L’assureur refuse la réclamation faite par l’assurée dont le véhicule a été volé, en raison des déclarations de la cliente au moment de souscrire la police. De plus, des renseignements mensongers ont été transmis lors de la déclaration du vol. Le tribunal conclut que le contrat n’aurait jamais été émis si l’assurée avait correctement informé l’assureur lors de la souscription et rejette la réclamation.
Le jugement a été rendu le 9 mai dernier par la juge Julie Philippe, de la division des petites créances de la Cour du Québec à Montréal. La consommatrice, Kaoutar El Kabbouri, devra payer les frais de justice de la contestation au montant de 346 $.
Comme le contrat a été déclaré nul ab initio, l’assureur doit rembourser la somme de 818,74 $ en primes payées par la cliente durant les premiers mois de 2022.
La demanderesse réclamait 15 000 $ pour couvrir les frais de récupération, de réparation et de location d’un véhicule de remplacement. Les factures soumises dépassaient la limite que la division des petites créances peut accorder.
Le contexte
La cliente achète une voiture Mercedes, modèle de 2018, en janvier 2022, qu’elle fait assurer par Allstate du Canada. En répondant aux questions de l’assureur, elle déclare notamment ne pas avoir de conjoint. La police entre en vigueur le 1er février 2022 et la prime payable est de près de 2 500 $.
La demanderesse affirme qu’elle part au Maroc le 15 février 2022, en confiant le soin de s’occuper de sa maison et du véhicule à Sarkies Manoukian, le père de son enfant, avec lequel elle entretient une relation compliquée.
Alors qu’elle est toujours au Maroc, le 30 avril 2022, son conjoint l’informe que le véhicule a été volé.
Aux policiers, M. Manoukian déclare qu’il a vu l’automobile dans la rue la veille. Or, grâce au système de repérage de TAG, l’assureur constate que le véhicule se trouvait au port de Montréal du 19 au 23 avril 2022, avant de commencer à se déplacer.
On comprend qu’il était probablement dans un conteneur transporté par bateau par le fleuve Saint-Laurent. On trouve le détail de son parcours et des localisations côtières empruntées sur les relevés du fournisseur. Le véhicule est retrouvé en Belgique et il est endommagé.
Les dates ne concordent pas avec la déclaration du conjoint, mais il y a d’autres facteurs troublants, souligne le tribunal.
Des antécédents
Lors des questions posées au conjoint dans le contexte de la déclaration liée au vol, ce dernier reconnaît avoir des antécédents criminels. Il a été condamné pour un vol qualifié en 2010 et il a été libéré en 2016. Il n’a pas de permis de conduire.
Par ailleurs, le 4 mai 2022, M. Manoukian confirme qu’il habite avec Mme El Kabbouri, avec qui il est marié et a un enfant. L’assureur produit l’enregistrement de la conversation lors de l'audience.
Au moment de souscrire la police, la cliente disait ne pas avoir de conjoint. En agissant ainsi, elle n’a pas eu à répondre aux questions suivantes, notamment celle qui concernait les antécédents criminels du conjoint.
Ensuite, lorsqu’elle remplit la déclaration relative au vol, peu de temps après, la consommatrice indique que M. Manoukian est son ex-conjoint et elle précise qu’ils vivent séparément depuis janvier 2018. Dans le même formulaire, elle répond « non » lorsqu’on lui demande si quelqu’un ayant des antécédents criminels vit sous le même toit.
En agissant ainsi, elle n’a pas à répondre à la question suivante, qui consiste à savoir si cette information concernant un dossier criminel a été déclarée au moment de souscrire le contrat.
Or, à l’audience, la demanderesse utilise le terme conjoint en référant à M. Manoukian, et finit par confirmer qu’il vivait avec elle au moment des faits. Les deux vivent une relation marquée par les séparations et les retrouvailles. Leur fils est né en juin 2021. En janvier 2022, l’homme venait de rentrer à la maison après trois mois de séparation. La relation aurait pris fin en juin 2022, affirme la dame.
Les déclarations de la cliente concernant le statut du conjoint minent sa crédibilité, selon le tribunal. La juge Philippe dit être convaincue qu’Allstate n’aurait pas accepté d’assurer le véhicule si elle avait été informée des antécédents criminels du conjoint, un élément que la cliente ne pouvait ignorer.
La jurisprudence citée confirme qu’en ne divulguant pas l’existence du casier judiciaire, le preneur d’assurance rompt le lien de confiance requis dans la relation entre l’assureur et l’assuré.
Comme le tribunal conclut que le contrat est frappé de nullité depuis le départ, il n’a pas à déterminer si les critères sont remplis pour ordonner la déchéance du droit à l’indemnisation prévu à l’article 2474 du Code civil du Québec. L’assureur réclamait ce droit au cas où le contrat n’aurait pas été annulé, en raison des déclarations mensongères faites dans la déclaration de vol par M. Manoukian.