De plus en plus de Québécois et de Canadiens améliorent leur train de vie, ce qui entraine la croissance du marché de la haute valeur en assurance de dommages. Les assureurs rivalisent ainsi d’ingéniosité pour attirer cette clientèle.
Dan Coyle, directeur au Québec du programme Garantie Or à La Garantie, compagnie d’assurance de l’Amérique du Nord, rappelle que la population des biens nantis a augmenté de 8,3 % au Canada. Et elle se positionne pour se démarquer dans ce créneau, dit-il.
Chris Sevdalis, directeur exécutif, segment style de vie des particuliers, chez Aviva Canada, dit aussi observer cette hausse. « Avant, 2 % de la population du Canada était considérée comme bien nantie. Aujourd’hui, on parle de 5 % à 7 %. La montée de l’immobilier l’explique en partie, mais on voit qu’un marché se développe », dit-il.
Aviva a investi ce marché il y a trois ans avec son programme Ovation. « C’était un nouveau type de clients pour nous, bien que nous étions présents pour les véhicules de loisir. Il y avait un besoin et ça a été un bon mariage », dit M. Sevdalis.
Il juge d’ailleurs important pour un assureur d’atteindre une certaine taille dans ce marché pour y réussir. « Les fondamentaux de l’assurance y demeurent les mêmes, l’analyse aussi, mais si le besoin n’est pas bien identifié dès le départ, la tarification ne suivra pas », dit-il.
Intérêt des assureurs
Cinzia Vittorio, vice-présidente adjointe, assurance des particuliers, chez Chubb du Canada, note que cette hausse de la clientèle de haute valeur incite plusieurs assureurs à tenter de croitre dans cette niche. « C’est plus intéressant que dans le marché régulier. On peut y lever une prime de 15 000 $ et plus. Il y a plus de croissance dans ce segment que dans celui des primes de moins de 15 000 $. Et on n’y a jamais perdu d’argent », dit-elle.
Elle ajoute que même si on n’y retrouve qu’une petite partie de la population, c’est là qu’il y a le plus de croissance. « Les riches deviennent plus riches », dit Mme Vittorio.
Elle dit avoir vu au fil du temps certains assureurs réduire les prix pour y entrer. « Ça ne dure toutefois jamais longtemps. Ce n’est pas un marché qui se prête à une telle manœuvre », note-t-elle.
Julie Line Paquette, directrice VIP, projets spéciaux, chez Lussier Dale Parizeau, dit aussi voir une augmentation de la clientèle bien nantie. « Ils ont un intérêt à protéger ce qu’ils ont acquis au fil des ans », spécifie-t-elle.
À tel point que cette clientèle se distingue maintenant en deux classes, dit Mme Paquette. La première est celle des gens fortunés. « Ces gens ont des résidences primaires de grande valeur et bien souvent un chalet qui est en fait une seconde résidence primaire. Ils ont aussi une propriété en Floride et des véhicules de luxe, ainsi que plusieurs bijoux, des œuvres d’art et une cave à vin », précise-t-elle.
Une deuxième classe émerge dans le marché de haute valeur, soit celle des jeunes professionnels, tels des avocats ou des médecins, qui commencent leur carrière et achètent une résidence de plus de 750 000 $. « Ils ont souvent une deuxième maison, ont quelques bijoux et se bâtissent tranquillement une cave à vin. On leur offre l’accès au marché VIP », dit Mme Paquette.
Elle note d’ailleurs que la clientèle des jeunes professionnels était assurée auprès de distributeurs directs. « Ils viennent vers nous par l’entremise de programmes. Ils ne cherchent pas nécessairement le produit de haute valeur, mais lorsqu’on leur explique les différences de limites, ça les intéresse », dit-elle.
Elle dit que certaines compagnies ciblent ce créneau, notamment Aviva, qui vise cette clientèle qui ne veut pas nécessairement payer ce que des joueurs comme La Garantie ou Chubb exigent. RSA Canada développe aussi ce marché, affirme-t-elle.
Hélène Tremblay, directrice principale de la fidélisation et des équipes spécialisées à La Capitale assurances générales, note que le segment de la haute valeur évolue en fonction du comportement du consommateur. « Le client recherchera d’abord la solution complète sur le Web. Il demandera toutefois le conseil d’un professionnel en cours de route. Ces consommateurs sont plus informés et beaucoup plus exigeants. Ils accorderont de l’importance à une expérience favorable. Ils tiendront compte des compétences des intermédiaires, mais aussi de s’ils sont capables de leur offrir quelque chose de personnalisé », dit-elle.
Cette clientèle se diversifie : du jeune professionnel au retraité qui avance en âge. « Un aura un garage avec sept ou huit voitures, tandis qu’un autre aura des œuvres d’art ou encore une cave à vin à faire rêver. On ne retrouve pas le même besoin chez chaque client. On ne décline plus le tout dans un forfait haut de gamme comme avant. Il faut lui donner une écoute active », dit Mme Tremblay.
Est-il plus aisé d’y réaliser des ventes croisées ? « Facile est un bien grand mot, répond Mme Tremblay. Chaque cas est un défi. On doit se mériter sa confiance. Le client VIP est exigeant et est sollicité de toutes parts. À chaque prestation de service, nous avons la chance de faire valoir ce que l’on vend. C’est comme ça qu’il est plus facile de les conserver. »
Maryse Bossé, directrice au développement des affaires, Est du Canada, chez AIG, abonde dans le même sens. « Cette clientèle qui s’identifie par ses besoins spécifiques requiert une gamme de couvertures additionnelles telles que la responsabilité civile excédentaire, des collections d’œuvres d’art ou d’une cave à vin », dit-elle.
