Les soins virtuels financés par les employeurs, devenus populaires durant la pandémie de COVID-19, risquent d’être abolis en raison d’une interprétation de la Loi canadienne sur la santé émanant du ministre fédéral de la Santé. Cette mesure viserait toute forme de soins pour lesquels les patients doivent payer de leur poche. C’est l’interprétation qui circule dans une lettre qui n’a toujours pas été publiée à ce jour.
De nombreux leaders de l’industrie et des chefs d’entreprise à travers le pays s’inquiètent de plus en plus du langage utilisé par les ministres de la Santé successifs et dans une ébauche de lettre d’interprétation qui a été partagée avec les provinces et les parties prenantes.
Des extraits de cette lettre, obtenus par le Portail de l’assurance, mettent en lumière leurs préoccupations.
En résumé, le gouvernement s’inquiète de tous frais facturés aux patients pour des services qui seraient normalement couverts si ces soins étaient fournis en personne par un médecin.
Le gouvernement dit qu’entre mai et septembre 2023, les provinces et territoires ont eu l’occasion de suggérer des modifications à cette politique d’interprétation. Selon le projet de lettre, l’entrée en vigueur de cette mesure a été repoussée à avril 2026.
Certains défenseurs espéraient que la lettre d’interprétation préciserait que les soins prodigués par les infirmières praticiennes et les soins virtuels devraient être financés par des fonds publics, selon l’organisme Canadian Doctors for Medicare. Cependant, la lettre indique explicitement que la nouvelle interprétation n’a pas pour but d’élargir les services assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé.
Un mémo attaché au projet de lettre aborde spécifiquement le cas des cliniques virtuelles privées qui facturent aux patients des services qui seraient normalement assurés si ces services étaient fournis en personne par un médecin. Le mémo précise que, si un prestataire est légalement autorisé à exercer virtuellement dans une juridiction, tout service médicalement nécessaire devrait être pris en charge par la province ou le territoire où réside le patient.
« Il a été constaté que des résidents paient de leur poche pour accéder à des services diagnostiques tels que des échographies, des IRM et des scanneurs — des services qui devraient être accessibles sans frais. Cela est inacceptable et ne sera pas toléré », ont déclaré Santé Canada et le ministre de la Santé de l’époque, Jean-Yves Duclos, dans un communiqué publié en mars 2023.
Dans une lettre adressée aux provinces et territoires le même jour, le ministre menace de réduire les transferts fédéraux en santé d’un montant équivalent à celui des frais facturés aux patients pour ces services, conformément à la Loi canadienne sur la santé.
En réponse à cette lettre et au projet d’interprétation partagé avec les provinces et parties prenantes, des médecins, des chambres de commerce à travers le pays et l’industrie elle-même ont tiré la sonnette d’alarme, affirmant que cette interprétation entraînera des conséquences non intentionnelles pour des millions de Canadiens, dont beaucoup n’ont pas accès à des médecins de premier recours.
Actuellement, 10 millions de Canadiens ont accès à des soins virtuels financés par leur employeur, selon l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP). En 2023, plus de 500 000 consultations de soins virtuels financées par les employeurs ont été effectuées par le biais de régimes collectifs d’avantages sociaux.
La Chambre de commerce de Calgary affirme que plus de 50 % des utilisateurs de soins de santé virtuels, en général, n’ont pas accès à des soins de santé primaires. Canadian Doctors for Medicare souligne également que cet accès restreint davantage l’accès des Canadiens aux soins spécialisés.
« Puisque les soins primaires constituent la base de notre système de santé, les patients sans fournisseur de soins primaires constatent souvent que l’accès aux soins spécialisés leur est fermé », écrivent-ils.
Face à cette problématique, certains acteurs de l’industrie expriment leur soutien.
« Au nom de la communauté d’affaires de Calgary, la Chambre de commerce de Calgary exprime ses préoccupations quant aux répercussions imprévues de l’interprétation proposée par le gouvernement du Canada de la Loi canadienne sur la santé. Cette proposition d’interdiction des soins virtuels financés par les employeurs perturberait gravement le système actuel de soins, qui compense déjà une pénurie importante de médecins de famille. De manière cruciale, cette modification limiterait également la prestation de services de santé au Canada, sans que le gouvernement augmente considérablement ses dépenses pour combler le vide laissé par cette restriction », a déclaré la Chambre dans une lettre adressée plus tôt cette année au ministre de la Santé ainsi qu’au ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales.
« Les entreprises accordent une grande importance à leur capacité de soutenir la santé et le bien-être de leurs employés, notamment grâce à l’accès aux soins virtuels par l’entremise des régimes d’avantages sociaux offerts par les employeurs. »
Plus tôt cette année, le Conseil canadien des affaires et la Chambre de commerce du Canada ont exprimé des préoccupations similaires, proposant une solution : inclure une autorisation explicite pour les soins financés par les employeurs dans toute interprétation adressée aux provinces par le gouvernement fédéral. « En permettant les soins financés par les employeurs dans la lettre d’interprétation, le gouvernement peut s’assurer que l’accès aux soins complémentaires est préservé pour des millions de Canadiens, tout en veillant à ce qu’aucun Canadien ne soit obligé de payer de sa poche pour consulter un professionnel de la santé », écrivent-ils.
Le président et chef de la direction de l’ACCAP, Stephen Frank, affirme que les soins virtuels financés par les employeurs améliorent l’accès à des services de santé de qualité et en temps opportun, tout en soulignant leur importance comme solution dans la crise actuelle des soins de santé.
Bien que l’ACCAP espère que le retard dans la publication de la lettre d’interprétation signifie que le bureau du ministre travaille à ajuster le libellé, ses représentants affirment que, jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas été réceptif à leurs efforts.
La publication de la lettre finale est attendue lors d’une réunion des ministres de la Santé, qui pourrait maintenant se tenir en janvier 2025.