L’Indice de mieux-être financier (IMF) s’est établi à -2,3 à l’automne 2021. Il s’agit d’un recul par rapport au score de mieux-être financier enregistré à l’été, selon le rapport de l’IMF de Solutions Mieux-être LifeWorks.
L’année avait pourtant bien commencé. Après avoir enregistré un score de -2,8 à l’hiver 2021, l’IMF a connu deux améliorations successives : au printemps (-2,2), et à l’été (-1,6). L’IMF résulte d’un sondage de 3 000 Canadiens réalisé du 3 au 14 décembre 2021. Il est publié tous les trois mois, depuis janvier 2021. L’indice compare les scores obtenus aux données de référence recueillies en 2019.
Selon le rapport de LifeWorks, le repli de l’indice à l’automne 2021 démontre que la santé financière des Canadiens demeure grandement affectée par la pandémie et le nouveau variant Omicron. Globalement, les scores ont chuté dans tous les domaines du mieux-être financier, sauf en ce qui a trait à l’incidence des finances sur la productivité, qui a connu une modeste amélioration.
Les participants qui ont des enfants obtiennent un score de mieux-être financier inférieur à celui des participants qui n’en ont pas, révèle l’IMF. Depuis son lancement, les femmes obtiennent des scores de mieux-être financier considérablement inférieurs à ceux des hommes. À l’automne 2021, le score de mieux-être financier des femmes se situait à -4,1 comparativement à -0,6 pour les hommes.
Les ménages qui déclarent un revenu annuel de 30 000 $ ou moins obtiennent le score de mieux-être financier le plus faible (-13,4), soit plus de 10 points sous le score pancanadien. Les participants qui signalent une baisse de salaire par rapport à la période précédente ont le score de mieux-être financier le plus faible (-16,1). Ils sont suivis de ceux qui signalent une diminution de leurs heures de travail (-14,0). Les gestionnaires obtiennent un score de mieux-être financier légèrement inférieur (-2,5) à celui des non-gestionnaires (-2,1).
L’inflation pèse sur les résultats
Associé solutions retraite et financières de LifeWorks, Yann Lussier interprète le repli de l’Indice de mieux-être financier comme un reflet de l’environnement qui sévissait au moment du sondage « Nous étions en début de cinquième vague et depuis la fin de 2021, l’environnement économique et les médias soulèvent les questions d’inflation », a-t-il expliqué en entrevue avec le Portail de l’assurance.
M. Lussier signale que les réponses des participants démontrent une bonne compréhension de l’inflation, ce qui laisse selon lui sous-entendre que leur niveau de préoccupation a augmenté par rapport à leurs finances. L’inflation a un impact significatif sur les dépenses de transport, d’épicerie et autres. « Les gens se rendent compte que le niveau des dépenses augmente significativement, alors que la hausse des revenus est assez limitée ou décalée, signale M. Lussier. Il y a une perte du pouvoir d’achat et une dégradation de la capacité financière. Je pense que ces points ont eu une incidence directe sur la baisse de nos indicateurs. »
Stigmatisation
La situation financière peut avoir une incidence négative sur l’estime de soi et la réputation professionnelle, ajoute le rapport. Les participants disent dans une proportion de 63 % qu’ils auraient une perception négative d’eux-mêmes si leur situation financière était précaire. Ainsi, 39 % des Canadiens croient que leurs pairs au travail les jugeraient négativement s’ils savaient qu’ils ont des problèmes financiers. Dans une proportion de 35 %, les Canadiens s’inquiètent de l’incidence qu’une mauvaise situation financière aurait sur leur carrière si leurs pairs le savaient.
Yann Lussier se remémore à quel point la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale était forte il y a 10 ans. Selon lui, les gens sont aujourd’hui moins réfractaires à consulter ou obtenir de l’aide en santé mentale, même si la stigmatisation demeure importante.
Or, elle affecte plus de deux Canadiens sur trois face aux problèmes financiers. « Nous avons constaté dans l’indice que la stigmatisation au niveau financier est le double de celle que nous observons dans notre Indice de santé mentale. De 30 % à 35 % des gens croient que parler d’un problème de santé mentale aurait une incidence sur la perception de leurs pairs ou sur l’évolution de leur carrière. Dans l’Indice de mieux-être financier, 63 % pensent que les gens auraient une perception négative s’ils savaient que leur situation financière est précaire », révèle l’associé de LifeWorks.
