Des assureurs s’attendent à ce que les ventes d’assurance vie entière reprennent de la vigueur plus tard cette année. Le frein causé par les nouvelles règles fiscales sera bientôt chose du passé, anticipent-ils.

Selon le plus récent rapport de LIMRA sur les ventes d’assurance vie individuelle réalisées au Canada en 2017, les ventes d’assurance vie entière ont reculé de 20 % par rapport à 2016, en termes de primes. Ce recul a culminé à 61 % au quatrième trimestre de 2017, par rapport au premier trimestre de 2016. L’organisme de recherche a révélé au Journal de l’assurance qu’un autre recul suivra au premier trimestre de 2018 et qu’il pourrait être le dernier contrecoup. LIMRA publiera ses résultats officiels du premier trimestre vers le mois de mai.

« Bien qu’il y ait eu un certain déclin au premier trimestre de 2018, plusieurs personnes ressources de nos compagnies membres nous ont indiqué croire que le pire des fluctuations est passé, a révélé l’analyste responsable des rapports sur l’assurance de personnes au Canada de LIMRA, Matthew Rubino. Cette décroissance tire probablement à sa fin. Le deuxième trimestre de 2018 affichera une certaine croissance, à l’échelle de l’industrie. »

M. Rubino estime que la vie entière figurera en tête de cette croissance. « Étant donné que les ventes d’assurance vie entière en termes de primes ont représenté 57 % des nouvelles primes en 2017, la majeure partie de la croissance de l’industrie reposera sur la performance de la vie entière », a-t-il indiqué.

Au rythme des beaux jours

Les ventes d’assurance vie entière sont, selon lui, revenues au rythme des beaux jours. « Si l’industrie s’attendait à un déclin après la frénésie des ventes entrainée par les changements fiscaux, je pense que nous pouvons laisser ces attentes derrière nous, croit Matthew Rubino. À la fin de 2017, les résultats de la vie entière en termes de primes ont surpassé ceux de 2015, soit les résultats d’avant la réforme. Il semble que l’effet des changements fiscaux soit terminé. »

Le retour en force sera toutefois plus ardu pour l’assurance vie universelle. « La vie universelle est près des niveaux de primes atteints en 2015. Elle retournera probablement à ces niveaux dans les prochaines années », estime M. Rubino. En contraste encore plus marqué avec les ventes de 2016, les ventes d’assurance vie universelle ont affiché un recul de 30 % en 2017.

L’année 2016, c’est un peu une anomalie, dit Guy Couture, vice-président, ventes, assurances individuelles, Québec, de Manuvie. « Il y a eu une recrudescence à la fin de 2016, en plus des affaires résiduelles qui ont poursuivi leur effet sur 2017. Les conseillers devaient soumettre leurs propositions avant le 31 décembre 2016, mais nous leur donnions par la suite jusqu’au mois de mars pour les placer chez le client. »

Cette recrudescence lui a semblé plus flagrante avec la vie entière. M. Couture croit maintenant que le pire est passé. « Les ventes sont stables en comparaison du deuxième trimestre de 2016 et même du quatrième trimestre de 2015. »

Dans les ventes de l’ensemble de l’industrie, les résultats des troisième et quatrième trimestres de 2016 sont exceptionnels par rapport aux 10 dernières années, dit Stéphane Beaumier, vice-président régional, réseau carrière, chez Financière Sun Life. « Nous avons essayé de ne pas comparer les résultats de 2017 à ceux de 2016, mais plutôt à ceux de 2015. »

Forte courbe d’apprentissage

La courbe d’apprentissage des nouveaux produits a aussi contribué à freiner les ventes en 2017, estime Saundra Roll, vice-présidente adjointe, soutien, produits et affaires de grande taille, solutions d’assurance, client individuel, de Great-West. « Nous avons apporté plus de changements à nos produits que seulement ceux requis par la nouvelle fiscalité. Les conseillers ont besoin de plus de temps pour s’adapter », dit-elle.

