Revenu Québec a commencé la vérification des revenus de commission des agents généraux avec objectif d’appliquer la taxe sur les produits et services (TPS) ainsi que la taxe de vente du Québec (TVQ) à leurs revenus bruts, y compris les commissions reçues des assureurs pour les services qu’ils rendent aux conseillers. Certains ont déjà reçu un avis de cotisation. Ce sont des millions de dollars que des agents généraux pourraient devoir verser à Revenu Québec.
L’interprétation stricte que fait Revenu Québec de la loi fédérale de l’impôt crée ces remous depuis 2016. L’organisme considère les services rendus par les agents généraux comme étant des activités d’administration ou de promotion, et qu’ils ne sont pas rendus en personne aux consommateurs. Ces services ne peuvent donc être exonérés de la taxe de vente, dit le fisc québécois.
L’Agence du revenu du Canada (ARC) a délégué à Revenu Québec le pouvoir de percevoir la taxe de vente sur les produits et services (TPS). Revenu Québec perçoit aussi la taxe de vente du Québec (TVQ)
4 ans en arrière
Président d’AFL Groupe Financier, Yan Charbonneau croit que la prise de position de Revenu Québec pourrait menacer la survie de nombreux agents généraux. « L’organisme retourne rétroactivement quatre ans en arrière. Tous attendent de recevoir leur cotisation d’un jour à l’autre. Nous l’avons reçue : on parle de millions $ », a révélé M. Charbonneau au cours de l’entrevue accordée au Portail de l’assurance.
Le président d’AFL ajoute que chaque cotisation sera d’au moins 1 M$, selon la taille des revenus de chacun. « Les montants en cause sont assez importants pour faire tomber des agents généraux. Plusieurs feront faillite », croit-il.
Objet d’une vérification en cours, Groupe financier Multi Courtage, un autre agent général dont le siège social est à Saint-Hyacinthe, n’a pas encore reçu son avis de cotisation. « Lorsque je le recevrai, Revenu Québec m’a avisé que j’aurai 21 jours pour décider si je m’y oppose ou non », explique le président de Multi Courtage, Guy Duhaime, aussi interviewé. Pour l’heure, il doit fournir au plus tard le 31 janvier 2020 une multitude de renseignements comptables, par exemple tous les grands livres du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2019.
Il appréhende l’avis de cotisation qu’il croit recevoir quelque part dans la première moitié de 2020. « Des petits et moyens agents généraux ont reçu des avis de plusieurs M$. Pour les plus gros, nous avons extrapolé que cela pourrait leur couter une dizaine de M$. Aucune entreprise ne pourra supporter un tel fardeau », estime M. Duhaime.
Reprise après accalmie
Les agents généraux ont deux alliés dans ce dossier : l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) qui représente les assureurs devant Revenu Canada, ainsi que l’association pancanadienne des agents généraux CAILBA. La firme PWC agit en qualité d’expert-comptable.
« Nous avons eu des discussions depuis 2017 avec l’ARC dans ce dossier », a rappelé Lyne Duhaime, présidente d’ACCAP-Québec, en entrevue avec le Portail de l’assurance. Elle ajoute que Revenu Québec était très active. L’agence avait ensuite mis en veilleuse ses vérifications auprès des agents généraux, mais les a reprises en 2019.
« Cela nous a interpelés et nous avons entrepris des discussions avec Revenu Québec, pour comprendre pourquoi elle a repris ses démarches. Les discussions avec l’ARC vont aussi se poursuivre », a révélé Mme Duhaime. La présidente d’ACCAP-Québec n’a pas voulu préciser la nature de ces échanges. « C’est sûr qu’il y a divergence entre la position des autorités fiscales et celle de l’industrie, et c’est ce que nous tentons de régler. »
Jugement vu comme un feu vert
Au dire d’agents généraux, on dit que Revenu Québec a réactivé le dossier à l’issue du jugement Applewood Holdings, un concessionnaire automobile dont Revenu Canada souhaitait taxer les services d’assurance. L’agence a indiqué en janvier 2019 qu’elle n’en appellerait pas d’un jugement rendu par la Cour de l’impôt du Canada, selon lequel les revenus de commissions tirées de la vente d’assurance chez un concessionnaire n’étaient pas taxables.
Toutefois, Revenu Canada a aussi dit que cette décision ne changeait pas sa position à l’égard des agents généraux. Revenu Québec semble en avoir conclu qu’elle pouvait reprendre ses travaux de vérifications.
De nouveaux développements pourraient amener un nouvel éclairage dans cet enjeu. L’ACCAP et les agents généraux ont signalé qu’une cause impliquant un agent général de l’Ontario quant à la TVH était actuellement pendante devant les tribunaux.