Les changements climatiques en cours feront extrêmement mal en coûts financiers. Dès 2025, ils pourraient engendrer des pertes de revenus du PIB de 3 milliards de dollars au Québec. 

Selon Julien Bourque, de l’Institut climatique du Canada, les dommages entraînés par le climat feront augmenter le coût de la vie, représenteront un risque majeur pour les entreprises et les investisseurs, entraîneront une baisse des revenus des ménages et formeront un frein important à la prospérité.

C’est le scénario assez sombre évoqué par M. Bourque lors d’un webinaire présenté par le consortium de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques québécois Ouranos à la mi-avril. Julien Bourque a tiré ces informations du plus récent rapport de la série « Coût des changements climatiques » produite par l’Institut. 

La première de ces cinq études, « La pointe de l’iceberg », a été publiée en décembre 2020. La cinquième, « Limiter les dégâts », a été lancée en septembre 2022. 

Dans «La pointe de l’iceberg », on indiquait que le coût moyen d’une catastrophe avait augmenté de 1 250 % depuis les années 1970. 

Impacts négatifs sur l’économie et les ménages 

M. Bourque a décrit tout une série d’effets très négatifs que pourraient avoir les changements climatiques sur différents aspects de la société : dommages au réseau routier, bris d’infrastructures électriques comme le verglas en a causé encore récemment sur le réseau d’Hydro-Québec, retards dans le réseau ferroviaire, submersions côtières et inondations intérieures, maladies telles que la maladie de Lyme, décès prématurés, etc. 

Au plan économique, les conséquences seront aussi très dommageables. Les chercheurs de l’Institut prévoient que les changements de climat vont toucher le portefeuille des gens, ralentir la croissance et provoquer une hausse du coût de la vie, forcer les gouvernements à dépenser davantage pour entretenir ou réparer les infrastructures à risques, des dépenses qui pourraient les forcer à augmenter les impôts, saper les investissements et les exportations et faire augmenter les primes d’assurance de façon importante dans certaines zones.

« Bien que le Québec semble s’en tirer mieux que d’autres régions, il s’agit de la pointe de l’iceberg, a commenté M. Bourque au Portail de l’assurance. Il y a encore beaucoup d’impacts qui sont, soit bien compris, mais présentement impossibles à quantifier avec suffisamment de certitudes, soit anticipés, mais dont notre compréhension est limitée ». 

Pertes de 520 $ par habitant en 2025 

Au Québec, ont établi les chercheurs de l’Institut, les changements climatiques pourraient entraîner des pertes de revenus annuels réels par habitant de 520 $ en 2025. En 2055, ces pertes pourraient se chiffrer à 1 079 $ si les émissions polluantes sont faibles, mais à 1 286 $ si elles sont fortes, et à des réductions de 6 % du revenu pouvant aller jusqu’à 14 % en 2095. Ce sont les contribuables les moins bien nantis qui devraient en souffrir le plus. 

Les locataires n’échappent pas aux effets des changements climatiques, car ils n’ont aucun contrôle sur leur domicile. Ils pourraient se voir forcés de vivre dans des conditions dangereuses pendant des semaines, voire des années, si leurs propriétaires ne disposent pas d’une assurance suffisante pour réparer totalement les dommages à la suite d’événements météorologiques extrêmes. 

L’adaptation pour réduire les conséquences 

Il sera toutefois possible de réduire fortement ces impacts appréhendés par des mesures de prévention et d’adaptation, a enchaîné Julien Bourque. Comme société, a-t-il dit, on doit prendre des mesures d’adaptation proportionnelles aux risques qui guettent le pays, encourager, voire imposer la prise en compte des risques climatiques dans les décisions du secteur privé, investir pour comprendre les risques économiques qui n’ont pas encore été modélisés et s’y préparer, car il y a des dangers que l’on ne connaît pas encore. 

Selon l’Institut, chaque dollar investi aujourd’hui en rapportera 15 $ dans un scénario d’émissions modérées, soit 10 $ par ricochet et 5 $ en bénéfices directs, par des réductions de coûts pour remplacer ou réparer les dommages. 

Une facture qui a quadruplé en 40 ans 

Dans un autre webinaire récemment présenté par Ouranos, Mathieu Boudreault, professeur à l’UQAM, a abordé la question des relocalisations stratégiques, de l’immunisation et de l’assurance face aux inondations.

Il a indiqué que le coût des inondations compte pour plus de 75 % des pertes payées par les Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC), un programme d’indemnisation du gouvernement canadien, et la facture de ces grandes crues a quadruplé depuis 40 ans.

Il a cité des chiffres récents (2022) de Sécurité publique Canada selon lesquels les pertes annuelles moyennes du secteur résidentiel causées par les inondations se sont élevées à 2,9 milliards de dollars par année au Canada. Concernant la distribution par province, 29 % des risques se situaient au Québec, alors qu’ils ne représentent que 24 % des logements au pays. 

De ces 2,9 milliards, 89 % se trouvaient dans le top 10 % des propriétaires les plus à risques et 34 % dans le top 1 %. Il y a donc une très grande concentration des pertes annuelles moyennes dans très peu de résidences.

Face à ces risques, les propriétaires de maisons ont quelques choix. Devant un risque faible ou modéré, ils peuvent eux-mêmes assurer le risque, se procurer une assurance inondations ou aménager sous-sol ou terrain en drainant de l’eau.

Si le risque est élevé, ils peuvent se tourner vers le Programme général d’indemnisation et d’aide financière (PGIAF), prendre des mesures comme élever son rez-de-chaussée et à la limite, opter pour la relocalisation, soit avant que ne survienne une inondation, soit après sinistre.