Le nombre de cas de maladie de Lyme (ML), qui s’est élevé à 586 en 2022, devrait exploser et atteindre annuellement plus de 5 500 à travers la province, selon une projection réalisée par Marion Ripoche, chercheuse et experte dans la progression de cette infection à de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). 

Mme Ripoche a livré le résultat de ses prévisions le 18 janvier lors d’un webinaire consacré au fardeau que va représenter la maladie en raison des changements climatiques. 

Les tiques sont actives à une température supérieure à 4 degrés Celsius. Or, ces périodes devraient s’allonger dans le futur. Le réchauffement climatique va augmenter le potentiel d’introduction, d’émergence et d’expansion des populations de tiques dans de nouvelles régions de la province, a-t-elle décrit.

On peut être infecté par la tique simplement en étant assis sur son gazon, en nettoyant ses arbustes, en marchant dans les hautes herbes, ou parce que son animal de compagnie a lui-même été l’hôte de la tique, Ixodes Scapularis, qui la transmet, dit l’Association québécoise de la maladie de Lyme (AQML). 

Une zoonose provenant des États-Unis 

La maladie de Lyme est une zoonose, une maladie infectieuse qui est passée de l’animal à l’homme. Elle tire son nom de la ville de Lyme, au Connecticut, où elle a été identifiée pour la première fois en 1977 à la suite d’une éclosion de cas d’arthrite juvénile. L’Europe, l’Asie et l’Afrique du Nord y sont aussi exposées. 

Aux États-Unis, une quinzaine d’États du nord-est et du centre nord ont des incidences supérieures à 10 cas par 100 000 habitants, ce qui les rend endémiques. 

Au Canada, les tiques pouvant transmettre la maladie de Lyme se retrouvent en Ontario, au Québec, au Manitoba, en Colombie-Britannique et dans certaines régions du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. 

Forts impacts sur la santé 

La ML affecte principalement les hommes (58 % des cas), les moins de15 ans (17 % des cas en 2022) et ainsi que les 70 à 79 ans, indique l’INSPQ. 

Le diagnostic n’est pas facile à établir. Si la plupart des cas sont vite surmontés, la maladie peut entraîner des séquelles majeures au niveau du rythme cardiaque, sur plan neurologique et au niveau de la vue ainsi que des douleurs articulaires et musculo-squelettiques importantes.

La majorité des cas surviennent en juillet, mais il peut y avoir un décalage entre le moment où la personne est piquée et l’apparition des symptômes. En raison de ce délai, des cas non négligeables apparaissent en décembre, janvier et février. 

La maladie de Lyme peut avoir aussi de forts impacts sur la santé mentale. En 2018, un sondage réalisé par l’AQML auprès de ses membres avait révélé que 60 % des répondants considéraient ou avaient déjà considéré mettre fin à leurs souffrances par le suicide. 

La maladie est rarement mortelle, mais les Québécois qui ont développé des formes longues et dommageables de la maladie peinent actuellement à trouver les ressources pour se faire traiter au Québec et plusieurs doivent se soigner aux États-Unis où l’expertise médicale est plus avancée. 

En 2022, le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait annoncé la création d’une quinzaine de cliniques dédiées au traitement de la COVID longue et de la maladie de Lyme, mais un an plus tard, plusieurs d’entre elles offraient encore peu de services et de traitements de la ML. 

Progression majeure au Québec 

Le premier cas acquis au Québec fut rapporté en 2006. En 2014, on avait relevé 125 apparitions. Leur nombre était passé à 500 en 2019 et à 586 en 2022. La plupart des cas ont été contractés dans la province. 

L’Estrie, en raison de sa proximité avec la frontière, et la Montérégie comptent pour 90 % des cas de la province, mais la maladie s’étend en même temps que les territoires colonisés par la tique. Des cas ont été acquis en Mauricie–Centre-du-Québec, en Outaouais, à Montréal et dans les Laurentides. 

Plusieurs régions se trouvent dans la trajectoire d’expansion de la tique. C’est le cas de Chaudière-Appalaches, la Capitale nationale, le Bas-du-Fleuve et le Saguenay–Lac-Saint-Jean et personne ne peut s’en croire totalement à l’abri.

« Il existe un risque possible d’acquisition de la maladie de Lyme dans toutes les régions du Québec dû à la présence potentielle de tiques transportées par les oiseaux migrateurs » met en garde l’INSPQ. 

Explosion dans le futur 

En raison du réchauffement climatique, le nombre de cas devrait toutefois exploser au cours des 25 prochaines années. S’appuyant sur le taux d’incidence en Estrie, Marion Ripoche a calculé que la maladie pourrait affecter plus de 5 500 personnes par an en 2050, soit presque dix fois plus qu’en 2023. Les coûts financiers et humains pour le système de santé seraient décuplés en proportion. 

Selon elle, les campagnes de sensibilisation et d’informations devront augmenter afin de mettre en garde les Québécois devant l’augmentation de l’exposition à la tique et à la maladie.