Les courtiers n’ont pas à s’inquiéter de l’intégration des deux leaders du courtage au Québec. Au contraire, ils seront en présence d’une nouvelle compagnie qui rassemble les deux meilleures équipes de l’industrie de l’assurance au Canada.La réponse est sortie d’un trait de la bouche de Charles Brindamour, le PDG d’Intact Corporation financière, en entrevue au Journal de l’assurance le 13 juin dernier, quelques jours après l’annonce de l’acquisition d’AXA Canada. M. Brindamour, en compagnie de Louis Gagnon, président d’Intact Assurance, répondait à la question sur sa stratégie d’intervention quant à l’inquiétude des courtiers à la suite de la transaction.
« Quand il y des changements aussi importants, c’est normal d’être inquiet, a dit M. Brindamour. Ce qu’on bâtit, c’est un leader canadien de classe mondiale. On met ensemble deux équipes de grande qualité. J’ose même dire qu’on regroupe les deux meilleures équipes de l’industrie canadienne. Ce sont deux équipes qui ont un service exceptionnel aux clients en indemnisation et le meilleur service aux courtiers. On combine aussi nos ressources financières. Ce sera une arme spectaculaire pour les courtiers. Ils ne trouveront pas notre égal dans le marché.?»
Le PDG insiste sur le caractère canadien de l’entreprise?: les décisions seront prises par des gens d’ici que les courtiers connaissent.
M. Gagnon dit comprendre l’inquiétude des courtiers québécois, qui perdent l’un de leurs leaders. «On crée néanmoins un joueur qui sera capable de soutenir les courtiers aux niveaux financier, technologique ainsi que de la marque. On pourra les appuyer dans leur désir de croitre. Ça va nous rendre meilleurs et on sera plus à l’écoute?», dit-il.
Offre maintenue en entreprises
M. Brindamour précise que l’offre de produits d’AXA en assurance aux entreprises sera maintenue. M. Gagnon renchérit en disant que les courtiers auront ainsi accès à une gamme de produits plus étendue faisant en sorte qu’ils détiendront la meilleure offre de produits du marché.
Le Québec est un marché très concurrentiel, soutient M. Brindamour, et il dit ne pas s’attendre à un relâchement à cet égard après la transaction. Bien au contraire, selon lui. Or, la transaction cache un autre bénéfice dans ce contexte. «Nous sommes un partenaire fiable qui est là beau temps mauvais temps, on l’a démontré dans le passé. La discipline des deux organisations fait qu’on peut supporter les courtiers en tout temps.»
M. Brindamour ajoute que la transaction va lui permettre d’investir « de façon impressionnante » dans sa marque de commerce auprès du public. Un atout pour le courtier. Combien d’argent seront investis en publicité? La rumeur fait état de 30 millions de dollars (M$). M. Brindamour n’a pas voulu dévoiler le montant exact affirmant que ce montant n’était pas le chiffre exact, mais que cet ordre de grandeur n’était pas farfelu. « Les courtiers vont voir une différence rapidement », promet-il.
Aux courtiers qui s’inquiètent du niveau de concentration de leurs affaires auprès d’Intact, M. Brindamour soutient que c’est au contraire rassurant d’offrir aux consommateurs les produits de l’assureur qui s’est vu attribuer la cote de satisfaction de la clientèle la plus élevée parmi les assureurs automobiles au Québec. Il fait référence à l’étude de la firme de recherche indépendante J.D. Power and Associates.
À ceux qui dépasseront le plafond de concentration et que la loi québécoise obligera à la divulgation, M. Brindamour a suggéré de jouer la carte de la transparence.
La « nouvelle » compagnie Intact investira aussi beaucoup en technologie sur le web. «?Notre interface avec les courtiers sera de premier plan, dit M. Brindamour. On va investir massivement sur le Web, car la bataille se fait là. On va aider les courtiers à croitre », dit-il.
C’est à Louis Gagnon et Jean-François Blais, président d’AXA Canada, que reviendra le mandat d’intégrer les deux compagnies. L’intégration devrait se réaliser en-dedans de 24 mois, dit Charles Brindamour.
Les équipes de transition sont d’ailleurs déjà en place. Elles s’activeront dès que la transaction sera acceptée par les régulateurs, ce qui devrait être fait à l’automne.
Par où l’intégration commencera-t-elle ? «Il faut tout d’abord apprendre à mieux se connaitre, dit M. Gagnon. On a établi de grands principes et on mettra au point un bon plan de communications pour faire connaitre les étapes à franchir.?»
