Les vastes ressources du Mouvement Desjardins. L’intelligence artificielle. La concurrence des prix. Ce sont les adversaires qu’André Roy identifie en tant que courtier.
Pour le PDG de PMT Roy, le projet de loi 141, qui a accouché de la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières, est une évolution du projet de loi 188, qui lui a donné naissance à la Loi sur la distribution des produits et services financiers. Il affirme que le projet de loi 141 répare des iniquités créées par le projet de loi 188.
Il s’est impliqué dans le débat, particulièrement avec l’Alliance pour un courtage plus fort. Publiquement, il était peu présent. Il assure toutefois que les députés du Québec ont rapidement appris son nom. Il souligne que sans le compromis intervenu entre le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) et l’Alliance pour modifier le libellé de la loi, certaines choses auraient pu compliquer la vie des courtiers.
Pour lui, le projet de loi 188 a permis d’accélérer la perte de parts de marché de courtage en assurance des particuliers. La même chose s’en vient en assurance des entreprises, anticipe-t-il. D’où l’importance pour le courtier de miser sur sa valeur ajoutée.
Simplicité, rapidité et publicité
Il affirme qu’il y a trois chantiers où les assureurs directs, et plus particulièrement le Mouvement Desjardins, ont excellé au cours des dernières années. « Les assureurs directs ont été plus disponibles que les courtiers de par la simplicité à faire affaire avec eux. Ils ont aussi été plus rapides. Sans compter qu’ils ont fait beaucoup plus de publicité que les courtiers. Ils ont bien réussi. »
Il croit que ces phénomènes s’accentueront avec la montée de l’intelligence artificielle. « Si on s’en tient au modèle traditionnel du courtage, on s’en va vers une perte plus rapide de clientèle. L’intelligence artificielle donnera une disponibilité et une rapidité accrue par le biais du Web. Les moyens que se donnent Desjardins et les autres assureurs directs sont des moyens que nous n’avons pas. »
Le PDG de PMT Roy en donne pour exemple l’investissement de 400 millions de dollars (M $) du Mouvement Desjardins dans sa plateforme en assurance des entreprises. « Où puis-je prendre cela ? Jamais dans ma vie je ne vais ramasser cela. Je ne peux même pas rêver d’avoir les ressources pour aller le chercher. Je dois pourtant développer les systèmes pour concurrencer ces grandes machines. Je dois aussi avoir les ressources humaines. Si je ne faisais que copier ce que fait la concurrence, je ferais une erreur. Je dois me démarquer autrement. »
Le problème des 4 offres
M. Roy affirme qu’il était primordial de lutter contre la proposition du gouvernement d’imposer au courtier de proposer quatre offres d’assureurs différents. Pourquoi ? Parce que M. Roy proposait exactement quatre offres à ses clients avant que le Mouvement Desjardins ne vienne chambouler le paysage québécois de l’assurance de dommages au début des années 1990.
« J’offrais à chaque client les produits de quatre assureurs : AXA, Laurentienne Générale, Aviva et l’Union Canadienne. Je devais maintenir huit systèmes informatiques pour ces assureurs, parce que chaque assureur avait un système pour l’assurance automobile et un autre pour l’assurance habitation. Sans compter mon système de gestion de courtage. Sans compter mon logiciel de tarification. Il fallait aussi calculer le cout de reconstruction d’une habitation à partir d’un autre système », relate-t-il.
Au total, il devait gérer onze machines. « Mes employés étaient toujours bloqués. Soit ils ne se souvenaient plus comment réaliser une certaine opération dans l’un des systèmes, soit ils n’avaient pas les bons codes. Ça n’en finissait plus. En plus qu’il devait magasiner la prime du client. Les systèmes étaient trop lourds. On n’en voyait pas la fin. »
« Magasiner une prime est-il le vrai rôle du courtier ? »
L’évolution du marché a ainsi amené les courtiers à offrir un prix au client au lieu d’une protection. « En travaillant simplement sur la prime, on déplaçait le client chez un autre assureur, mais il y perdait des protections, parce que le nouvel assureur ne les acceptait pas. Ce n’est pas le travail du client d’être au courant des protections qui peuvent lui être offertes. C’est le travail du courtier. Comme un mécanicien sait que les voitures ont évolué et qu’il a besoin de nouveaux instruments. »
M. Roy ajoute que le courtier sait que la société a évolué, que ce soit avec les cyberrisques, l’assurance crédit, le vol d’identité ou encore avec la possibilité de se protéger contre les inondations. « Le rôle du courtier, c’est de bien assurer son client. S’il veut que ça coute plus ou moins cher, c’est à ce dernier de décider. Mon rôle est de m’assurer de répondre à ses besoins. Je dois rester à l’affut de l’évolution de ses besoins, mais aussi d’avoir la compétence pour y répondre. C’est ma mission. Le quidam ne peut le faire. C’est ce que je dois démontrer à mon client ou à mon client éventuel. »
Ce qui veut aussi dire qu’André Roy souhaite que son entreprise prouve que son service est supérieur à ce que peut offrir l’intelligence artificielle. Il doit d’ailleurs l’expliquer à son client, dit-il.
