En avril 2019, un chalet s’effondre sous le poids de la neige. L’assureur nie que ce sinistre soit couvert par le contrat. Dans une décision récente, la Cour supérieure du Québec lui donne raison.
Le jugement a été rendu le 3 mai dernier par la juge Micheline Perreault, du district de Montréal de la Cour supérieure. La demanderesse, Catherine Lévesque, détient une police d’assurance habitation qui couvre à la fois sa résidence principale à Montréal et sa résidence secondaire de Sainte-Agathe-des-Monts, dans la région des Laurentides.
Propriétaire du chalet depuis 2009, elle y réside de la mi-avril à la mi-novembre, car la demeure n’est pas habitable en hiver. Elle s’y rend occasionnellement pour enlever la neige. Une amie voisine jette un coup d’œil sur l’habitation et la prévient s’il y a quelque chose à faire.
Le 7 avril 2019, cette dernière l’informe que le chalet s’est effondré et lui envoie des photos. La propriétaire informe Aviva Compagnie d’assurance générale dès le lendemain. L’expert en sinistre de l’assureur l’informe qu’une autre personne ira constater le sinistre.
Le 14 mai 2019, l’assurée reçoit une lettre de l’expert en sinistre qui l’informe que sa réclamation est refusée. Le motif de l’effondrement du chalet est attribuable au poids de la neige et cela ne fait pas partie des risques couverts par le contrat d’assurance, selon l’assureur.
En juillet 2019, la municipalité exige que Mme Lévesque procède à la démolition du chalet. Les travaux réalisés en juillet 2019 lui coûtent 9 083,03 $. En juin 2020, elle obtient une soumission pour la construction d’un nouveau chalet pour une somme d’environ 218 000 $.
La demanderesse témoigne n’avoir toujours pas fait reconstruire le chalet par manque d’argent et elle doit continuer ses versements hypothécaires. Outre la somme pour couvrir le coût de reconstruction, elle réclame la somme de 25 000 $ pour les biens meubles du chalet.
Elle réclame également une somme de 7 500 $ à titre de dommages pour le stress, l’insomnie et les inconvénients causés par le refus de l’assureur.
Le contrat
La demanderesse a souscrit une police « Incendie et garanties annexes saisonnières des propriétaires occupants » pour le chalet. Il s’agit d’une assurance « à risques spécifiés », qui stipule les risques qui sont couverts. Il y en a 14 qui sont énumérés et l’effondrement dû au poids de la neige n’en fait pas partie.
L’expert en sinistre a témoigné au procès. Après sa rencontre initiale avec la demanderesse, il a mandaté une firme d’ingénierie qui a été mandatée pour déterminer la cause de l’effondrement. Il voulait savoir si le sinistre était couvert.
En septembre 2019, l’assureur maintient sa position après avoir reçu une mise en demeure du procureur de Mme Lévesque. Un arbre est tombé à proximité du chalet, mais il n’y a pas de lien avec l’effondrement de la bâtisse et rien ne laisse croire que le sinistre aurait été causé par la grêle ou les tempêtes de vent.
L’assureur soutient que le chalet n’est pas couvert par un contrat d’assurance où tous les sinistres sont couverts, sauf ceux qui sont spécifiquement exclus. Dans le cas présent, le contrat ne couvre que les risques qui y sont spécifiquement mentionnés.
La prime d’assurance est moindre en raison du fait que l’assuré assume lui-même un plus grand risque, indique la juge Perreault. Le tribunal doit se garder de convertir la police à risques spécifiés en une police « tous risques ».
L’expertise
L’expert en ingénierie, dont la qualification n’a pas été contestée par la demanderesse, a produit un rapport à la suite d’une visite des lieux le 10 avril 2019. Il constate une accumulation de 30 pouces (76 cm) de neige sur la remise voisine du chalet, toujours intacte, assez semblable à celle qu’il note sur les vestiges du toit du chalet.
Les quatre versants du toit se sont affaissés vers l’intérieur, ce qui indique une charge gravitaire ou verticale. Si le vent avait été à l’origine de l’effondrement, la charge latérale due au vent aurait provoqué le basculement dans la même direction des murs extérieurs qui ne sont pas parallèles. Il n’y a ni arbre ni branche dans les décombres.
Certains endroits sont détériorés par la pourriture, ce qui aurait pu fragiliser la structure de l’immeuble, note l’ingénieur. L’hypothèse d’un vice de construction ne faisait pas partie du mandat de l’expert.
En contre-interrogatoire, l’ingénieur réitère que le poids de la neige est la cause la plus probable de l’effondrement. Il n’y a pas d’autre cause possible et à moins d’avoir été témoin de l’événement, son expertise se limite à évaluer le degré de probabilité.
Les motifs
La demanderesse soutient que l’effondrement du chalet est couvert par les risques suivants : le choc d’objets qui percutent l’extérieur du bâtiment ou ses dépendances, la grêle ou les tempêtes de vent.
L’arbre que Mme Lévesque a vu au sol entre le chalet et la remise une dizaine de jours après le sinistre ne s’y trouvait pas lors de la visite de l’ingénieur, ou alors il était enfoui sous la neige. Il n’est pas tombé sur le chalet.
Il y a bien eu du verglas, mais dans la nuit qui suivait le constat de l’effondrement du chalet par la voisine. De plus, le contrat parle de grêle, ce qui n’est pas la même chose. Enfin, l’hypothèse d’une tempête de vent a été mise de côté par l’expertise de l’ingénieur, ajoute le tribunal.
En matière civile, l’assureur n’a pas à fournir une preuve hors de tout doute de ses prétentions. Le poids de la neige est la cause la plus probable. La demanderesse devait démontrer que le sinistre est couvert par la police, ce qu’elle n’a pu faire.
L’assurée plaide qu’en cas d’ambiguïté, le contrat d’assurance, qui est essentiellement un contrat d’adhésion, doit être interprété en sa faveur. Le tribunal reconnaît que « la lecture d’un contrat d’assurance peut s’avérer un exercice ardu, mais cela ne le rend pas ambigu pour autant ». La réclamation de Mme Lévesque est rejetée.
Le rapport d’expertise de l’ingénieur et son témoignage ont été utiles au tribunal. Dans les circonstances, la demanderesse n’est pas condamnée à payer les dépens, compte tenu de la perte subie et des frais engagés. Néanmoins, elle devra rembourser à l’assureur les frais de l’expertise qui s’élèvent à 5 921,20 $.