit. »

Raccourcir et simplifier les guides de distribution

À la suite d’une consultation effectuée en 2011 sur la distribution sans représentant, l’Autorité avait d’ailleurs recommandé à l’industrie de raccourcir et simplifier les guides de distribution. Neuf plaintes sur dix reçues par le régulateur pour ce mode de distribution portaient alors sur une réclamation. La majorité de ces plaintes étaient liées au refus des assureurs d’honorer des réclamations pour des motifs contenus dans le guide.

Pour Mme Farley, la pierre angulaire de la sécurité financière demeure le conseil. « Nous ne sommes pas contre les avancées technologiques en distribution d’assurance, mais il faut garder à l’esprit l’importance des conseils. Seul un représentant certifié peut dispenser les conseils éclairés qui assurent la sécurité financière des gens. »

En outre, les produits de commodité ne pourront jamais couvrir tous les besoins à eux seuls, soutient Mme Farley. « L’assurance n’est pas qu’un prix qu’on magasine. C’est le choix du produit le mieux approprié qui incombe le plus. » Il faut donc veiller à ce que l’offre sur Internet ne se réduise pas à quelques petits produits sommaires, prévient-elle. « Tous y perdraient : les consommateurs, les conseillers, les assureurs et toute la société, collectivement. Le conseil protège notre futur. Sans le conseil, nous n’avons plus personne qui prend le client en main. »

La valeur ajoutée du conseil a souvent été démontrée et Mme Farley en veut pour preuve des études telles que celle du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Réalisée en 2012, son étude sur la valeur du conseil a permis d’établir que les investisseurs qui traitent avec un conseiller financier parviennent à créer une richesse presque trois fois supérieure à celle des investisseurs qui ne le font pas. Elle a aussi démontré que ces investisseurs accompagnés par un conseiller accumulent deux fois plus d’épargne en prévision de leur retraite.

Pour la présidente, ce n’est pas qu’une question de gros sous. « Il y a plus que le rendement financier d’un portefeuille de placements qui soit en jeu. Il y a la sécurité financière à la retraite, en cas de décès, d’accident, de maladie. » Même si le consommateur dispose d’un outil d’autoévaluation en ligne, il restera un doute à savoir s’il se dote réellement de toute la protection dont il a besoin, a ajouté Mme Farley. Elle estime que l’offre par Internet ne doit pas créer une telle situation.