Gênés de contacter un conseiller
Selon le rapport de l’IMF, 70 % des Canadiens n’ont pas consulté un conseiller financier au cours des 12 derniers mois, et les membres de ce groupe affichent un score de mieux-être financier inférieur (-5,3) par rapport aux 30 % qui ont en consulté un (4,7). M. Lussier estime que la société a mis beaucoup d’énergie sur les enjeux de santé mentale, et qu’il reste cet éléphant dans la pièce qu’est la stigmatisation des problèmes financiers. « Nous l’avions perçu dans le passé, et c’est encore la même chose cette fois ! Que faudra-t-il faire pour que les gens commencent à prendre en main leur situation financière et règlent leurs problèmes ? »
Dans l’Indice de mieux-être financier de l’automne 2021, les participants au sondage ont été 23 % à dire que la gêne les empêche de demander des conseils financiers, révèle aussi l’indice.
Les membres de ce groupe obtiennent un score de mieux-être financier considérablement plus bas (-15,6) que la moyenne globale (-2,3). Les gestionnaires sont 70 % plus susceptibles que les non-gestionnaires d’indiquer qu’ils seraient gênés de demander des conseils à un conseiller financier. Les participants qui ont des enfants sont 60 % plus enclins que ceux qui n’en ont pas à dire qu’ils seraient gênés de demander des conseils à un conseiller financier.
La mauvaise santé financière n’est pas qu’une affaire individuelle, pense Yann Lussier. Elle entraîne stress et absentéisme et son incidence sur le travail est majeure, croit-il. « Les entreprises devront davantage prendre la santé financière en charge. »
Problème systémique
Yann Lussier l’avait dit lors de son apparition au Congrès de l’assurance de personnes en novembre 2021 à titre de conférencier sur les enjeux liés à la retraite et au mieux-être financier. Il l’a redit dans la présente entrevue : les employeurs doivent songer à promouvoir des plateformes numériques en mesure d’agir comme coach financier auprès des employés.
C’est en réseautant avec des conseillers en marge de l’événement qu’il dit avoir réalisé cette nécessité. M. Lussier rappelle que les conseillers et les planificateurs financiers ont besoin de se créer un bassin de clients qui leur assurera d’être rémunéré à la juste valeur de leur travail. « Ils sont plus attirés par les clients mieux nantis, qui ont de l’argent à gérer. Mais ce ne sont pas nécessairement ceux qui vivent les plus grands enjeux au niveau des finances. Il y a comme un genre de problème systémique. Les planificateurs financiers ne travailleront pas gratuitement. »
C’est là que les organisations entrent en jeu, selon M. Lussier. « Je prône que les employeurs trouvent les moyens de soutenir leurs employés, en faisant la promotion de programmes. Des conseillers numériques ou des plateformes peuvent alors être mis à la disposition des employés, et contribuer à améliorer le bilan des employés qui en ont besoin parce qu’ils sont confrontés à des enjeux, mais n’ont pas accès au soutien d’un conseiller », a-t-il dit.
Conseillers dédiés et IA
Yann Lussier prend en exemple les services conciergerie financière. M. Lussier explique que l’employeur rend alors une équipe de planificateurs financiers accessible aux employés. Une entreprise de taille suffisante pourrait instaurer une équipe de planificateurs financiers qui travaillent pour l’organisation. Autrement, une entreprise pourrait envisager de s’associer à institution financière pour offrir un service de conciergerie à ses employés.
Il y a moyen de pallier certains enjeux de façon numérique, croit aussi M. Lussier. Ces plateformes sont encore à leur début et l’intelligence artificielle en fera partie, selon lui. Il ajoute que LifeWorks a lancé en avril 2021 un outil qui aide les employés à évaluer leur mieux-être financier. Il est offert à ses employés et à ses organisations clientes.
« Souvent, on ne va pas bien, mais on ne sait pas pourquoi. À partir de l’évaluation fournie par l’outil, nous pourrons identifier les enjeux financiers et proposer un parcours guidé à l’employé », explique-t-il. Si l’employé vit un problème de gestion de la dette, l’outil l’accompagnera avec de l’information, lui suggérant par exemple de rembourser d’abord ses cartes de crédit, et ensuite les autres dettes à intérêt élevé. « Si la consolidation de dette est possible, nous indiquerons combien l’employé peut économiser en frais d’intérêt en y recourant », commente l’associé, solutions retraite et financières de LifeWorks.