L’année 2005 montre un ralentissement plus marqué que jamais dans les ventes d’assurance maladies graves sous l’angle des nouvelles primes. Autre indicateur de la santé d’un marché d’assurance, le nombre de polices vendues a même reculé pour la première fois! Effet de la hausse des primes? Oui, disent des joueurs majeurs.Avec une croissance de 1% en 2005 par rapport à 2004, les ventes d’assurance maladies graves au Canada, en ce qui a trait aux nouvelles primes, enregistrent leur plus faible gain depuis des lustres. C’est ce que révèle le dernier rapport confidentiel de LIMRA sur les ventes de maladies graves au Canada en 2005, dont le Journal de l’assurance a obtenu copie.

C’est une baisse marquée par rapport à 2004, où les nouvelles primes vendues en maladies graves étaient de 11% supérieures à celles de 2003. Il s’agit aussi de la plus faible croissance des ventes de maladies graves en matière de primes depuis 1999. Pour certains joueurs, la chute est radicale.

L’assurance maladies graves avait pourtant habitué l’industrie à une croissance soutenue et « dans les deux chiffres » depuis son lancement dans le marché canadien au milieu des années 90 (Voir encadré L’évolution des ventes…).

Deux des trois plus gros joueurs en ce qui concerne les parts de marché ont d’ailleurs reconnu que leurs ventes de polices d’assurance maladies graves avaient diminué en 2005 et que la hausse des primes en est la cause. Tous les autres assureurs interrogés par le Journal de l’assurance nient tout recul ou ralentissement.

La moitié des joueurs ont effectivement réussi à connaître une croissance de leurs ventes entre 2004 et 2005, montre le rapport de LIMRA. Sous le couvert de l’anonymat, un spécialiste chevronné du marché émet l’hypothèse que les compagnies qui ont eu les meilleures ventes en 2005 sont souvent celles qui ont tardé à implanter leur hausse de tarifs. Hypothèse qui n’a été ni confirmée ni infirmée par nos sources.

Vice-président adjoint protection du vivant chez Canada-Vie, Joe Wellman observe une « stabilisation des ventes » après que l’annonce d’une hausse des primes eut entraîné une ruée vers le produit à la fin de 2004 et au premier trimestre de 2005. Selon le rapport de LIMRA, Canada-Vie a vu ses ventes de primes maladies graves reculer de 14% l’an passé par rapport à 2004.

David Baker, de la Financière Sun Life, a remarqué le même phénomène. « Après la ruée, il y a eu ralentissement lorsque les hausses sont entrées en vigueur. C’est un phénomène naturel qui survient chaque fois que les prix augmentent », révèle le directeur des produits de santé individuels. Chez Sun Life, les ventes de primes ont reculé de 3%, indique le rapport de LIMRA.

AIG Vie trône en tête de liste avec une chute de 50% de ses primes vendues entre 2004 et 2005, révèle LIMRA.

L’Industrielle Alliance a vu les ventes de ses primes décroître de 10%. La tendance à la baisse n’a pas non plus épargné Desjardins Sécurité financière (DSF), dont les ventes ont fléchi de 3% en 2005 toujours par rapport à 2004.

Toutefois, des joueurs ont été épargnés et certains ont même montré des ventes de nouvelles primes à la hausse. En tête de liste, figure Empire Vie avec une croissance de 52%, suivi de près par RBC Assurances qui affiche une hausse des nouvelles primes de 44%. La Financière Manuvie et Great-West ont vu leurs nouvelles primes croître respectivement de 12% et 18%.

Le nombre de polices vendues constitue un autre signe que le marché se refroidit.

En 2005, le vent a tourné pour une première fois à ce chapitre et l’industrie a vendu 3% moins de polices qu’en 2004. D’ailleurs, en 2004, LIMRA annonçait que le nombre de polices vendues par rapport à 2003 était en hausse de 3%. L’année 2005 marque donc la première décroissance du nombre de polices vendues depuis 1999.

Encore là, certains joueurs d’envergure dans le domaine ont connu de fortes déconvenues.

C’est l’assureur AIG Vie qui affiche à nouveau la pire note avec une chute des ventes de polices de 47% entre 2004 et 2005, toujours selon le rapport de LIMRA.

Canada Vie et Great West ont pour leur part vu le nombre de polices vendues baisser respectivement de 17% et 5% entre 2004 et 2005, rapporte LIMRA.

À la Financière Manuvie, on accuse une baisse de l’ordre de 9% quant au nombre de polices vendues entre 2004 et 2005. Quant à la Financière Sun Life, elle a vu ses ventes de polices décroître de 6% durant la même période de comparaison, révèle le document. Et chez Industrielle Alliance, LIMRA annonce une diminution du nombre de polices vendues de 14%.

Malgré tout, LIMRA montre que d’autres joueurs tirent mieux leur épingle du jeu. C’est le cas de RBC Assurances et de Desjardins Sécurité financière qui rapportent des ventes à la hausse, relativement au nombre de polices. Le premier annonce une augmentation de 33%, tandis que chez le second, on parle de 10%.

Or, un fait intéressant se dégage. Malgré les ventes en baisse du nombre de polices, certaines compagnies ont tout de même accru le montant total des primes vendues en 2005. (Voir tableau Les ventes d’assurance maladies graves des dix plus gros joueurs…).

