Malgré une croissance marquée des ventes chez les agents captifs et l'émergence des réseaux en ligne et en succursale bancaire, les agents généraux demeurent confiant de leur valeur ajoutée. Plusieurs voit même ces réseaux alternatifs comme des ouvreurs de portes pour les conseillers indépendants qui sauront se démarquer.Les ventes en termes de primes annualisées réalisées par le réseau indépendant en 2009 ont reculé de 1 % rapport à 2008, alors que celles du réseau d'agents captifs ont crû de 6 %. C'est ce que révèle le rapport Canadian Life Insurance Sales de LIMRA International. Si les indépendants ont terminé l'année avec une croissance de 4 % au 4e trimestre 2009, par rapport au même trimestre en 2008, le réseau captif a mieux fait encore. Il a connu une croissance de ses primes annualisées de 11 % durant cette période.*
Les agents généraux interrogés par le Journal de l'assurance prennent cette progression des réseaux directs avec un grain de sel. « Elle n'entame pas la progression des agents généraux », soutient Robert Frances, président et chef de la direction du Groupe financier Peak.
Selon lui, la progression de ces réseaux, incluant celle des banques, repose sur la notoriété publique de leur image de marque. Cette image positive leur permet d'attirer les consommateurs qui n'avaient pas déjà d'assurance. « C'est le même phénomène que ce qui s'est produit dans le secteur des fonds communs durant les années 1990. Les banques y ont connu une croissance phénoménale, mais pas aux dépens de celle des cabinets indépendants en épargne collective », dit-il.
Peak connait une croissance de ses affaires année après année, soutient son fondateur. Cette croissance survient dans un créneau qui échappe aux banques, poursuit-il, soit celle de la population plus âgée et bien informée en matière de services financiers. « Nous ne sentons pas que nos dossiers sont en compétition avec ceux des banques. Leur client potentiel est souvent une personne sans assurances qui achètera de la première personne qui l'approche, par l'entremise de la carte de crédit, par exemple. »
Il n’y a pas qu’au Canada que les réseaux directs sont en croissance. Nos voisins du Sud subissent le même phénomène.
Aux États-Unis, les ventes d’assurance vie réalisées à travers les réseaux directs ont représenté 20 % du nombre de polices vendues en 2008, a révélé LIMRA dans une étude menée conjointement avec la Life Insurance Direct Marketing Association. Ces polices ont compté pour 5 % des primes totales et 13 % des montants assurés aux États-Unis durant la même année, indiquent ces recherches.
L’étude rapporte aussi que le nombre de consommateurs qui souscrivent de l’assurance en ligne a doublé entre 2006 et 2008 aux États-Unis
Enthousiasme
De son côté, le vice-président exécutif du consolidateur ontarien Groupe Financier Horizons, Tony Ryan, voit même la montée du réseau alternatif avec enthousiasme. « Les banques vendent de l'assurance depuis longtemps. Plus elles le font, plus elles font prendre conscience aux Canadiens de l'importance de l'assurance vie. La concurrence est toujours une bonne chose », lance-t-il.
Directeur du bureau de Westmount du Groupe CMA, François Moïse renchérit sur ce point de vue. « Je n'aime pas ces réseaux, mais je dois admettre qu'ils développent le marché pour les conseillers indépendants », dit-il.
Selon M. Moïse, les réseaux alternatifs vendent la plupart du temps leurs produits sans analyse de besoins financiers. « Le conseiller pourra retourner la situation à son avantage. Par exemple, de nombreux clients des réseaux alternatifs détiennent des produits d'assurance hypothécaire bancaires non transférables. Neuf clients sur 10 choisiront une police d'assurance hypothécaire individuelle et transférable si on leur en donne l'occasion », croit-il.
Christian Laroche, vice-président de Pro Vie, un agent général spécialisé dans le marché des cols bleus et des dirigeants de PME, croit qu'il y a assez de place dans l'industrie pour tous les réseaux. « S'il nous arrive d'avoir une banque comme concurrent, cela ne nous a pas empêché de connaitre une croissance de notre bloc d'affaires de 20 % entre 2008 et 2009. Je pressens déjà une croissance similaire en 2010 », estime-t-il.
Le Mouvement Desjardins profite aussi de la montée des réseaux alternatifs.
Dans son plus récent rapport annuel, le mouvement coopératif rapporte que le volume souscrit en assurance de personnes à partir de la distribution par intermédiaire en caisse populaire a cru de 17,7 % en 2009, par rapport à 2008.
De plus, selon des chiffres compilés par le Mouvement, les primes d’assurance souscrites au Canada en 2008 provenaient des réseaux traditionnels à 86,5 % et des réseaux de type alternatif à 13,5 %.
Desjardins en vient à cette conclusion après avoir combiné des données recueillies par LIMRA et par l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes.
Le mouvement coopératif placera un accent particulier sur la croissance des affaires soumises par son réseau de caisses en 2010.
Dans son rapport annuel, Desjardins le désigne même comme l’un de ses trois principaux défis de l’année en cours.
Le mouvement explique ainsi vouloir « soutenir proactivement le réseau des caisses pour augmenter le portefeuille de placements et d’assurance ».
Créer sa propre niche
Pro Vie a créé sa place depuis son lancement en affaire à la fin des années 1990. « C'était déjà très difficile de lancer un cabinet il y a douze ans. Nous y sommes parvenus en créant notre propre niche, notre recette et un plan d'affaires axé sur un marché spécialisé. Le potentiel est énorme car il y a un grand nombre de PME dont le plan financier est mal structuré. »
M. Laroche se dit peu inquiet de la montée des réseaux alternatifs. « Je demeure convaincu qu'au Québec comme ailleurs, l'assurance vie ne s'achète pas, elle se vend. Le client se voit offrir tellement de produits de nos jours qu'il s'y perd. Il a besoin de conseils et c'est le réseau de courtage qui est le mieux placé pour les lui donner », lance-t-il.
Jim Virtue, président de l'agent général albertain Financial Management Group, voit la montée des réseaux alternatifs d'un bon œil. « La distribution change très rapidement. Les banques et les autres institutions financières qui veulent distribuer de l'assurance à leur clientèle augmentent la notoriété des produits d'assurance. Cela favorisera la croissance des ventes dans toute l'industrie et améliorera le professionnalisme du réseau indépendant », croit M. Virtue.
Plus d'efforts en distribution
Si l'offre en ligne et de marketing direct des banques constituent la pointe la plus visible de la distribution alternative, certains assureurs mettent aussi plus d'efforts dans leur distribution directe, ajoute M. Virtue. « Je ne considère aucun de ces modes de distribution comme une menace sérieuse aux conseillers indépendants parce qu'ils n'offrent pas de conseils, seulement des produits ».
*L'étude de LIMRA recense les données de joueurs qui accaparent plus de 85% des parts de marché au Canada. Parmi eux, LIMRA a recueilli les données des principaux joueurs présents dans le réseau captif, tels Great-West, London Life, Financière Sun Life, Industrielle Alliance et Co-operators. L'étude recense aussi des joueurs susceptibles de recourir à leur réseau de succursales, tels Desjardins Sécurité financière, BMO Assurance Vie et RBC Assurances.