Les conseillers n’ont pas fini avec les inspections de l’Autorité des marchés financiers. Ils les verront se multiplier, alors que l’Autorité scrute la conformité à la loupe grâce à une équipe élargie. Les conseillers peuvent toutefois éviter le pire en se préparent mieux et en pratiquant une attitude d’ouverture, soutiennent la procureure-chef de l’Autorité et des avocats spécialisés en droit de l’assurance.Les conseillers ne sont pas prêts pour les inspections. Lorsqu’elles se présentent, c’est le choc. Pourtant, celles-ci sont annoncées. La plupart des inscrits reçoivent un avis d’inspection les invitant à préparer des documents. Cependant, 90 % à 95 % des inscrits visés par une enquête l’ignorent. Quant aux inspections surprises, elles touchent surtout les succursales des grandes institutions. Dans tous les cas, une seconde visite peut aussi se faire par surprise.
« Dans le cas d’une succursale, on ne s’annonce pas, pour ne pas leur laisser le temps de faire le ménage », a lancé la procureure-chef de l’Autorité, Lise Girard, lors d’un entretien privé qui s’est déroulé au bureau montréalais de la firme d’avocats spécialisée en droit des affaires, Lavery, quelques jours avant le Rendez-vous de l’Autorité du 15 octobre.
Mme Girard a rappelé la nature de l’inspection. « L’Autorité inspecte un inscrit pour s’assurer qu’il respecte la loi et ses règlements et aussi souvent qu’elle l’estime nécessaire », dit-elle. Le régulateur peut se présenter à toute heure raisonnable, exiger et même copier tout document dont il a besoin en cours d’inspection. Celle-ci est obligatoire, mais confidentielle.
Parmi les irrégularités graves que constate l’Autorité lors d’inspections figurent l’exercice illégal, l’absence de compte séparé ou l’utilisation des sommes d’un tel compte à d’autres fins, le remplacement répété ou injustifié, le fonds de roulement déficitaire et les pratiques de souscription non conformes.
Lorsqu’un tel manquement survient, le rapport d’inspection en fait état et l’Autorité demande au cabinet de corriger la situation. Il pourrait y avoir une seconde en cours d’année, ajoute Mme Girard. L’Autorité pourrait aussi demander à l’inscrit de s’adjoindre un consultant ou encore, de transférer le dossier à la direction des enquêtes ou celle du contentieux. Pour les inscrits membres de la Chambre de la sécurité financière, le dossier pourra aussi être transféré à celle-ci.
Se préparer
Avocate membre du groupe en droit des affaires chez Lavery, Josianne Beaudry propose pour sa part un mode d’emploi pour limiter les dégâts. « Comment faire en sorte que l’Autorité sorte de chez vous avec un rapport vide? », a-t-elle lancé devant une assistance d’une centaine de personnes, dont des avocats, des officiers de conformité d’assureurs et d’agents généraux, ainsi que de syndics.
Elle recommande aux plus grands cabinets d’avoir à portée de main un guide de conformité qui contient des politiques, des procédures de contrôle interne et des mécanismes de surveillance. « Vous devez aussi vous assurer que les pratiques contenues dans le manuel sont appliquées et intégrées au processus décisionnel de la société », explique Me Beaudry.
L’avocate invite les cabinets à vérifier de façon périodique le respect de tous les mécanismes de conformité. Elle leur recommande également de mettre en place un mécanisme de dénonciation à l’interne.
Quant à Nathalie Durocher, membre du groupe litige chez Lavery et avocate spécialisée en droit de l’assurance et des produits financiers, elle a indiqué aux conseillers comment se préparer. « Vous avez l’obligation de collaborer de bonne foi, ce qui veut dire, entre autres, rendre l’information accessible aux inspecteurs », dit-elle. Me Durocher rappelle qu’entraver le travail de l’inspecteur peut entrainer des sanctions ou des amendes.
Elle invite toutefois le conseiller ou le cabinet inspecté à s’assurer de bien comprendre les questions ou les demandes de l’inspecteur avant d’y accéder. « Inutile d’aller au-delà de ce qui est requis », dit-elle. Elle recommande au conseiller de se faire une tête avant de rencontrer l’inspecteur. « Revoyez toute correspondance ou note émanant d’une inspection précédente. Faites les vérifications nécessaires, revoyez vos livres des minutes et négociez de façon éclairée », dit Me Durocher.
Revenant sur les principales irrégularités observées par l’Autorité, elle souligne la prépondérance d’irrégularités liées à la procédure de remplacement, les pratiques commerciales (incluant la publicité) et le plan de continuité en affaires. Quant à l’analyse des besoins financiers, elle met les conseillers en garde contre les formulaires incomplets et invite les cabinets à s’assurer d’avoir un formulaire complet et dument rempli par le représentant.
L’Autorité ne prescrit pas l’usage d’un formulaire en particulier. Or, Me Durocher recommande au conseiller de ne pas lésiner sur les précisions. De son côté, le cabinet doit s’assurer que le représentant a bien expliqué les produits avant la vente, notamment la liste des exclusions. Il doit aussi garder des notes de sa supervision auprès du représentant.
Le représentant doit garder une copie de l’analyse de besoins financiers dans son dossier client et s’assurer de la confidentialité des renseignements qui s’y trouvent. « Évitez le coulage d’informations dans vos procédures internes et par des mesures de sécurité », conclut-elle.