« Enquête de la Sûreté du Québec sur un incendie criminel au Walmart de Shawinigan » ; « Incendie criminel dans le Vieux-Lévis » ; « Un incendie criminel endommage un immeuble commercial à Montréal » ; « Un (autre) incendie criminel à Rouyn-Noranda » ; « Trois incendies en moins de 30 minutes à Sherbrooke » ; « Un cinquième incendie suspect en trois mois à Trois-Rivières » ; « Un incendie criminel met quatre familles à la rue à Val-Bélair » ; « Possible incendie criminel dans une cantine de Drummondville ».
Ces manchettes tirées de l’actualité des dernières semaines illustrent un phénomène routinier : chaque jour à travers le Québec, des médias rapportent qu’un feu qui a ravagé une maison, un immeuble ou un véhicule serait d’origine criminelle ou suspectée de l’être. C’est le portrait d’une réalité dont se passeraient bien les assureurs de dommages : dans ces deux seules catégories, bien immobilier ou véhicule, il se commet en moyenne 3,2 incendies criminels par jour à travers la province.
Après avoir diminué durant quelques années, ces sinistres sont repartis à la hausse en 2021, plus récente année où ces données sont disponibles, montrent des chiffres exclusifs obtenus par le Portail de l’assurance auprès du ministère de la Sécurité publique (MSP).
En 2020, 18 314 incendies nécessitant l’intervention des pompiers ont été signalés à travers tout le territoire, soit 47 en moyenne par jour. La même année, 5 252 bâtiments de nature résidentielle et 464 bâtiments commerciaux ont été endommagés ou détruits par le feu au Québec. Les autorités et les services d’incendie mènent d’intenses campagnes de prévention, mais il y a un secteur où leurs interventions n’ont aucun effet : les foyers de nature criminelle. C’est un fléau incontrôlable et impossible à éradiquer.
Les chiffres peuvent varier d’année en année et alterner entre des hausses et des baisses, mais leur nombre reste toujours élevé. En 2017, la province avait enregistré 2020 crimes d’incendie de nature diverse. Leur nombre avait diminué à 1868 en 2019, puis a soudainement rebondi à 1960 en 2021 ; parmi eux, 723 étaient survenus dans des biens immobiliers et 445 dans des véhicules routiers, comme le montre ce tableau fourni par le MSP. Dans la catégorie des véhicules, on assiste toutefois à une baisse annuelle quasi constante entre 2017 (531) et 2021 (445).
Les mêmes chiffres pour l’année 2022 ne seront pas disponibles avant le printemps 2023.
« Un phénomène qui captive l’imagination »
Que coûtent ces incendies d’origine criminelle aux assureurs en réclamations et indemnités ? Le ministère dit être dans l’incapacité de le chiffrer. « La Direction des politiques publiques, de la recherche et des statistiques (DPPRS) n’est pas en mesure de fournir le coût annuel des dommages pour ces catégories, il ne s’agit pas d’une donnée recueillie », précise-t-on à Québec.
Les études québécoises consacrées aux incendiaires semblent rares, mais en 1992, deux chercheurs, Yvan Clermont et Luc Vallée, avaient réalisé un article sur le sujet. « L’incendie criminel est un phénomène qui captive l’imagination populaire parce qu’il est rare, très souvent spectaculaire, et parce qu’il revêt un certain caractère irrationnel, y écrivaient-ils. Il est en effet difficile, pour les gens honnêtes, d’imaginer que des individus puissent commettre intentionnellement un acte aussi ignoble, en mettant la vie de plusieurs personnes en danger ». Aux États-Unis il y a 35 ans, ils coûtaient aux assureurs privés près de 2 milliards en indemnisations annuellement.
Le type de propriétés visées
Un examen des chiffres entre 2017 et 2021 dressés par le ministère de la Sécurité publique montre que les incendies criminels de maisons unifamiliales au Québec ont diminué durant ces cinq années, passant de 356 à 305. Une baisse a également été enregistrée au chapitre des unités d’habitation, appartements, condominiums, etc. Une diminution avait été observée depuis 2017 au niveau des immeubles commerciaux ou abritant une société, mais une remontée est survenue en 2021 (132 comparativement à 106 en 2020).
Dans la catégorie des établissements commerciaux, des dizaines de restaurants sont chaque année victimes d’incendies criminels avec un sommet de 55 en 2019, ainsi que des entrepôts, des dépanneurs, des industries, des centres commerciaux et des bâtiments de ferme.
Ce sont toutefois des édifices publics, incluant des refuges pour itinérants, prisons, cours de justice, postes de police, maisons de repos, aéroports, centre de loisirs, presbytères, églises, maisons de retraite, hôpitaux/cliniques et des établissements d’enseignement, écoles, universités, cégeps, garderies, qui seraient les plus touchés par des sinistres de nature criminelle si l’on se fie à cet autre tableau produit par le ministère de la Sécurité publique.
Le profil des incendiaires
Le profil de l’incendiaire, qu’il faut distinguer du pyromane, est relativement facile à établir : il s’agit principalement d’un individu de sexe masculin (86,4 %) et il est le plus souvent âgé de18 ans et plus (69,4 %). De 2017 à 2021, le nombre de femmes qui ont été accusées d’avoir allumé un incendie au Québec n’a cessé de décroître. Le nombre d’incendiaires était aussi en diminution durant les mêmes années, aussi bien chez les jeunes que les adultes, montrent ces autres chiffres produits par le MSP.