Un nouveau rapport de l’Institut C.D. Howe indique qu’il existe peu de données probantes pour orienter l’élaboration des politiques concernant les réseaux de pharmacies privilégiées (RPP). Les arguments en sa défaveur, toutefois, reposeraient principalement sur des opinions, des théories et des preuves anecdotiques en provenance des États-Unis. En résumé, l’auteur du rapport (en anglais) intitulé Friend or Foe? Preferred Pharmacy Networks and the Future of Drug Benefits in Canada affirme que les interdictions des RPP, comme c’est le cas au Québec, ne sont pas étayées par les preuves actuelles.
« Les RPP au Canada sont principalement utilisés pour distribuer des médicaments spécialisés coûteux par l’intermédiaire de pharmacies sélectionnées qui acceptent de réduire leurs frais en échange de volumes plus élevés. Bien que certains aient suggéré que les RPP augmentent la concentration du marché, il existe peu de preuves de préjudices généralisés envers les petites pharmacies indépendantes », écrit-il.
Il poursuit : « Les acteurs du secteur pharmaceutique ont averti que l’utilisation des RPP est le dernier exemple d’une évolution du système canadien d'assurance médicaments vers le modèle américain. Cependant, le système canadien est structurellement différent, ce qui rend peu probable une dérive vers les dysfonctionnements du modèle américain. »
Aux États-Unis, trois conglomérats intégrés verticalement dominent le marché des prestations pharmaceutiques, tandis que les fabricants de médicaments de marque ont rapidement augmenté leurs prix catalogues afin de préserver leurs marges. « Il existe des preuves que les gestionnaires de prestations pharmaceutiques (GPP) ont récupéré la majeure partie de ces augmentations de prix sous forme de remises confidentielles », note le rapport. « Les prix élevés des médicaments et des pharmacies créent une demande supplémentaire pour que les trois grands GPP négocient des remises sur les prix. Cette dynamique renforce encore la domination du marché des trois grands GPP. »
Or, le système canadien est notablement différent, selon l’auteur, et ce de plusieurs façons. D'abord, la moitié de la couverture des médicaments au Canada est administrée publiquement par des régimes d’assurance médicaments gouvernementaux qui n’utilisent pas de RPP. Il n’existe pas la même intégration verticale, ce qui limite les possibilités pour les assureurs d'orienter leurs activités vers des pharmacies internes. (Le rapport examine en profondeur l’utilisation des RPP au Canada.)
De plus, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) du gouvernement fédéral plafonne les prix catalogues des nouveaux médicaments brevetés et permet seulement aux fabricants d’augmenter leurs prix en fonction de l’inflation après le lancement. « Les assureurs privés négocient des remises confidentielles sur les prix catalogues des médicaments brevetés, mais ces remises sont jugées modestes. »
Le rapport de l’Institut C.D. Howe examine également l’impact des RPP fermés pour les médicaments spécialisés sur les petites pharmacies indépendantes au Canada ainsi que l’impact de ces RPP fermés sur la santé des patients.
L’expansion des RPP est peu probable au Canada
Le document détaille comment l’expansion des RPP est peu probable au Canada, étant donné qu'ils se concentrent sur les médicaments spécialisés nécessitant une formation et des infrastructures spécifiques. « Il semble improbable que toutes les pharmacies communautaires engagent les coûts nécessaires pour administrer ces médicaments, étant donné que plus de 98 % des bénéficiaires des régimes ne les utilisent pas. Ainsi, même avec une interdiction des RPP, il semble que de nombreuses pharmacies orienteraient les patients vers une pharmacie spécialisée pour obtenir au moins certains médicaments spécialisés. L'interdiction des RPP ne permettra donc pas automatiquement d'uniformiser les règles du jeu. »
Le rapport souligne également qu’il est peu probable que les RPP soient étendus à tous les médicaments, car les économies réalisées sur la marge bénéficiaire sont limitées pour la plupart des ordonnances délivrées. « Une marge bénéficiaire de 13 % sur un médicament biologique qui coûte 200 000 $ représente 26 000 $. Les employeurs et autres promoteurs de régimes sont manifestement disposés à signer des ententes exclusives pour réduire ces frais. Cependant, plus de 75 % des ordonnances sont délivrées avec des médicaments génériques. En 2024, le coût moyen d’une ordonnance délivrée avec un médicament générique, y compris les marges bénéficiaires et les frais de dispensation, était de 22,53 $. »
Certains acteurs du secteur pharmaceutique ont soutenu que les risques pour la santé liés à la fragmentation des soins sont si graves que les RPP devraient être interdits. « Étant donné le peu de données empiriques accessibles au public sur les risques pour la santé liés aux RPP fermés pour les médicaments spécialisés, il est difficile d'évaluer les affirmations des différentes parties prenantes », indique l'auteur du rapport. « L'interdiction de tous les RPP fermés pour des raisons de santé n'est pas justifiée », conclut-il.