Les voyageurs partent encore sans assurance voyage individuelle parce qu’ils surestiment l’étendue de leurs couvertures d’assurance collective et des régimes publics. Plusieurs autres motifs expliquent ce problème récurrent de sous-assurance.
Les raisons sont nombreuses pour expliquer ce problème, disent les assureurs interrogés par le Journal de l’assurance. Plusieurs jeunes se croient immunisés contre ce risque, surtout lors de courts séjours. Des snowbirds qui se savent malades n’osent pas essuyer un refus. D’autres se croient suffisamment couverts par leur carte de crédit, mais omettent de vérifier avant de partir.
Le dernier sondage du Conference Board du Canada sur l’assurance voyage révèle que près des trois quarts des Canadiens voyageant par agrément le font munis d’une assurance médicale d’urgence privée. Les voyageurs canadiens de 50 ans et plus sont les plus susceptibles d’être couverts, soit 81 % d’entre eux, alors que ceux de 18 à 29 ans ne le sont que dans une proportion de 55 % et ceux de 30 à 49, dans une proportion de 69%. Selon le sondage, ce sont surtout l’oubli et l’insouciance qui expliquent l’absence d’assurance, alors que seulement 22 % invoquent le prix trop élevé de ce produit.
« Le sondage démontre que les jeunes semblent associer le risque à la durée du voyage, a dit François Morel, conseiller en mise en marché pour l’assurance voyage chez Desjardins Assurances, en entrevue au Journal de l’assurance. Ils partent quelques jours aux États-Unis, par exemple, pour faire du ski ou de la planche à neige, et ne craignent pas d’avoir un accident. »
Chez les snowbirds, les motifs pour ne pas s’assurer diffèrent, dit M. Morel. « Une partie d’entre eux ne sont pas assurables, alors que d’autres considèrent que les couts de l’assurance sont trop élevés », précise-t-il.
L’ignorance s’ajoute à l’insouciance
Un sondage réalisé en juillet par BMO Assurance a révélé pour sa part qu’à l’insouciance s’ajoute l’ignorance. Quatre Canadiens sur dix croient que tous leurs frais médicaux à l’étranger sont couverts, même si eux-mêmes ne sont pas assurés. Le tiers des participants au sondage ont dit acheter parfois ou jamais de protection médicale en voyage pour leurs vacances à l’étranger. Le danger est pourtant bien réel, puisque le quart des Canadiens ont déjà eu besoin d’assistance médicale en voyage à l’étranger, souligne l’assureur dans son sondage.
Les voyageurs sans assurance justifient leur décision en se disant déjà couverts par un régime public ou au travail, ou encore, par carte de crédit. D’autres allèguent les primes trop élevées. Enfin, des participants estiment peu probable qu’ils aient besoin de soins médicaux. « Nous avons constaté que beaucoup de Canadiens se croyaient couverts, alors qu’ils ne l’étaient pas et qu’ils sous-estimaient le cout d’un accident », dit Julie Barker-Merz , vice-présidente et directrice générale de BMO Assurance.
Elle estime que les frais médicaux peuvent s’élever à 20 000 $ US pour une jambe cassée, par exemple, lors d’une simple sortie de ski d’un weekend au Vermont. Se faire rapatrier au Canada depuis la Floride en ambulance aérienne coutera jusqu’à 15 000 $. « Et ce n’est qu’aux États-Unis. En Thaïlande, traiter le mal de décompression peut couter jusqu’à 40 000 $ », ajoute-t-elle.
Directrice des ventes et du développement de Croix Bleue du Québec, assurance voyage, Joanne Parent mentionne aussi les frais médicaux ou de transport exorbitants qui peuvent survenir aux États-Unis ou à l’étranger. Par exemple, il en coutera environ 50 000 $ pour être rapatrié de Paris à Montréal. « Ce sont les économies d’une vie qui s’envolent », dit-elle.