« Sonnet utilise fort bien l’intelligence artificielle. Le client ne peut toutefois soupçonner toute la complexité qui se retrouve dans le conseil qu’on lui offre. Ça revient aux trois facteurs qui ont fait le succès des assureurs directs : la rapidité, la simplicité et la publicité. Je n’ai pas les moyens de les concurrencer en technologie. C’est pourquoi j’ai un actionnaire qui est versé dans ces choses et qui investit en recherche et développement. »
Il est bien connu que cet actionnaire est Intact Assurance. PMT Roy est d’ailleurs l’un des 13 cabinets de courtage faisant partie des courtiers Virage, pour lesquels Intact fournit des outils et réalise des économies d’échelles à leur bénéfice.
M. Roy rappelle que le Groupe Commerce, l’ancêtre d’Intact, a été le premier assureur à courtage à faire de la publicité. PMT Roy était alors un courtier ayant une entente financière avec son grand rival AXA Assurances. « On les enviait », affirme-t-il.
Une affiliation qui a un cout
M. Roy révèle que son affiliation à Intact ne vient pas sans cout. Il doit cotiser en partie aux frais pour accéder à des initiatives comme le centre d’appel virtuel d’Intact (CAVI).
« Jamais je n’aurais pu me payer cela seul. Avec un gros assureur qui a les moyens, j’ai pu contrebalancer 20 ans de décroissance en assurance des particuliers. Le CAVI représente 35 % de mes nouvelles ventes en 2017 en assurance des particuliers. Ce sera similaire en 2018. Si je n’avais pas cela, je serais en décroissance en assurance des particuliers. C’est ce qui me permet d’être optimiste pour le futur. »
M. Roy reconnait que le prix à payer pour gagner cette efficacité en assurance des particuliers a été de diminuer le nombre d’assureurs qu’il représente dans ce segment. « Notre offre respecte ce que la loi indique. On simplifie nos systèmes informatiques. Malgré tout, j’espère que les autres assureurs simplifieront aussi leurs systèmes. Notre rapidité n’est pas au même niveau que celle des assureurs directs. »
Répondre en 5 minutes au lieu de 30
M. Roy souligne qu’un client qui appelle chez lui pour obtenir une protection devra passer entre 20 et 30 minutes au téléphone avec un courtier. S’il va chez un assureur direct, il n’attendra pas plus de 15 minutes, selon M. Roy. Sur le Web, ce temps diminue entre 5 et 8 minutes.
« Mon adversaire, maintenant, ce sont ces 5 à 8 minutes. Il faut que mes assureurs à courtage développent des logiciels d’intelligence artificielle qui me permettent de les concurrencer sur la rapidité. La simplicité me reviendra ensuite, car je pourrai répondre tout de suite au client. »
Investir là où ça fait une différence pour le client
Il révèle d’ailleurs que PMT Roy investit présentement des centaines de milliers de dollars dans ses systèmes informatiques et téléphoniques. « On ne le fait pas pour réaliser des gains opérationnels. On le fait pour mettre l’argent où ça fera une différence pour le client. »
M. Roy dit aussi investir substantiellement dans le service à la clientèle. À titre d’exemple, chaque employé de PMT Roy œuvrant en ventes et auprès des clients a suivi une formation de 48 semaines en service à la clientèle.
Il maintient que sans son partenariat avec Intact, il lui serait impossible de réaliser cela. « Même à 250 employés, je ne peux tenir la coupe face à ce que peut investir Desjardins. Les 400 M $ de dollars qu’ils investissent dans leur plateforme en assurance des entreprises ne vient pas des profits qu’ils font en assurance de dommages. C’est l’ensemble du Mouvement qui finance cela. »
Son message aux courtiers : évoluez !
Il implore ainsi les courtiers d’évoluer dans leurs façons de faire. « Un entrepreneur ne peut penser que l’évolution, c’est pour les autres. L’intelligence artificielle aura un impact sur toute la société. Un entrepreneur ne peut se dire que son entreprise demeurera la même dans cinq ans. »
M. Roy dit pourtant parler à des propriétaires de cabinets qui ont cette philosophie. Il s’en désole.