La Société d’assurance Beneva a vu son recours être accueilli partiellement par la Cour d’appel du Québec dans un jugement récent. L’assureur a vu la facture des indemnités être réduite en partie dans un litige découlant du règlement de sinistre à la suite d’un incendie survenu en 2016 dans un immeuble de Shawinigan.

La Cour d’appel a rendu son jugement le 12 février dernier. Elle a ainsi infirmé en partie le jugement rendu en première instance le 17 février 2023 par la juge Danye Daigle, du district de Saint-Maurice de la Cour supérieure du Québec.

Le tribunal d’appel modifie le point de départ du calcul de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle sur les montants d’indemnités accordés aux assurés. Le jugement infirme également la conclusion du jugement entrepris qui avait condamné l’assureur à payer 15 000 $ en dommages à l’assuré. Enfin, la Cour d’appel reconnaît que l’assureur peut déduire le montant déjà versé au créancier hypothécaire de l’assuré de l’indemnité qu’elle doit lui verser au titre des dommages causés à l’immeuble lors du sinistre.

Le contexte

La Cour d’appel résume le contexte du sinistre. L’intimé Michel Bordeleau est propriétaire d’un immeuble de trois étages, comptant six logements. Il a acquis l’immeuble de ses parents en 2004. Le bâtiment est couvert par une police d’assurance habitation souscrite auprès de La Capitale assurances générales (maintenant Beneva).

Au sous-sol de l’immeuble, chacun des locataires dispose d’un espace de rangement verrouillé. Le propriétaire occupe l’espace restant. Le sous-sol est accessible par un corridor commun pour tous les occupants. Après l’alerte de feu, le bâtiment est rapidement évacué et personne n’est blessé.

Au lendemain du sinistre, survenu le 20 septembre 2016, l’assureur dépêche un expert en sinistres sur les lieux, de même qu’un enquêteur chargé de déterminer la cause de l’incendie. Deux mois plus tard, l’assureur nie la couverture « au motif que la cause de l’incendie serait une intervention humaine de nature intentionnelle ».

L’incendie s’est déclaré au sous-sol et a pris naissance dans un des espaces de rangement, le numéro 4. Des produits inflammables étaient entreposés dans ledit rangement. Des traces d’accélérant ont été retrouvées dans la zone d’origine du feu.

En mars 2017, l’assureur s’entend avec le créancier hypothécaire, la Banque Nationale du Canada, et paie l’intégralité de la dette du propriétaire, soit une somme de près de 150 000 $.

En septembre 2019, faute d’avoir pu s’entendre avec l’assureur, M. Bordeleau réclame 242 731,31 $ en indemnité d’assurance. D’autres montants font partie de sa réclamation, soit une somme de 13 000 $ en argent liquide, plus de 50 000 $ en pertes de revenus locatifs et 15 000 $ pour les troubles, dommages et inconvénients causés par la conduite de l’assureur dans la gestion de la réclamation.

Les parents de M. Bordeleau soumettent aussi une réclamation pour les dommages à leurs biens meubles, qui sera accordée en première instance pour une valeur de 9 537,98 $. Les autres sommes réclamées ne sont pas accordées.

Lors du procès, aucune preuve directe ne permet d’établir l’identité de l’auteur du méfait. L’assureur tente de prouver que le propriétaire en est l’auteur. Le tribunal considère que l’assureur n’a pas tenu compte des incohérences dans le témoignage des locataires associés à l’espace de rangement où le feu s’est déclenché.

La Cour supérieure accorde l’indemnité d’assurance demandée par M. Bordeleau, mais limite à 200 $ la perte d’argent liquide, soit le montant maximal prévu au contrat, et réduit la perte des revenus locatifs à 24 000 $, soit le montant maximal prévu à la police. La juge Daigle accorde aussi la somme de 15 000 $ pour dédommager l’assuré des inconvénients reliés à la gestion de la réclamation par l’assureur.

Le tribunal ordonne le paiement de toutes les sommes dues aux intimés avec l’intérêt légal et l’indemnité additionnelle à compter de la date du sinistre. La Cour supérieure rejette également la demande reconventionnelle de l’assureur qui voulait déduire de l’indemnité le montant déboursé au créancier hypothécaire.

L’appel

La Cour d’appel estime que la juge de première instance n’a pas erré en concluant que M. Bordeleau n’est pas l’auteur intentionnel de l’incendie. Ce moyen d’appel de l’assureur est rejeté.

La conclusion de la juge Daigle à l’égard de la somme d’argent liquide n’est pas non plus remise en cause, d’autant plus qu’elle limite la réclamation à la somme prévue au contrat.

Par contre, la Cour d’appel détermine que le fait de condamner l’assureur au paiement d’une somme de 15 000 $ à M. Bordeleau est une erreur révisable. Même si le tribunal a conclu que l’assureur aurait dû accepter de couvrir le sinistre dès le départ, cela ne signifie pas pour autant qu’il a commis une faute ou fait preuve de mauvaise foi en refusant de payer l’indemnité.

L’assureur a mené son enquête de façon consciencieuse, selon la Cour d’appel, qui annule cette condamnation.

Par ailleurs, la juge de première instance n’a pas le pouvoir discrétionnaire de déterminer la date à compter de laquelle les dommages commencent à courir. Les intérêts et l’indemnité additionnelle sont payables à partir du 20 novembre 2016, car l’assureur disposait de 60 jours pour payer l’indemnité.

Quant à la somme payable aux parents de M. Bordeleau pour les dommages à leurs biens meubles, ils ont fourni leur estimation le 19 octobre 2022. Les sommes à verser commençaient à courir à partir du 19 décembre 2022.

La créance hypothécaire

Compte tenu de ses conclusions sur la demande principale, la Cour supérieure estime qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de l’assureur.

Selon la Cour d’appel, le tribunal a erré en déterminant que l’assureur ne pouvait se prévaloir de la subrogation. L’assureur se disait légalement subrogé dans les droits de la banque jusqu’à concurrence des indemnités payées au prêteur. La juge Daigle conclut que ce droit n’existait pas, car l’assureur n’a pu prouver que M. Bordeleau est l’auteur du préjudice.

Une telle conclusion ne mettait pas fin à l’analyse, selon la Cour d’appel. « La dette hypothécaire de Michel Bordeleau ne s’est pas consumée dans l’incendie. Au bout du compte, l’appelante a raison d’insister que la juge aurait dû déduire la somme payée à la créancière hypothécaire. »

Dans la présente affaire, l’assuré se serait enrichi au-delà de la protection offerte par la police si, en plus de l’indemnité pour les dommages subis à l’immeuble, on diminuait son passif en payant sa dette au créancier hypothécaire.

Sur paiement de l’indemnité due à Michel Bordeleau, la dette hypothécaire de ce dernier sera éteinte. L’assureur devra faire inscrire une quittance totale au registre foncier. Le procureur de l’appelante a confirmé que cela n’allait être qu’une formalité.

L’assureur est condamné à verser la somme de 139 554,99 $ à Michel Bordeleau, avec l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 7 février 2024. La décision est rendue sans frais de justice compte tenu du résultat mitigé de l’appel.