Posséder une assurance voyage donne d’ailleurs accès à des services d’assistance qui peuvent s’avérer cruciaux à l’étranger. « Que faire quand on a un accident de la route en Thaïlande, qu’on est blessé et qu’on ne parle pas la langue. On va où? C’est à ça que sert l’assistance voyage », ajoute Mme Parent. Elle signale aussi les limites de l’assurance collective. « Elles offrent de moins en moins l’assurance voyage. Ce n’est pas une garantie si prisée des employés, comme les soins dentaires ou les médicaments. Elle est souvent la première qu’un employeur retirera de la couverture collective. Par conséquent, seule une bonne assurance voyage individuelle peut garantir au voyageur qu’il sera pris en charge immédiatement et que la couverture sera suffisamment étendue pour que l’assuré n’ait pas à payer de sa poche », considère Mme Parent.
RBC Assurances Voyage arrive à des conclusions similaires à celle des recherches de BMO et du Conference Board. « Quatre Canadiens sur 10 qui planifient un voyage à l’extérieur du Canada dans les 12 prochains mois n’ont pas prévu acheter de l’assurance voyage », a révélé Martha Turnbull, directrice des réclamations en assurance voyage, auto et maison chez RBC Assurances. Elle remarque aussi le sentiment d’invincibilité qui anime les plus jeunes et l’ignorance généralisée.
« Les gens croient qu’ils ont une couverture ailleurs, mais ne connaissent pas le montant maximum ou les exclusions, ni pour combien de jours ils sont couverts. Vous devez valider les bénéfices que vous avez avant de partir, en appelant votre assureur en collectif, en vérifiant en ligne la couverture de votre carte de crédit », dit Mme Turnbull.
Les conseillers principaux distributeurs
Les conseillers ont le devoir de sensibiliser leurs clients à risque aux voyages sans filet de sécurité, et, selon les données du Conference Board of Canada, ils s’en acquittent bien. Le réseau de courtage s’impose dans le créneau de l’assurance voyage, révèle les recherches. Les courtiers et les compagnies d’assurance se sont établis comme les principaux fournisseurs d’assurance voyage, indique l’étude.
Les ventes de polices individuelles d’assurance voyage ont amorcé une croissance marquée en 2006, qui ne s’est pas démentie depuis. Celle-ci a atteint 10,2 % en 2011 par rapport à 2010, selon dernières données disponibles, soit 5,2 millions de polices en 2011, contre 4,7 millions, en 2010. L’Ontario a compté pour 35 % des nouvelles primes; le Québec, pour 25 %, et la Colombie-Britannique, pour 22 %. En 2012, la prime moyenne par assuré a atteint 97,86 $, une hausse de 64 % par rapport à la prime moyenne de 1995.
Les conseillers ne sont pas seuls. De son côté, le réseau de distribution par Internet croît rapidement. Le sondage du Conference Board indique qu’un voyageur sur quatre a acheté son assurance voyage en ligne en 2012, comparé à seulement 5 %, en 2005. Le sondage indique aussi que 40 % des voyageurs munis d’un mobile lors de leur voyage outre-frontière en 2013 se sont dit à l’aise de s’en servir pour acheter leur assurance voyage.
Internet n’exclut toutefois pas les conseillers. Il les alimente, même, a révélé Mimi Martin, propriétaire du cabinet distributeur Risques Spéciaux MRM. « 90 % des ventes de nos courtiers passent par Internet. Ils ont tous leur propre portail. Nos ventes d’assurance voyage croissent, grâce à Internet. » MRM distribue, entre autres, des produits maison pour voyageurs, expatriés, visiteurs et étudiants au Canada. Leur risque est souscrit auprès d’AIG et de la Financière Manuvie. Le réseau de MRM compte 400 conseillers actifs à travers le Canada.
Les jeunes sont le moteur derrière cette croissance, a observé Mme Martin. « Les 30 à 45 ans commencent à être conscients des risques, en raison des nombreuses campagnes télévisées. Ils savent que la carte-soleil couvre peu et ce segment achète son assurance voyage principalement par Internet », dit-elle.
