Toutes les Autorités en valeurs mobilières canadiennes (ACVM) sauf celle de l’Ontario mettent en œuvre aujourd’hui des dispositions règlementaires qui entraineront la fin des frais d’acquisition reportés sur les fonds communs à partir du 1er juin 2022.
Le rêve de l’industrie de voir retenue la proposition de maintenir les frais d’acquisition réduits prend fin abruptement. Or, la décision d’interdire les frais reportés était imminente.
Elle survient à l’issue de recherches et d’analyses approfondies ainsi que de vastes consultations auprès du secteur de l’investissement et des groupes de défense des investisseurs, disent les ACVM participantes (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Québec, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et Labrador, Nunavut, Territoires du Nord-Ouest et Yukon).
Les dispositions règlementaires des ACVM interdiront aux fournisseurs de fonds communs de verser aux courtiers des commissions au moment de la souscription. Cette structure de rémunération les incite à distribuer des fonds communs qui imposent des frais de rachat aux investisseurs qui « vendent leurs titres avant l’expiration d’une certaine période », expliquent les autorités.
Sus au conflit d’intérêts
« Cette décision a été motivée par d’importantes préoccupations en matière de protection des investisseurs », a déclaré Louis Morisset, président des ACVM et PDG l’Autorité des marchés financiers. « Les commissions payées au moment de la souscription créent des conflits d’intérêts et imposent des contraintes de liquidité nuisant aux investisseurs. Cette préférence pour une telle forme de rémunération incite les courtiers à recommander des produits pouvant ne pas être au mieux des intérêts des investisseurs et a donné lieu à des résultats d’investissement sous-optimaux. »
Les ACVM disent avoir examiné les solutions de rechange à l’interdiction des frais d’acquisition reportés. Parmi elles, la règlementation de la distribution de titres par une série de restrictions. « Nous avons conclu qu’elles n’atténuaient qu’en partie les préjudices subis par les investisseurs que nous avions relevés, et qu’elles ne traitaient aucunement les conflits d’intérêts inhérents à l’option des frais d’acquisition reportés ni le fait qu’elle les tenait captifs. Avec la preuve abondante de préjudices aux investisseurs, surtout les plus vulnérables financièrement, et l’absence d’avantages démontrés, nous ne voyons aucune raison de conserver cette option », ajoutent les ACVM.
Options de rechange
Bon nombre de manufacturiers de fonds communs et de courtiers ont déjà délaissé ce modèle de rémunération « problématique », soulignent les autorités. Ils l’ont délaissé parce qu’il ne répond plus aux besoins et aux attentes raisonnables des investisseurs, observent-elles.
Les régulateurs soutiennent que l’innovation a engendré d’importantes et de nouvelles façons de servir les petits comptes à un cout abordable. « De nos jours, les investisseurs ont accès à un large éventail de fonds, dont des organismes de placement collectif ou fonds communs (OPC) sans frais d’acquisition et des fonds négociés en bourse, quelle que soit la taille de leur compte. »
L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) avait déjà soutenu le contraire par le passé.
Période de transition
Les autorités ont expliqué le choix d’une date d’entrée éloignée par la volonté de mitiger les répercussions de cette interdiction. Cela permettra selon elles aux entités affectées par ces changements d’ajuster leurs modèles d’entreprise. Entretemps, ces entreprises seront autorisées à distribuer des fonds communs avec frais reportés, « et les calendriers de rachat liés à ces investissements pourront continuer à courir jusqu’à l’échéance prévue », précise les régulateurs.
D’ici l’entrée en vigueur de l’interdiction, les ACVM accorderont aux courtiers une dispense des obligations rehaussées relatives aux conflits d’intérêts. Ces obligations entreront en vigueur le 31 décembre 2020, après la mise en œuvre des réformes axées sur le client. Pendant cette période, les courtiers demeureront tenus aux obligations en la matière actuellement prévues par le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites.
Courtiers exclus des commissions de suivi
Les ACVM comptent toujours publier plus tard en 2020 des modifications interdisant le paiement de commissions de suivi aux courtiers qui ne réalisent pas d’évaluation de la convenance, comme les courtiers exécutants.