Au plan économique, la Chine coiffera les États-Unis en 2020. L’Inde et plusieurs autre pays d’Asie gagneront aussi des places au classement. Des assureurs entendent tirer parti de l’augmentation de la classe moyenne qu’entrainera cette croissance.L’Asie reprend sa part naturelle de l’économie, a fait observer le PDG de Financière Manuvie lors du 47e colloque de l’International Insurance Society (IIS). Donald Guloien estime que l’Asie comptera pour 50 % du produit intérieur brut (PIB) mondial dans une décennie. Le PIB est l’unité de mesure de la taille d’une économie.

De la chute de l’Empire romain à la révolution industrielle, la Chine et l’Inde ont accaparé plus de la moitié de l’économie mondiale, a rappelé M. Guloien. Ensuite, leur puissance a fléchi.

Dans une présentation lors du même évènement, Norman Sorensen, président du conseil d’administration de l’IIS, a cité des données du Fonds monétaire international (FMI). Elles démontrent que l’économie chinoise prendra les devants sur celle des États-Unis dès 2020. Selon ces données, la taille de l’économie chinoise atteindra dans neuf ans 24,6 trillions de dollars (E$) contre 23,3 E$ pour celle des États-Unis.

L’écart s’agrandira

L’écart s’agrandira en 2030, ajoute M. Sorensen. L’économie chinoise comptera alors pour 73,5 E$. Celle des États-Unis atteindra seulement 38,2 E$. L’année 2010, où l’économie américaine atteignait 14,6 E$ et celle de la Chine 5,9 E$, ne sera plus qu’un vieux souvenir.

Les assureurs canadiens s’estiment bien placés pour récolter les fruits de ces bouleversements. Par exemple, Manuvie a tiré le tiers de ses bénéfices d’exploitation de l’Asie. Ils ont atteint 719 millions de dollars (M$). Les deux autres tiers vont chacun au Canada et aux États-Unis. Comme les autres participants au panel sur le leadership mondial, M. Guloien dit que la croissance de la classe moyenne asiatique entrainera les ventes d’assurance avec elle. Une nouvelle avenue de croissance se dessine pour des assureurs habitués à une industrie occidentale mature, axée sur la gestion de patrimoine.

Des pays asiatiques comme l’Indonésie, Singapour, la Malaisie, le Vietnam et la Thaïlande connaissent une croissance économique et démographique importante, dit M. Guloien. À eux seuls, l’Inde, le Vietnam et l’Indonésie comptent 1,5 milliard d’habitants, précise-t-il. « Grâce à une grande population où la pénétration de l’assurance est actuellement faible, l’Asie sera un moteur de croissance pour l’industrie au 21e siècle », ajoute M. Guloien. Selon lui, ces pays ont une économie forte et une classe moyenne en pleine expansion. L’industrie asiatique de l’assurance vie connait ainsi une croissance approximative de 10 % par an.

Lorsque le numéro un de Manuvie pense Asie, il pense surtout Chine. M. Guloien a aussi de bons mots pour l’Inde, mais n’a pas l’intention d’y faire incursion pour le moment. « L’Inde connait une croissance rapide, mais la règlementation en assurance et en fonds communs y a été très volatile », a-t-il rappelé. Il considère qu’un retour à la stabilité rendra l’Inde plus attrayante.


Les assureurs canadiens se déchainent contre les nouvelles normes comptables

Les PDG de deux des plus grands assureurs canadiens n’ont pas mâché leurs mots quant aux futures normes d’information financière (NIIF, aussi connues sous leur acronyme anglais IFRS) sur les contrats d’assurance qui pourraient bientôt voir le jour.

« Certaines de ses règles pourraient franchement tuer notre industrie », a lancé Donald Guloien, PDG de la Financière Manuvie. « Elles sont déconnectées du fondement de nos entreprises », a relancé Allen Loney, PDG de Great-West Lifeco.

Dans leur format actuel, les nouvelles règles briseraient le lien qui existe entre le passif et l’actif dans la méthode canadienne d’évaluation des réserves. Les assureurs devraient ainsi évaluer leurs obligations futures à leur valeur marchande actuelle. Les tenants de cette deuxième phase des NIIF (IFRS 4) avancent que les états financiers des assureurs manquent de transparence. Il est difficile pour un analyste ou un investisseur de les comparer entre eux.

Allen Loney réfute cet argument. Il y a répondu lors d’un panel des dirigeants qui s’est déroulé au colloque de l’International Insurance Society (IIS). Selon lui, les Principes comptables généralement reconnus (PCGR) canadiens ont bien réussi à ouvrir la boite noire des résultats chez les assureurs. Maintenant, les IFRS en développement pourraient faire passer cette boite noire à l’état de « trou noir », lance-t-il.

