Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) proposent d’interdire la rétrofacturation dans le cadre du placement de titres de fonds d’investissement au moyen d’un prospectus.

Les ACVM ont publié le 26 juin 2025 un projet de modification pour une période de consultation de 90 jours. La consultation prendra fin le 24 septembre 2025. Elle porte sur le projet de modification du Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites

S’il passe la rampe, cet amendement au règlement viendrait fermer la porte aux firmes de courtage en placements qui pouvaient encore pratiquer la rétrofacturation, aussi appelée rappel de commissions (ou chargbacks en anglais). L’intention des ACVM est d’interdire le recours à la rétrofacturation lors de la vente de titres de fonds d’investissement, et non seulement de fonds communs.

Inquiétudes sur fond de conflits d’intérêts 

Dans le communiqué de la consultation, les ACVM ont rappelé que, « dans certaines circonstances », les courtiers ou les représentants de courtier reçoivent une commission lorsqu’ils vendent un investissement à leur client. « La rétrofacturation survient lorsque ces clients demandent le rachat de leurs titres avant l’expiration du calendrier prévu et que le représentant doit rembourser en tout ou en partie les sommes reçues », expliquent-ils. 

Le projet de modification priorise la protection des investisseurs et promeut des pratiques de rémunération plus équitables.
– Stan Magidson 

Les ACVM ont dit s’inquiéter du conflit d’intérêts important que pose la rétrofacturation, « puisqu’elle peut inciter les conseillers à faire passer leur propre intérêt financier avant celui de leurs clients ». 

Stan Magidson

Président des ACVM et président-directeur général de l’Alberta Securities Commission (ASC), Stan Magidson a précisé le but de la démarche. « L’interdiction du recours à la rétrofacturation lors du placement de titres de fonds d’investissement permettra une plus grande adéquation entre les conseils en placement et les intérêts des clients. »

M. Magisdon a aussi déclaré que « le projet de modification priorise la protection des investisseurs et promeut des pratiques de rémunération plus équitables ». 

Pourquoi encore de la rétrofacturation ?  

Les frais d’acquisition avaient été interdits dans la distribution des fonds communs le 1er juin 2022, mais pas la rétrofacturation, a relaté au Portail de l’assurance une porte-parole des ACVM. « L’interdiction visait les commissions versées d’avance par le gestionnaire de fonds d’investissement au courtier. Les pratiques de rémunération internes par lesquelles le cabinet rémunère ses représentants ne sont pas couvertes par cette interdiction », a-t-elle expliqué. 

Il faut distinguer les frais d’acquisition reportés de la rétrofacturation, insiste la porte-parole. 

En vertu des frais d’acquisition, le gestionnaire de fonds versait une commission initiale au courtier à la vente de titres de fonds d’investissement. Si le client rachetait des titres à l’intérieur d’un certain laps de temps, il devait payer des frais au gestionnaire. 

Pratique de rémunération interne, la rétrofacturation prévoit que le courtier en épargne collective ou en placement verse une commission initiale au représentant. Si le client rachète des titres, le représentant doit rembourser sa commission au courtier. 

« Dans les deux cas, les intérêts du client peuvent entrer en conflit avec ceux du représentant inscrit, ce qui soulève des enjeux importants de conflits d’intérêts », souligne la porte-parole des ACVM. Elle dit que c’est la raison de la proposition des ACVM, qui jugent que cette pratique est « susceptible d’inciter les conseillers à privilégier leur propre rémunération au détriment de l’intérêt du client ». 

Les FNB touchés 

L’interdiction toucherait les fonds d’investissement vendus par les courtiers en placements, dont les fonds négociés en bourse (FNB). 

La porte-parole des ACVM explique que l’interdiction de la rétrocommission s’appliquerait lorsqu'un client achète des titres de fonds d’investissement qui sont des émetteurs assujettis. Dans le modèle de rétrocommission actuel, le courtier verse au représentant une commission lors de la vente. « L’interdiction proposée signifierait qu’en cas de rachat par le client, le courtier ne pourrait pas exiger que le représentant rembourse la commission initialement versée. »

La porte-parole des ACVM rappelle que les FNB sont considérés comme des fonds d’investissement émetteurs assujettis. « L’interdiction proposée par les ACVM s’appliquerait donc aussi à leur distribution. En revanche, les actions ne sont pas visées par cette proposition », a-t-elle affirmé. 

Les conseillers en sécurité financière privilégiés 

L’industrie de l’assurance en ressort privilégiée si le projet de modification du règlement 31-103 se concrétise, car les fonds distincts demeureraient ainsi les seuls fonds d’investissement à permettre la rétrofacturation. Les conseillers en sécurité financière pourraient ainsi toucher une commission de l’assureur à la vente d’un fonds distinct. 

Le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) et les Organismes canadiens de réglementation en assurance (OCRA) ont permis que les assureurs maintiennent la rétrofacturation, en exigeant en retour un contrôle rigoureux pour détecter et éviter les conflits d’intérêts.

Les frais d’acquisition reportés des fonds distincts avaient toutefois été interdits le 1er juin 2023 par un règlement des régulateurs d’assurance.