Les résultats préliminaires d’une étude longitudinale de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail (OSMET) révèlent une prévalence importante des atteintes à la santé mentale. L’OSMET tire ce constat du premier cycle de son étude sur la santé et le mieux-être au travail. Ont participé à ce premier cycle 90 milieux de travail canadiens et leurs employés. Il s’est échelonné du 10 avril 2019 au 8 avril 2021. L’étude doit porter sur une période de cinq ans.
Les résultats du premier cycle de l’étude ont aussi permis de constater qu’un peu plus d’une personne sur trois rapporte des problèmes de détresse psychologique. Aussi, les personnes interrogées pendant la pandémie de la COVID-19 montrent une prévalence de détresse psychologique plus élevée.
De plus, les femmes rapportent davantage de problèmes liés à la santé mentale, comparativement aux hommes. « Globalement, les femmes ont entre 27 % et 69 % plus de chances que les hommes de rapporter des atteintes à la santé mentale », précise le communiqué émis sur les résultats par Croix Bleue Medavie, l’un des quatre partenaires qui soutiennent l’étude.
Selon l’OSMET, les employés plus jeunes (18-34 ans) semblent plus à risque pour les symptômes de dépression, alors que les personnes âgées de 50 ans et plus vivent moins de problèmes reliés à la santé mentale.
L’effet du retour
« Il est certain que la pandémie a non seulement déstabilisé les travailleurs tant au niveau professionnel que familial et personnel, mais il sera intéressant d’observer les effets d’un retour à la normale sur les travailleurs canadiens », a déclaré Alain Marchand, directeur de l’OSMET et professeur titulaire à l’Université de Montréal. L’Observatoire est né d’une collaboration avec la Faculté des arts et sciences, le Centre de recherche en santé publique et l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.
M. Marchand ajoute que retrouver son milieu de travail et ses collègues ne se fera pas sans crainte nit anxiété. « En effet, cette étude commencée avant la pandémie aura l’avantage d’observer les effets de changements majeurs dans les habitudes de travail, d’un éventuel retour sur le lieu du travail et des effets à long terme. »
Bientôt d’autres statistiques
En entrevue au Portail de l’assurance, Alain Marchand a révélé que des résultats issus du deuxième cycle de l’étude seraient bientôt disponibles. « Nous avons commencé la collecte du deuxième cycle, et cette mesure devrait se terminer au printemps. Nous ne voyons pas toutes les entreprises en même temps. Pour certaines entreprises, le cycle 3 est déjà commencé », explique-t-il.
M. Marchand précise qu’une entreprise contactée dans un cycle donné sera recontactée un an plus tard, au cycle suivant. Le chercheur dit avoir pu maintenir un nombre de quelque 3 000 participants à chaque cycle malgré la défection de quelques employés à chaque cycle. Le protocole stipule que ces employés ne seront pas recontactés, mais l’OSMET peut contacter d’autres employés qui n’avaient pas déjà participé.
En regard des résultats préliminaires récoltés au cycle 1, Alain Marchand a dit que la plus grande prévalence de la détresse observée chez les jeunes et les femmes n’était pas surprenante. La tendance était déjà bien documentée avant la pandémie, dit-il. « Ce qui est un peu plus important, c’est de voir l’ampleur de ces statistiques maintenant. » M. Marchand fait allusion à la détresse déclarée par les gens interrogés pendant la pandémie par rapport à ceux qui l’ont été avant.
« Lorsque nous reprendrons la photo, nous nous attendons à voir une diminution des symptômes de détresse », prévoit le directeur de l’OSMET. Il rappelle que la pandémie est un événement particulier qui a suscité la panique générale dans la population, suivie d’une adaptation. « Les gens se sont habitués à un environnement où il y a un virus », rappelle-t-il.
La mesure du temps
Dans le cadre de ses travaux, l’OSMET dit mettre à la disposition des entreprises un catalogue des meilleures pratiques en santé et mieux-être au travail qui visent à soutenir leur prise de décision en milieu de travail, et ainsi d’atteindre un taux d’absentéisme plus faible.
« Une des grandes forces de cette étude longitudinale est de pouvoir suivre des employés et des entreprises à travers le temps », a ajouté M. Marchand lors de l’entrevue. Cette perspective permet selon lui de voir comment les milieux de travail évoluent à travers le temps, et de mesurer un ou deux ans plus tard les effets des actions que posent les entreprises aujourd’hui.
Étude soutenue par l’industrie
Outre Croix Bleue Medavie, l’étude de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail compte parmi ses partenaires fondateurs Solutions Mieux-être LifeWorks, McKesson Canada et Pratt & Whitney Canada. « Les données et réflexions issues de l’étude de l’OSMET nous offrent une excellente occasion de réévaluer les ressources et les solutions que nous proposons à nos adhérents pour nous assurer qu’elles demeurent pertinentes et significatives, surtout dans les circonstances de la pandémie », a déclaré Marthe Cloutier, conseillère en régimes d’assurance collective de Croix Bleue Medavie.
En entrevue avec le Portail de l’assurance, Mme Cloutier a rappelé que l’industrie parlait déjà beaucoup de la santé mentale, avant que la pandémie n’envenime le problème. « Une des bonnes choses de l’étude longitudinale est qu’elle a commencé avant la pandémie et se poursuivra après, de sorte que nous pourrons voir son impact, ses vagues successives et ses courbes », dit-elle.
Des solutions préventives
La charge mentale a beaucoup augmenté durant la pandémie, poursuit la conseillère en régimes collectifs. « La santé mentale est l’impact numéro un », ajoute-t-elle. « Chez certains de nos clients, jusqu’à 40 % des invalidités surviennent en raison de troubles de santé mentale alors qu’avant la pandémie c’était plus entre 25 % et 30 % », révèle Mme Cloutier.
Elle ajoute que Croix Bleue Medavie a adapté ses produits en conséquence, ajoutant par exemple des services de thérapie cognitivo-comportementale par Internet (TCCI). Selon Mme Cloutier, la thérapie virtuelle permet de faire tomber des barrières à la consultation, dont les coûts, la difficulté d’accès et la crainte de stigmatisation. Elle explique que l’accent porte de plus en plus sur les programmes d’autogestion des problèmes de santé mentale.
Marthe Cloutier explique que plusieurs autres solutions existent pour prévenir et intervenir en santé mentale dans les milieux de travail. Parmi elles, le programme d’aide aux employés (PAE), la médecine personnalisée et la couverture de soins de psychologues, travailleurs sociaux et psychothérapeutes.
La prévention des problèmes de détresse psychologique et d’épuisement professionnel est possible à partir d’interventions ciblées, fait valoir de son côté l’OSMET, à la lumière des résultats préliminaires de l’étude. « Une approche intégrée qui met en place des pratiques de gestion favorisant le contrôle des conditions de travail, la communication, la conciliation travail-famille et la santé de la personne pourra assurément donner des résultats positifs pour protéger la santé des employés et permettre à l’entreprise de mieux contrôler ses problèmes d’absentéisme et de présentéisme au travail », relate Alain Marchand dans le communiqué.
Nommé directeur d’un institut
Lors de l’entrevue qu’il a accordée au Portail de l’assurance le 24 février, Alain Marchand a mentionné qu’il venait d’être nommé directeur de la recherche à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail. Il continue toutefois de diriger l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail.
Sur son site, l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail précise être un organisme paritaire privé et sans but lucratif. Il ajoute que son conseil d’administration est composé d’un nombre égal de représentants d’employeurs et de travailleurs. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) lui fournit la majeure partie de son financement, à même les cotisations qu’elle perçoit des employeurs.