Selon M. Loney, les NIIF de phase II créerait inutilement une importante volatilité dans les résultats, à chaque trimestre. M. Loney ne s’oppose toutefois pas à toutes les nouvelles règles. Par exemple, la façon dont les couts d’acquisition d’un contrat d’assurance sont calculés sous les futures NIIF lui apparait positive.
L’industrie risque toutefois d’attendre encore un moment avant d’être fixée. L’International Accounting Standards Board (IASB) et son pendant américain, le Financial Accounting Standards Board (FASB), ont fait le point lors de discussions survenues du 13 au 15 juin.

Dans un modèle de risque qui inclut la notion de marge résiduelle, cette dernière devrait-elle être figée au moment où le contrat d’assurance est souscrit, ou ajustée par la suite selon les nouveaux estimés? La balance penche en faveur d’une révision de la marge au gré des estimés, à 8 contre 7. L’IASB n’a pris aucune décision à savoir si les changements du taux d’escompte devraient faire partie de ces ajustements. Au moment de fermer la présente édition, toute décision sur les IFRS d’assurance était remise en septembre.

Le traitement des couts d’acquisition fait presque l’unanimité. Les couts d’acquisition d’un portefeuille d’assurance devraient se limiter aux couts directs. Ils excluraient ainsi les couts indirects tels que les logiciels, l’administration, le recrutement et la formation de la force de vente, la publicité, l’entretien d’équipements et la dépréciation d’actif.

Autre panéliste : Madhuswamy Ramadoss est PDG de New India Assurance Company, un assureur de dommages à propriété indienne fondée en 1919. Si l’Inde traine la patte derrière la Chine, dit-il, c’est qu’elle a entamé ses réformes économiques et règlementaires après son principal voisin, soit en 1991 plutôt qu’en 1978. »

Le PDG de New India soutient que son pays mènera le BRIC quant à la croissance de son PIB. Le BRIC est un groupe de pays émergents constitué du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. Il estime que l’Inde se classe actuellement huitième dans le monde en matière de PIB. En 2025, elle sera quatrième, avance-t-il. Son PIB a crû annuellement de 7 % à 9 % dans les cinq dernières années. Il estime que son économie est bien positionnée pour tirer profit de la croissance tant en assurance de dommages que de personnes. L’Inde a en effet une économie davantage basée sur les services que celle de la Chine, affirme-t-il.

M. Ramadoss croit par ailleurs que la croissance de la classe moyenne entrainera l’industrie de l’assurance de dommages dans son sillage. « Nous croyons que les primes d’assurance de dommages se multiplieront par cinq, voir par six, d’ici 2020. Nous atteindrons un large volume de primes mais avec de petites polices. Nous devons donc nous attendre à une augmentation du nombre de réclamations », prévoit-il.

L’assurance revient de loin en Inde, selon les chiffres de l’India Regulatory and Development Authority. En assurance de dommages, l’industrie est passée de 4 à 22 joueurs entre 2000 et 2010. Le revenu de primes du secteur est pour sa part passé de deux milliards de dollars (G$) à 8 G$ durant cette période. La progression est encore plus marquante en assurance de personnes durant cette période, où le nombre de joueurs est passé de un à 23 et le revenu de primes de 6,2 G$ à 57,8 G$. M. Ramadoss estime que le secteur dommages est promis à une croissance oscillant entre 17 % et 19 % dans les dix prochaines années. Il croit toutefois que les assureurs devront améliorer leur rentabilité.

Plus forts après la crise

Outre l’Asie, les assureurs disposent d’une autre avenue de croissance. Fait inusité, celle-ci brille encore plus depuis la dernière crise financière. Les assureurs auraient dû sortir affaiblis de la crise et des relents d’incertitude qu’elle laisse encore planer. Norman Sorensen, qui est aussi PDG de Principal International, croit au contraire qu’ils en sont ressortis plus forts. « Après la crise, les assureurs détiennent maintenant une plus grande part du secteur financier mondial, avec 14 % contre 12 % il y a deux ans », soutient-il.

Les assureurs détiennent 16 E$ des 114 E$ que compte le marché mondial des capitaux. Les banques en détiennent 80 E$. Le marché mondial de l’investissement compte 178 E$, dont 61 E$ en dépôt bancaires. Le secteur de la dette privée joue quant à elle dans les 51 E$ et celui des actions pour 34 E$.

« Les assureurs sont des joueurs majeurs dans les secteurs mondiaux de la dette privée et des actions, ce qui fait de nous les vrais meneurs de l’investissement à long terme », affirme M. Sorensen. Le secteur de la dette privée croît annuellement de 4 % à 6 %, et celui des actions, de 6 % à 8 %.