Great-West s’attend aussi à des ventes à la baisse au premier trimestre de 2018, par rapport au premier trimestre de 2017. Selon Mme Roll, les second et troisième trimestres de 2018 devraient toutefois afficher un retour à la croissance. « Les conseillers ont travaillé fort pendant six mois pour conclure les affaires avant la fin de 2016, rappelle-t-elle. Ils ont fait deux années de vente en moins d’un an. En conséquence, les conseillers ont pris une pause au deuxième trimestre de 2017. »

Saundra Roll dit maintenant entendre dans le réseau des commentaires selon lesquels les affaires ont repris et que les conseillers ouvrent de nouveaux dossiers. « Les affaires de grande taille peuvent prendre jusqu’à deux ans à conclure, signale-t-elle. Cela dépend de la taille et de la complexité du dossier. Cela dépend aussi de l’implication des comptables, avocats et des autres professionnels du client. »

Financière Sun Life a aussi observé l’effet de la courbe d’apprentissage. « Nous avons changé tous nos produits au 1er janvier 2017, rappelle Stéphane Beaumier. Il a fallu former les conseillers, qui devaient ensuite s’approprier les nouveaux produits. Les gens étaient sur une bonne fin d’année en 2016. Au troisième et quatrième trimestre de 2017, les ventes ont commencé à reprendre au niveau où elles étaient en 2015. »

Une dernière bulle à éclater

Les ventes d’assurance permanente du premier trimestre de 2017 formeront la dernière bulle fiscale, croient les assureurs. « Il y aura des baisses de ventes lorsque le rapport de LIMRA du premier trimestre sortira en mai, car il y a encore eu des ventes inhabituellement élevées au premier trimestre de 2017 », signale Louis-Charles Leclerc, directeur, produits d’assurance d’iA Groupe financier.

Le deuxième trimestre sera en revanche plus intéressant, prévoit M. Leclerc. « Nous verrons quel produit a connu de la croissance ou non. Les produits d’assurance vie entière avec participation suscitent encore l’engouement. Ils forment un gros marché dans lequel les conseillers semblent beaucoup croire. »

Des chiffres de LIMRA sur la répartition des primes par produit indiquent que 84 % des ventes de vie entière en termes de primes sont allés au produit avec participation en 2017.

Mais un ralentissement des ventes de vie entière avec participation est possible selon M. Leclerc, car ce produit a été fragilisé par la baisse des taux de dividende apportée par plusieurs compagnies d’année en année. « Il est plus vulnérable. Ayant appris à l’aimer lorsque les taux de dividende étaient hauts, des conseillers vont peut-être le délaisser quand les taux baisseront et vendre autre chose, croit-il. Nous aurons un portrait plus juste, plus tard en 2018. »

M. Leclerc rappelle que ces taux diminuent sous la pression constante de bas taux d’intérêt. « Des compagnies comme Sun Life et Great-West ont vendu beaucoup de ces produits, dont le flux des primes a été investi à des rendements plus bas, explique le directeur des produits d’assurance. Les compagnies qui arriveront à maintenir leur taux de dividende sont celles qui auront réalisé de bons rendements dans la portion actions de leur fonds de participation. »

Les options d’iA

iA Groupe financier n’a pas de produit participant. « Nous avons un produit concurrent à ce marché : notre vie universelle Capital Valeur », a rappelé M. Leclerc. Face aux produits de vie entière avec participation, iA positionne la vie universelle Capital Valeur comme un produit où tout est garanti et connu à l’avance, contrairement au montant de la valeur de rachat et des dividendes que créditera le fonds de participation d’une vie entière, à terme.

Il ajoute qu’iA commercialise aussi un produit d’assurance vie entière, « L’assurance vie universelle demeure plus importante dans nos ventes d’assurance vie individuelle, et en représentent à vue de nez au moins 90 % ». Il observe par ailleurs que beaucoup d’assurance vie payable en 20 ans se vend dans le marché.