Comment réagit l’industrie de l’assurance face à la propagation de la COVID-19 ?
Alors que le coronavirus secoue la planète, l’assurance voyage est le secteur de l’industrie enregistrant le plus de mouvements. D’autant plus que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que nous faisons face à une pandémie. Mais aussi que les États-Unis ont fermé leur espace aérien aux avions en provenance de l’Europe.
À la Journée de l’assurance de dommages, tenue le 10 mars au Palais des congrès de Montréal, certains participants jouaient du coude et du pied pour se saluer plutôt que de se serrer la main, pour se protéger autant que possible du virus.
Intact Assurance a dédié une équipe pour suivre la situation. « Nous prenons les mesures nécessaires pour la sécurité de nos employés et nous suivons la situation de près, puisqu’elle évolue rapidement. Il est donc effectivement possible que nous reportions des rencontres d’envergure et non essentielles puisque nous souhaitons jouer proactivement notre rôle de citoyen corporatif afin de contribuer à limiter les risques de propagation », a commenté sa porte-parole Marie-Hélène Lafond, à l’intention du Portail de l’assurance.
Le Portail de l’assurance a aussi appris de bonne source que l’Institut d’assurance reportera son gala annuel de Montréal, qui était initialement prévu le 19 mars. Le conseil d’administration de l’organisme s’est réuni en urgence ce matin, le 12 mars, et a pris cette décision. L’évènement sera tenu à une date ultérieure, qui n’a pas encore été déterminée. L’annonce officielle du report se fera dans les prochaines heures.
Plusieurs entreprises publient aussi des guides-conseils pour limiter la propagation du coronavirus, allant de grands courtiers en assurance de dommages aux firmes de restauration après-sinistre. À titre d’exemple, Hub a créé un centre de ressources sur le Web pour dispenser ses conseils et constats. Groupe Qualinet vient de produire un guide à l’intention des Québécois sur comment limiter la propagation de la COVID-19. Hors Québec, l’Association des courtiers de fonds mutuels du Canada (MFDA) a aussi fait de même plus tôt cette semaine en publiant un guide à l’intention de ses membres.
Les perspectives des assureurs
La firme de notation DBRS Morningstar a produit deux rapports sur l’impact de la propagation du coronavirus sur les assureurs. L’un porte sur l’assurance de dommages à travers le monde, l’autre sur l’assurance de personnes au Canada.
Pour ce dernier, afin d’établir ses pronostics, DBRS a tablé sur le fait que l’impact de la propagation du coronavirus devrait être modéré chez les assureurs, à tout le moins ceux cotés en Bourse. « Les assureurs vie canadiens ont mis en place des mesures de mitigation pour faire face à une éventuelle récession causée par l’éclosion de la COVID-19. Ils font régulièrement face à des tests de résistance de leurs activités, ce qui inclut des prévisions de mortalité accrue découlant d’une vaste pandémie. »
Les analystes de DBRS font aussi remarquer que le taux de mortalité des gens atteints du coronavirus demeure faible. Ce sont surtout les gens de 70 ans et plus qui en décèdent.
« Un assureur vie qui souscrit des polices traditionnelles comme de l’assurance vie entière se doit d’avoir de bonnes réserves de capitaux advenant un scénario où il y aurait de nombreuses réclamations. Il est trop tôt pour dire comme le virus se propagera et c’est pourquoi on suit la situation », indiquent-ils dans leur rapport diffusé le 11 mars.
Assurance de dommages : un évènement économique avant tout
Pour ce qui est de l’assurance de dommages, les analystes de DBRS Morningstar disent s’attendre à ce que l’évènement en soit avant tout un d’ordre économique, qui ne générera pas nécessairement un grand nombre de réclamations. Ceux-ci ne ferment toutefois pas la porte à ce que certains assureurs affichent des pertes de souscription au cours des prochains mois.
« L’impact le plus immédiat pour les assureurs de dommages sera dans l’évaluation de leurs investissements. La volatilité actuelle pourrait avoir un effet à cet égard. Des réclamations pourraient se faire dans certaines niches, comme l’annulation d’évènements et l’assurance voyage, ou dans certaines industries, comme celle des soins hospitaliers, du tourisme, du transport et du divertissement », peut-on lire dans un rapport diffusé le 12 mars.
Ne pas assumer que le pire surviendra
Alors, face à tout cela, les dirigeants en assurance doivent-ils presser le bouton panique ? Dans une note rédigée le 9 mars, des analystes de la firme de consultation McKinsey invitent les dirigeants d’entreprise à ne pas assumer que le pire arrivera. Car de multiples scénarios peuvent survenir, allant d’un contrôle rapide de la propagation à une sévère correction sur les marchés boursiers. Une chose est certaine selon eux, les prochaines phases de la propagation sont incertaines.
Trois facteurs seront à surveiller pour mesurer la propagation de la COVID-19, soulignent-ils. Tout d’abord, comment gérer le fait que plusieurs personnes touchées par le coronavirus n’ont à peu près pas de symptômes, rendant encore plus difficile la détection des cas ? « Combien seront détectés ? 80 % des cas ? 50 % des cas ou encore seulement 20 % ? »
Puis, est-ce que cette propagation sera seulement saisonnière ? Les analystes de McKinsey font remarquer que la saisonnalité n’empêche pas des animaux de transporter des coronavirus au gré des saisons. « Les humains ont été immunisés d’une telle chose jusqu’à maintenant, pour des raisons que la recherche scientifique n’a pas encore réussi à expliquer. »
Finalement, pendant combien de temps les personnes asymptomatiques peuvent-elles transporter le virus ? Combien de temps doivent-elles être incubées ? « Si le transfert asymptomatique du COVID-19 est un conducteur important de l’épidémie, des mesures de santé publique devront être prises. »
Une action concertée pour protéger l’économie
L’éclosion du COVID-19 a joué les trouble-fêtes sur les marchés boursiers, qui sont en dents de scie depuis quelques jours. Le réassureur Swiss Re, dans sa plus récente mise à jour économique, qualifie le tout de « choc soudain pour l’économie. »
Ses analystes s’attendent ainsi à ce que l’économie entre en récession pour une courte période de temps. L’évolution de la situation de santé publique pourrait les faire changer d’avis sur la gravité de la situation, précisent-ils toutefois.
« L’éclosion du coronavirus est un test de résilience macroéconomique, l’économie mondiale est moins résiliente aux chocs qu’elle ne l’était en 2007, vanta la crise boursière survenue un an plus tard. Certaines économies ont peu de marge de manœuvre depuis ce temps, en Europe notamment. Ce qui fait en sorte que les récessions que ces économies nationales vivent peuvent être deux fois plus longues que pour un pays qui équilibre mieux ses finances. Comme l’Europe est particulièrement touchée par la propagation de la COVID-19, c’est préoccupant. »
Le Canada est-il mieux protégé ? Le pays figure au deuxième rang du classement des pays de l’indice de résilience économique établi par le Swiss Re Institute et la London School of Economics Macroeconomic. Seule la Suisse précède le Canada. Au troisième rang y figurent les États-Unis.
Donc, que faire à partir de maintenant ? « Plus que jamais, une réponse monétaire concertée est essentielle vu la faible résilience de l’économie mondiale. Des mesures moins orthodoxes que de coutume devront possiblement être considérées, mais une croissance plus soutenue pourrait en découler. On ne s’attend pas à une reprise en V, soit une chute drastique suivie d’une hausse rapide et marquée », indiquent les analystes de Swiss Re.