AIG la segmente d’ailleurs en deux catégories : High Net Worth (HNW) et ultra-HNW. « Tant l’un que l’autre est plus susceptible d’acheter plusieurs produits auprès d’un assureur qui se spécialise dans ce marché principalement. L’étendue des protections offertes et la capacité de ce dernier permettent de couvrir les besoins spécifiques », dit Mme Bossé.
Bien répondre au besoin
Pour desservir le marché des clients bien nantis, il importe de s’assurer de bien couvrir leurs besoins, disent les compagnies présentes dans ce marché. « La pire chose qu’un courtier peut dire est que quelque chose n’est pas couvert. Si le client perd sa montre Cartier d’une valeur de 10 000 $ et que le courtier lui répond que le tout est sous la limite de 10 000 $, ça n’envoie pas un bon message. Il existe des protections spécifiques pour ce type de choses. On veut éviter à tout prix ce genre de situations problématiques, dit Dan Coyle, de La Garantie.
Des couvertures prévenant le bris d’équipement pour des maisons intelligentes y seront bien reçues, dit-il. « Nous y avons un taux d’adoption très élevé. Ça peut inclure de 50 000 $ à 1 M$ de biens. »
M. Coyle donne en exemple le cas d’un client qui a subi des dommages dans sa salle de cinéma maison. Or, la compagnie qui a fait le filage à l’origine a déclaré faillite.
« Nous avons donc défait tout le mur d’insonorisation. Le cout de la réclamation a monté à 300 000 $, mais le client avait pris l’avenant pour pallier ce genre de choses. Il va sans dire qu’il était très heureux de sa décision », relate-t-il.
La Garantie offre aussi une protection spécifique pour couvrir les tentatives d’invasion à domicile, les kidnappings d’enfants ou les cas de rage routière aérienne. L’avenant se nomme Armure GarantieOr.
« On y inclut la perte de revenus liés à ce type d’évènements, ou encore les frais d’un psychologue ou l’embauche de gardes de sécurité. À partir de 90 $, c’est quelque chose de très abordable. Et on y a des réclamations », dit M. Coyle.
Chris Sevdalis, d’Aviva Canada, mentionne que le professionnel d’assurance qui cible ce marché doit comprendre ce qui est anormal pour le commun des mortels peut sembler parfaitement ordinaire pour un client VIP. « Ils voyagent beaucoup, ce qui entraine une plus grande exposition en responsabilité. Il faut reconnaitre ce genre de choses. Ça prend aussi des gens de souscription et de réclamation qui comprennent bien comment ces gens vivent. Il faut des experts pour les servir », dit-il.
Cinzia Vittorio, de Chubb, note que pour cette clientèle, une voiture peut être considérée comme un bijou. L’assureur a même une garantie vétérinaire liée à des véhicules de collection.
« Certains ont des modèles datant des années 1930. Ils vont dans des expositions, se déguisent avec des vêtements d’époque et amènent leur chien. S’ils ont un accident, la protection couvre ce qui peut arriver à leur animal de compagnie. On requiert aussi qu’il y ait un extincteur sous l’automobile pour ce type de véhicule. Ce sont ce genre de choses qu’il faut penser dans ce marché », dit-elle. Chez AIG, on a d’ailleurs lancé un avenant appelé Garde Robe. Il couvre les vêtements prêt-à-porter et les hautes coutures, les vêtements “vintage” et “historique”, les chaussures, les sacs à main, y compris le travail des créations en cours de couture.
« Nous offrons une couverture à 360 degrés, conçue pour protéger un collectionneur contre les dommages causés par les mites, les moisissures, les inondations et les frais d’entreposage pour encourager une démarche proactive prise face à une menace imminente. Le nettoyage à sec et la préparation requise par un ‘’spécialiste des soins de vêtements haut de gamme» sont aussi couverts suite à une perte », dit Mme Bossé. Elle fait aussi remarquer que les sacs de grands designers peuvent couter de 12 000 $ jusqu’à 200 000 $.
Pour Hélène Tremblay, de La Capitale, la clé dans le marché de haute valeur est de suivre le mode de vie du client. « Il faut connaitre ses habitudes de consommation, mais aussi de communication. Comment veut-il être rejoint ? Il souhaite que les protections s’adaptent. On voit l’émergence de condos et de lofts de luxe. Est-ce qu’on y met des limitations à la place d’obligations de remplacement ? Devra-t-on reconsidérer l’obligation de reconstruire ? On peut aussi prendre le cas des bijoux. Plutôt que de fournir la liste complète de ce qu’ils ont, peut-être que les clients préféreront s’assurer pour une indemnité de 50 000 $. Il faut penser à comment faire les choses autrement », dit-elle.
Des clients fidèles
Et cette clientèle est fidèle, dit Julie Line Paquette, de Lussier Dale Parizeau. « Je suis chez Lussier depuis 2000 et il y en a certains que je sers toujours depuis 16 ans. Ce sont des gens qui n’hésitent pas à nous référer. Leurs enfants viennent avec nous. Par ailleurs, si leur courtier est absent, ils ont tendance à laisser un message plutôt que de parler à quelqu’un d’autre. Dans le segment régulier, on fait rapidement “étoile zéro” pour parler à quelqu’un », dit-elle.
Mme Paquette note que la clientèle du marché de haute valeur la force toujours à se surpasser. « Ce sont des personnes faciles à servir, qui font peu de changements. Ils ne sont pas demandant une fois que le dossier est parti. C’est à nous de leur proposer des avenants, car les protections de base ne couvrent pas tout. On doit en ajouter », dit-elle.