La Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) craint que la réouverture de la loi 188 casse le processus de distribution en assurance de dommages, par le fait que le gouvernement puisse ouvrir la porte à différents régimes d’encadrement.
C’est ce qu’a confié Maya Raic, PDG de la Chambre, en entrevue au Journal de l’assurance. L’entretien a eu lieu au lendemain du dépôt du mémoire de l’organisme d’autoréglementation (OAR) dans le cadre de la consultation du Rapport d’application sur la Loi sur la distribution des produits et services financiers.
« Ce qu’il y a de majeur dans le Rapport d’application concerne le professionnalisme des membres. Ça ouvre la porte à ce que le consommateur fasse affaire à des régimes différents d’individus. Certains seraient soumis à un examen d’entrée, un code de déontologie et serait jugée par des pairs dans un comité de discipline, alors que d’autres n’auraient pas ces obligations », dit Mme Raic.
Pourtant, ces critères définissent ce qu’est un professionnel, dit la PDG de la Chambre. « C’est aussi d’avoir un code de déontologie uniforme pour l’ensemble de la profession. S’il n’y a plus de code de déontologie universel, on vient casser cela. On brise la responsabilité accrue du professionnel, qui était justement au cœur de la refonte de la loi en 1998. Pourquoi la questionne-t-on maintenant? », dit Mme Raic.
La PDG de la Chambre précise que ce questionnement concerne présentement les agents et employés des assureurs. Elle se dit toutefois convaincue que ce questionnement se fera aussi pour les courtiers dans le futur.
« C’est un recul pour l’industrie, mais aussi pour la confiance du public envers l’industrie. Le professionnel est le lien et la clé de cela », dit-elle.
Mme Raic ajoute que Monsieur et Madame Tout-le-monde ne parlent pas à Intact Assurance ou à Desjardins Assurances. Ils parlent à un individu certifié.
« Si l’industrie tire la plogue sur le professionnalisme des membres, c’est là qu’elle va péricliter. C’est ce qu’on vient mettre en péril. Tout le reste autour devient périphérique. Si on ouvre la porte à ce que les employés des assureurs soit encadré par les assureurs, tous ces joueurs de l’industrie vont perdre leur statut de professionnel », dit-elle.
3 propositions pour alléger le fardeau règlementaire
Une des principales positions du Rapport d’application est d’alléger le fardeau règlementaire, notamment en abolissant les OAR, telle que la Chambre. Dans son mémoire la Chambre se dit en accord avec le principe d’alléger le fardeau règlementaire, mais sans que ça vienne diminuer la protection du public. La Chambre y rejette du revers de la main la perspective de disparaitre.
Elle préconise plutôt de devenir un OAR unique, s’occupant de l’inspection de l’ensemble des cabinets. La Chambre s’occupe actuellement de l’inspection des cabinets de 24 représentants et moins, alors que l’Autorité des marchés financiers inspecte les cabinets de 25 représentants et plus.
Pour alléger le fardeau règlementaire, la Chambre fait trois propositions dans son mémoire. Selon la Chambre, une révision de l’ensemble de la loi pourrait se faire pour que celle-ci soit moins imposante.
« Le processus d’adoption d’une loi étant plus lourd que celle d’un règlement, cette situation freine la capacité du régulateur à s’adapter aux tendances de l’industrie, aux enjeux de protection du public et donc d’intervenir de façon plus efficace. Plusieurs dispositions actuellement dans la loi pourraient faire partie de règlements qui bénéficient d’un processus d’adoption plus souple », indique la Chambre dans son mémoire.
Par ailleurs, la Chambre fait remarquer qu’il existe une vingtaine de règlements qui compte en moyenne plus d’une trentaine d’articles chacun. « Certains règlements mériteraient une révision qui mènerait à leur simplification, voire à leur élimination, mais toujours en se fondant sur le critère suivant : est-ce que ce règlement est utile à la protection du public? », propose la Chambre.
Troisième proposition : mettre sur un comité de l’Autorité, de la Chambre et de l’industrie pour étudier les différents éléments pour alléger le fardeau règlementaire.
Une règlementation actuelle trop lourde
Selon Mme Raic, la règlementation actuelle est trop lourde, mais il y a aussi des manques. Notamment en ce qui concerne la distribution par Internet, qui n’y existe tout simplement pas.
« On pourrait plutôt énoncer des principes généraux dans la loi. Le gouvernement ne serait pas obligé de tout refaire aussitôt qu’il y a un changement quelconque. Le cadre général, c’est la loi. Avoir un cadre plus souple pour faire face aux nouvelles réalités qui se présentent nous semble une avenue intéressante. C’est un gros chantier, mais puisque nous sommes en mode révision de la loi, ça pourrait être le bon moment pour le faire. Ça permettrait d’agir de façon plus proactive et innovante », dit la PDG de la Chambre.
L’OAR a aussi voulu contrecarrer l’argument du gouvernement prétextant qu’il n’y avait pas d’OAR similaire au Québec ailleurs dans le Canada, où l’encadrement est jugé moins lourd. La Chambre, à la fin de son mémoire, a produit un tableau répertoriant l’encadrement des professionnels d’assurance de dommages dans chaque province.
« Il n’y a peut-être pas d’ordres professionnels dans les autres provinces, mais elles ont toutes quelque chose qui y ressemble. C’est ce qu’on a voulu démontrer », dit Mme Raic.
Quant au double encadrement, il s’agit d’un mythe selon la PDG de la Chambre. « L’Autorité est l’organisme règlementaire qui a tous les pouvoirs, mais elle peut confier des mandats à des OAR ayant une spécialité dans leur domaine. Il n’y a pas de dédoublement », dit-elle.
La Chambre a analysé la question. Elle indique dans son mémoire que depuis la création du comité de discipline en 2000, 342 représentants certifiés ont été disciplinés. Depuis la création du Bureau de décision et de révision en 2004, 20 dossiers concernant l’assurance de dommages ont été traités pour des manquements relatifs aux activités du cabinet. Dans six de ces dossiers, des certifiés ont été disciplinés par le comité de discipline de la Chambre pour des manquements à leur code de déontologie.
« S’il y a eu des recoupements, ce n’est pas une norme, mais une exception. Il y a deux organismes, mais on ne se pile pas sur les pieds », dit Mme Raic.