Président de l’agent général spécialisé en assurance voyage Ingle International et du fournisseur d’assistance Novus Santé, Robin Ingle croit aussi que le marché des jeunes est en croissance. Les étudiants canadiens à l’étranger y comptent pour beaucoup, selon lui. « Plusieurs établissements d’enseignement s’assurent que leurs étudiants sont assurés, lorsqu’ils étudient à l’étranger, même s’ils ne font que traversier la frontière », affirme M. Ingle.
Cela redouble, selon lui, le besoin pour des conseils professionnels. « Souvent, les jeunes ne regardent pas ce qu’ils achètent. Ils ne seront pas couverts pour les sports et des activités dangereuses, comme le bungee. Ils ne seront pas couverts pour telle ou telle région à risque », dit le spécialiste.
Le marché des snowbirds se montre aussi fort prometteur pour le réseau des conseillers. Sa population a crû annuellement d’environ 5 %, depuis 2000, selon le Conference Board, qui estime à 1,2 million le nombre de Canadiens qui se qualifieront de snowbirds, en 2013.
« Les snowbirds accordent une grande valeur à la relation qu’ils entretiennent avec leur courtier. Bien que plusieurs effectuent des recherches en ligne, c’est avec leur courtier qu’ils achètent leur assurance voyage. Ils apprécient leur expertise et leurs conseils qui les assurent qu’ils ont la bonne couverture », soutient Erin Finn, directrice de la souscription de RSA Assurance voyage.
Le sondage du Conference Board indique une autre tendance dans ce marché : les séjours des snowbirds raccourcissent. Ils partent plus souvent et moins longtemps. Le nombre de séjours d’une durée de 31 à 60 jours a augmenté de 163 % entre 2000 et 2011, alors que le nombre de séjours d’une durée de plus de 90 jours a augmenté de 119 % durant cette période. Les snowbirds qui partent entre 31 et 60 jours sont âgés de 65 ans et plus dans 59 % des cas.
Les membres de Desjardins couverts pour un court séjour
La tendance vers les voyages de plus courte durée touche tous les segments de la population. « Depuis juin, tous les membres du Mouvement Desjardins bénéficient d’assistance voyage, incluant une couverture pour des voyages d’une durée de trois jours et moins. Notre but est de couvrir le plus de personnes possible qui partent pour des courtes durées. Nous offrirons des rabais à ceux qui partent pour une durée supérieure. Par exemple, un membre qui part une semaine (soit huit jours en termes d’assurance voyage) bénéficie alors d’une prime d’assurance pour une durée de cinq jours », explique François Morel.
Les recherches de RSA ont pour leur part démontré qu’un segment de snowbirds plus jeunes et moins traditionnels émerge. « Ces gens recherchent des destinations moins traditionnelles, plus exotiques et plus éloignées. Il y a eu une augmentation sensible des voyages outremer parmi ces snowbirds », fait remarquer Mme Finn.
Une recherche du Conference Board démontre que le nombre des voyages hors Canada entrepris par les snowbirds, ailleurs qu’aux États-Unis, ont crû de 134 %, entre 1998 et 2011. Les voyages aux États-Unis ont crû de 71 %. Les États-Unis demeurent toutefois l’endroit privilégié, avec 705 000 voyages en 2011, contre 378 000 pour les autres régions hors Canada.
Le Conference Board désigne aussi le tourisme médical comme une occasion de croissance pour l’assurance voyage. Dans son sondage de février 2013, l’organisme a découvert que 842 000 Canadiens ont voyagé hors Canada, dans les 12 derniers mois, pour obtenir des soins médicaux ou dentaires non couverts par leur régime public. Selon Statistique Canada, les Canadiens ont dépensé 409 millions de dollars (M$), en 2011, pour des soins médicaux reçus hors Canada.
Desjardins a cerné une autre tendance avec une offre lancée en 2012 : une couverture intergénérationnelle sur sa carte Visa Or Odyssée. « Cette carte permet d’assurer automatiquement les petits-enfants qui voyagent avec leurs grands-parents. C’est une tendance qu’on constate sur place en visitant d’autres pays », a observé M. Morel.