La Cour d’appel du Québec rejette le pourvoi de l’assureur Continental Casualty Company (CNA Canada) qui contestait le jugement de première instance qui le forçait à indemniser un fabricant et distributeur de produits congelés. Ce dernier approvisionne les magasins-entrepôts de la chaîne Costco Canada

La Cour d’appel a rejeté l’appel de l’assureur le 16 janvier dernier. L’assureur désirait infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2022. Le juge Marc St-Pierre de la Cour supérieure avait alors condamné CNA Canada à payer la somme de 1 311 358,52 $ à Nature's Touch Frozen Foods, qui distribue des produits congelés préparés spécialement pour Costco. 

Un microbe pouvant causer l’hépatite A a été détecté dans un de ses produits. En conséquence, Costco a organisé une campagne de vaccination auprès des quelque 9 000 personnes qui ont ingéré le produit avant d’avoir été jointes par le détaillant. Les frais de vaccination ont été réclamés à Nature's Touch Frozen Foods. 

L’assureur du distributeur a été mis en cause et il a assumé la compensation par le règlement d’actions collectives au Québec et en Ontario pour les dommages causés aux individus. Une partie de la compensation allait aux personnes qui avaient ingéré le produit et qui avaient été vaccinées, mais qui n’ont pas eu de symptômes. 

La compagnie d’assurance a aussi payé les frais accessoires encourus par le distributeur en vertu d’une couverture spéciale. Cependant, CNA Canada a refusé de rembourser les frais de vaccination que le distributeur a volontairement remboursés à Costco, en faisant valoir des exclusions au contrat, notamment celle prévue au troisième sous-paragraphe de l’article 2 de la section sur les exclusions à la garantie. 

Les microbes 

En Cour d’appel, l’assureur (l’appelante) concède que le distributeur (l’intimée) a démontré que les frais réclamés sont généralement couverts par la police d’assurance générale en responsabilité civile à titre de dommages corporels. CNA Canada soutient que le juge de première instance aurait erré en droit en refusant de reconnaître l’application de l’exclusion prévue au contrat, concernant les microbes. 

L’assureur a reconnu l’existence d’une couverture d’assurance à l’égard des dommages réclamés par le biais d’une action collective au nom de l’ensemble des consommateurs qui ont ingéré le produit contaminé, sans égard au fait qu’ils aient été ou non infectés. 

Selon le juge St-Pierre, même s’il n’a pas été démontré que les personnes vaccinées avaient toutes été infectées, cela ne représente pas un motif d’exclusion. De plus, il conclut que l’exclusion invoquée par l’assureur est ambiguë et doit être interprétée en faveur de l’assurée. 

La Cour d’appel ne partage pas la totalité de l’analyse du juge de première instance, mais elle estime à bon droit que l’exclusion avancée par la compagnie d’assurance ne s’applique pas. 

Le tribunal d’appel rappelle les étapes d’interprétation des polices d’assurance et le fardeau imposé aux parties à chacune des étapes. Tout doute subsistant au terme de l’analyse doit être résolu en faveur de l’assuré s’il s’agit d’un contrat d’adhésion. De plus, la garantie est interprétée de manière large et les exclusions de manière étroite. 

L’assureur soumet que le texte de l’exclusion concernant les champignons et les microbes est clair et que la proposition vise à exclure les frais de la campagne de vaccination mise en place par Costco pour répondre à la contamination des produits du distributeur. CNA Canada fait valoir l’exclusion concernant les pertes, frais et coûts découlant des actions visant à éradiquer la présence ou les effets des microbes.

Selon la Cour d’appel, prétendre que la vaccination tombe sous le couvert de cette exclusion revient à vider de son sens l’exception à cette exclusion prévue pour les entreprises de transformation alimentaire.

De plus, l’interprétation faite par l’assureur n’est pas compatible avec la définition de dommages corporels de la police, laquelle inclut les soins résultant des dommages corporels subis par l’assurée ou toute autre personne. 

Caractère déraisonnable 

La Cour d’appel juge déraisonnable d’exiger la démonstration que toutes les personnes vaccinées ont été infectées par le virus pour reconnaître qu’il s’agit d’un tel soin. La vaccination a été administrée dans le but de réduire les symptômes d’infection et rend ainsi illusoire la possibilité de confirmer si la personne vaccinée a été infectée ou pas. 

De plus, ajoute la Cour d’appel, le texte de la police réfère expressément au risque d’ingestion de microbes aux dommages corporels. 

Même si l’interprétation de la police avait amené le tribunal à considérer que le texte de l’exclusion n’était pas ambigu, la Cour d’appel serait parvenue à la même conclusion, soit le rejet de l’application de cette exclusion en raison de la règle contra proferentem*

* Si le contrat n’est pas clair, la partie qui l’a rédigé sera désavantagée lorsqu’il s’agira d’en faire respecter les termes.