Deux principes directeurs guideront le processus, ajoute M. Brindamour. Tout d’abord, maintenir un bon service aux courtiers et aux clients. « On va tout faire pour éviter que ça diminue compte tenu de l’intégration», dit-il. La transparence sera aussi un principe clé de l’intégration, affirme le PDG d’Intact. «On va dire à nos employés et à nos courtiers où on s’en va. On va le communiquer clairement?», dit-il.
Le comité d’intégration se penchera ensuite sur le parallélisme, c’est-à-dire le dédoublement de certains systèmes. En technologie, il est acquis qu’Intact veut garder sa plateforme goBrio. Pour les autres segments d’activité, les sous-comités s’activeront en fonction des objectifs qui leur seront donnés. C’est ce qui sera le plus exigeant? «Mettre les produits ensemble, garder l’expérience d’AXA et mettre tout ça sur une même plateforme», dit M. Brindamour.
Il ne cache pas que des choix déchirants devront se faire. De son expérience des dix dernières acquisitions sur vingt ans, M. Brindamour dit avoir observé un roulement normal du personnel qui réduit ces choix. Néanmoins, il nous faudra des ressources additionnelles pour mener l’intégration. Il nous en faudra aussi pour croitre. C’était déjà un défi dans le passé?», dit-il.
M. Brindamour affirme que cette transaction est bien différente des autres. Les dernières transactions impliquaient de plus petits joueurs, qui présentaient des résultats inférieurs à ceux d’Intact. «?Dans ce cas-ci, leurs résultats sont égaux aux nôtres et parfois mêmes supérieurs dans certains segments. Une partie des bénéfices viendra des trucs où on est meilleurs et où ils sont meilleurs?», dit-il.
L’intégration permettra aussi de rapatrier des ressources de France, dit M. Brindamour, notamment en placements et en gestion des systèmes informatiques. «?Nous avons 40 personnes de classe mondiale à nos bureaux du centre-ville de Montréal en placements. On ramène au Québec ce qu’AXA avaient impartis en France?», dit-il. Même chose pour les systèmes informatiques.
Le PDG d’Intact dit aussi vouloir réaliser un autre objectif au terme de l’intégration. «?Les gens qui travaillent chez AXA sont fiers de le faire. Le mandat qu’on se donne, c’est qu’ils soient aussi fiers de travailler pour nous dans plusieurs années?», dit-il.
Intact compte aider les courtiers à boucler une transaction sur le Web. Des investissements seront faits en ce sens. AXA a déjà des outils et des expériences en ce sens avec donnetonminimum.com et axa.ca. Louis Gagnon, qui reconnait qu’AXA y a fait une percée intéressante, compte d’ailleurs utiliser cette plateforme ou la modifier pour s’installer sur le web. Il fait toutefois deux mises en garde. Ce n’est pas demain que la vente d’assurance sur le web va partir, on assistera plutôt à une évolution, dit-il. Et ultimement, ce sont les consommateurs qui décideront où acheter leur assurance.
Charles Brindamour ajoute que la technologie bouge au point que ce qui existera dans trois à cinq ans ne ressemblera pas à ce qui se fait présentement. Or, avec ses ressources, Intact sera bien placée pour investir. «?C’est clair que le jour où Intact Assurances est sur le web, le courtier sera au cœur de la transaction?», a lancé M. Brindamour.
Qu’est-ce qui fera le succès de la transaction?
En fusion-acquisition, il est reconnu que le succès d’une transaction se résume par la formule suivante : 1+1=3, l’équation 1+1=2 étant perçue comme un échec. D’où viendront alors les gains de cette transaction?
Pour M. Brindamour, la concentration du talent est un gain plus qu’appréciable. Il cite aussi l’élargissement de l’offre d’Intact en matière de produits.
Il vante en outre la capacité actuarielle de la nouvelle entreprise, qui ouvre la porte à la souscription par segmentation. Il ajoute que la capacité actuarielle des deux compagnies sera «?extraordinaire?». «?Ce sera l’une des meilleurs au monde. Nous compterons 190 actuaires. J’ai mis nos gens en actuariat au défi de trouver une autre organisation dans le monde avec une telle équipe dans un marché ciblé. Notre part de marché du talent sera plus grande que notre part de marché réelle?», dit-il. En outre, le PDG d’Intact ajoute qu’il compte conserver tous les membres de cette équipe.
