S’ils veulent connaitre du succès à long terme, les assureurs devront être en mesure de répondre aux changements de comportements des consommateurs, qui ont de plus en plus recours aux médias sociaux et aux téléphones intelligents pour faire leur choix. Ils ne pourront plus se permettre de forcer un consommateur à utiliser un canal, mais bien lui offrir une multitude de réseaux avec lesquels il pourra faire affaire.Ce constat est celui de Christian Bieck, directeur de la recherche sur l’assurance du IBM Institute for Business Value. Établi en Allemagne, M. Bieck était de passage à Toronto, à la mi-décembre, pour présenter les résultats d’une recherche menée auprès de 10 000 répondants, composés de plus de 8 592 consommateurs et 1 360 intermédiaires en assurance et répartis dans 17 pays, dont le Canada. Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec lui.
Selon M. Bieck, le consommateur devient « multiniveau ». « Pour n’importe quel type de produit, quand le consommateur souhaite faire un achat, il commence bien souvent sa recherche sur Internet. Ensuite, il va au magasin. Il sera de plus tenté d’aller dans une boutique recommandée par un ami, sur Facebook. Le même phénomène est en train de se produire en assurance », dit-il.
Les assureurs ont donc tout intérêt à rendre le magasinage facile pour le client, croit M. Bieck. « Ils ne doivent pas avoir à répéter plusieurs fois le même message pour se faire comprendre », dit-il.
Les intermédiaires, tels les courtiers, agents et conseillers, doivent aussi faire leur bout de chemin à cet effet. « Les assureurs mettent encore beaucoup d’emphase sur le réseau d’intermédiaires. C’est correct, car c’est encore le réseau en lequel les gens ont le plus confiance. Les assureurs devront toutefois comprendre que leurs clients ne veulent pas tous faire affaire de la même façon », dit M. Bieck.
Ouverture à l’innovation
Les assureurs devront ainsi changer et porter attention à leurs relations. Ils devront tirer bénéfice de la relation de confiance qu’ils ont avec le client. « S’ils veulent devenir multicanaux, ils devront prendre soin de cette relation avec le client, car le consommateur voudra faire affaire de la façon qu’il préfère. C’est la nature même de la façon dont on interagit, que ce soit pour faire une transaction bancaire ou acheter un article électronique. Quand on fait affaire avec un intermédiaire, habituellement, ça se fait dans son bureau, face à face. Les assureurs devront toutefois s’ouvrir aux autres types de communications et être présents dans tous les canaux. Ça s’applique aussi aux intermédiaires de marché », dit-il. Pour M. Bieck, il ne s’agit pas là d’une révolution, mais bien d’une évolution des manières de faire. « Quand Internet est arrivé, tout le monde a dit que ça tuerait tout ce qui se faisait à ce moment-là. Ça n’a pas été le cas. Ça a plutôt fait évoluer la façon dont nous menons nos affaires. C’est pourquoi l’arrivée des médias sociaux et des appareils mobiles intelligents n’est pas une révolution, mais bien une évolution. L’émergence de toute nouvelle technologie ira dans ce sens. Le défi pour les assureurs est d’être capable d’offrir un soutien au client pour toutes ces inventions. C’est plutôt là qu’est la révolution », dit-il.
Certains marchés sont-ils en avance sur d’autres en matière de connectivité sociale? Les États-Unis viennent tout de suite à l’esprit, notamment avec toutes les initiatives que lancent des joueurs comme Geico, Progressive, USAA et Nationwide, entre autres. M. Bieck souligne toutefois que certains joueurs européens tirent mieux profit de l’approche multiréseau et servent ainsi mieux le client, qui peut vraiment choisir la façon dont il veut faire affaire.
Particularités canadiennes
Certaines particularités distinguent le marché canadien des autres, dit M. Bieck. L’une touche les courtiers, agents et conseillers. Quand IBM leur a demandé à quoi ils accordaient le plus de valeur quand ils faisaient affaire avec un assureur, la réponse dominante dans la majorité des pays est l’efficacité de l’assureur dans ses processus. Pas au Canada. Les intermédiaires canadiens qui ont participé à l’étude ont répondu que la chose la plus importante pour eux était le taux de commission.
IBM a aussi mesuré le taux de confiance des consommateurs envers l’industrie de l’assurance. À travers le monde, 44 % des gens ont dit avoir confiance en l’industrie. Les 56 % restants ont dit ne pas avoir confiance. Ce taux est encore moins élevé au Canada, soit 41 %, ce qui signifie que 59 % des gens ont dit ne pas avoir confiance en l’industrie.
Une autre tendance relevée par l’étude a trait aux groupes d’âge. Les jeunes consommateurs préfèrent faire affaire directement avec un assureur, plutôt que passer par un intermédiaire. Ils préfèrent de même faire leur recherche directement sur le site d’un assureur, plutôt que faire appel à un agrégateur.
« Pour le consommateur, il est important que tous les réseaux d’un assureur soient intégrés l’un à l’autre. On voit aussi que ça augmente la fidélité et qu’ils ont tendance à rester chez l’assureur de qui ils ont acheté la première fois. Si vous les forcez à aller dans un canal, ils vont préférer aller voir ailleurs. Les assureurs devront donc céder le choix du canal au consommateur. Ce sera dur pour eux, car ils sont justement habitués à avoir le contrôle », dit M. Bieck.