En dernier lieu, il voit aussi des gains dans la chaine d’approvisionnement et la gestion des indemnisations. Il rappelle qu’Intact a pour pratique de ne pas impartir ses dossiers, ce qui aide le service et diminue les coûts, dit-il. S’il ne veut pas commenter la pratique actuelle chez AXA, il avance tout de même que la formule d’Intact a donné du succès pour les actionnaires de l’entreprise.
«?La similarité des deux organisations et l’offre en entreprises nous a fait comprendre que c’était la meilleure acquisition à faire, autant pour les courtiers que pour nos clients?», précise-t-il.
M. Brindamour se dit aussi fier d’acheter une entreprise de l’étranger, une nouvelle de plus en plus rare au Canada. Il rappelle d’ailleurs que le dernier assureur à le faire a été sa compagnie, qui a racheté son actionnariat d’ING en février 2009. «?C’est un gros plus de pouvoir prendre des décisions ici, au pays?», dit-il.
La limite d’actionnariat de 20 dans les cabinets de courtage imposée par les régulateurs québécois nuira-t-elle à Intact? Non, répond M. Gagnon. «?À l’extérieur du Québec, on a toutes les formules pour répondre aux courtiers. On peut l’aider dans sa succession et prendre des participations allant de 0 à 100 . C’est un engin excessivement important pour les courtiers. Nous sommes ouverts à la discussion et à prendre des arrangements aux besoins des courtiers?», dit-il.
Quelle philosophie prédominera?
On dit souvent que chaque compagnie a une âme. AXA était reconnu pour son côté relationnel. Quant à Intact, elle est reconnue pour son côté busines et financier. Quelle philosophie prédominera?
M. Brindamour répond que les deux entreprises présentent plutôt des similitudes dans leurs valeurs. «?Elles ont le désir d’excellence, un fort esprit d’équipe, les gens sont au cœur dans les deux modèles de relations avec les courtiers et les clients. AXA a démontré d’excellents résultats. Ils ont une discipline financière. Pour notre part, une de nos stratégies clés est la proximité des gens. C’est pourquoi nous avons ouverts des centres pour nos courtiers à Montréal, Québec et Saint-Hyacinthe?», dit-il.
M. Gagnon ajoute qu’il y a eu une transformation importante des relations avec les courtiers chez Intact. «?On a mis beaucoup d’emphase pour travailler avec eux et pour ne pas changer leur modèle d’affaires. Les courtiers le reconnaissent par leur loyauté envers notre organisation. En Ontario, nous sommes l’assureur qui avons terminé au premier rang dans le sondage de satisfaction de l’Association des courtiers d’assurance de l’Ontario (IBAO). C’est une bonne image de voir comment on réfléchit avec nos courtiers?», dit-il.
M. Brindamour reconnaît qu’il y a une période où les relations entre Intact et les courtiers n’étaient pas aussi bonnes. C’est pourquoi l’assureur était allé chercher un courtier, Louis Gagnon, pour diriger sa filiale à courtage en 2008. « Notre but était de raffermir les relations avec les courtiers. Nous sommes maintenant reconnus comme étant proche des courtiers?», dit-il.
Le PDG d’Intact s’attend à ce que cette acquisition génère de la croissance pour son entreprise. Il croit que la combinaison de sa base de clients et de l’élargissement de l’offre de produits y contribuera.
«?En assurance aux entreprises, il y a de la croissance importante à venir. Nous allons élargir cette offre. D’un océan à l’autre, nous avons un volume de deux milliards de dollars (G$) en assurance aux entreprises en incluant la responsabilité. Notre force n’est pas dans les grands risques commerciaux. On va toutefois augmenter notre compétitivité en assurance des entreprises. Les courtiers seront extrêmement bien servis?», dit-il.
L’assureur compte aussi investir en technologie et conserver sa plateforme goBrio.
Le PDG d’Intact s’attend ainsi à ne pas perdre un sou du volume de 6,5 milliards de dollars (G$) de primes qu’il gérera. «?À partir du moment où on présente la meilleure offre, je ne vois pas pourquoi on perdrait du volume. On fait affaire avec des entrepreneurs et on doit se comporter comme des entrepreneurs. Chacun a sa formule différente. On doit s’adapter à cela?», dit-il.
Quant à la décision de vendre les affaires d’AXA en assurance de personnes, M. Brindamour veut travailler à trouver un partenaire qui présentera la meilleure offre possible aux clients et qui s’occupera bien des employés.