C’est le cas notamment de Financière Manuvie, de Great-West et de Empire Vie.

Cet écart entre le nombre de polices vendues et le montant total des primes en 2005 s’explique par les augmentations moyennes de 15 à 20% qu’ont connues les primes en 2004, disent plusieurs. En effet, même si moins de polices ont été vendues, le montant total des primes a peu souffert puisque chaque nouvelle police rapporte plus avec la hausse des tarifs.

RBC Assurances est le seul joueur à avoir connu une hausse considérable des ventes de polices, soit de 33%, et à avoir vu en même temps grimper en flèche le montant total de ses ventes de primes, montre LIMRA.

Le remboursement de primes fait vendre

Alors que les ventes affichent une décroissance, les polices assorties d’un avenant de remboursement de primes, ont permis de gonfler les résultats en 2005 chez certains assureurs.

Ainsi, AIG qui a enregistré de faibles performances en 2005 par rapport à 2004 a cependant vu le nombre de polices d’assurance maladies graves vendues avec remboursement de primes croître de 111% durant la même période observée, indique LIMRA.

RBC Assurances a pour sa part réalisé une augmentation de 41% des ventes de polices avec remboursement de primes pour la même période de comparaison, ajoute le document. Chez Standard Life, cette hausse se situe à 18%.

En revanche, l’Industrielle Alliance n’a pas bénéficié du vent en poupe qu’ont les remboursements de primes. L’assureur a vendu 17% moins de polices offrant cet avenant en 2005 qu’en 2004.

Parmi les assureurs qui ne figurent pas au classement des dix plus gros joueurs en assurance maladies graves, La Capitale a aussi vu ses ventes avec avenant de remboursement de primes chuter de 23% en 2005 par rapport à 2004, rapporte le document de LIMRA. La Capitale avait aussi vu ses ventes de primes reculer de 18% durant la même période.

Joe Wellman estime quant à lui que les remboursements de primes aident à gonfler les ventes du produit. Au moment de l’augmentation des primes, l’assureur a d’ailleurs ajouté toute une gamme de remboursements de primes à son produit de maladies graves, se donnant ainsi de nouvelles armes pour attirer une clientèle plus jeune, explique M. Wellman. « Nous avons un avenant qui, après dix ans, rembourse une partie des primes. Certaines personnes aiment le remboursement de primes car il les récompense d’être resté en bonne santé », constate-t-il.

Pour sa part, David Baker est d’avis que le remboursement de primes rend l’assurance plus attrayante malgré le prix. « Lorsque les clients voient le prix du produit, ils se disent que s’il ne leur arrive rien de fâcheux, ils pourront récupérer leur mise », explique-t-il.

La popularité des remboursements de primes auprès de la clientèle est telle que Sun Life a senti l’obligation d’ajouter deux nouvelles options à son produit en janvier 2006 afin de s’ajuster au marché. « Nous avons ajouté deux options : le remboursement de 100% des primes payées disponibles après 15 ans et 100% à 65 ans. Ce sont les caractéristiques les plus en vogue dans le marché », souligne M. Baker. Il compte donc sur ces améliorations pour mousser les ventes en 2006.

À La Capitale, Catherine Montminy, responsable des développements, prestations du vivant, estime à près de 90% de ses ventes totales les polices maladies graves assorties d’un avenant de remboursement de primes.

Toutefois, Mme Montminy a noté une légère augmentation de la vente de polices maladies graves sans remboursement de primes. C’est probablement dû à l’augmentation des primes, indique-t-elle. Le remboursement de primes constitue en effet un ajout coûteux à une police d’assurance maladies graves.

Note discordante chez Great-West. Même s’il admet que le remboursement de primes attire les clients, Michael Byrne, vice-président adjoint marketing, protection du vivant, estime que l’industrie se doit d’utiliser d’autres arguments pour vendre ce type de polices contre les maladies graves.

« Les clients sont attirés par les remboursements de primes. Mais l’industrie doit cesser de mettre l’accent sur cette option [pour vendre] car l’assurance maladies graves n’est pas un produit d’investissement », lance-t-il.
M. Byrne pense qu’il est grand temps de commencer à vendre les maladies graves en s’attachant tout particulièrement à l’analyse des besoins financiers des gens en cas de maladie.

Même si la hausse des prix aura probablement fait mal à l’assurance maladies graves, ce marché est confronté à d’autres défis. C’est notamment le cas du manque de formation des conseillers, considéré comme un frein à la croissance des ventes dans le marché canadien depuis les débuts du produit.

Parmi les tendances qui vont se dégager en 2006, la formation et l’éducation des conseillers figurent d’ailleurs en tête de liste chez les assureurs, selon les sources contactées.

Fraîchement enbauché au sein de Desjardins Sécurité financière, à titre de consultant spécialiste en produits de santé, assurance pour les particuliers, Sean Long s’est vu confier la mission de faire connaître les produits santé de la compagnie hors Québec. Et la formation sera de mise, avertit le spécialiste qui a déjà conseillé Suisse de réassurance lors de l’implantation du produit au Canada dans les années 90.

DSF mise gros sur ce développement et est prêt à investir dans l’éducation, indique M. Long. Les courtiers ne seront toutefois pas les seuls à bénéficier de formation. « Nous tiendrons davantage de rencontres et de forums avec le public », lance-t-il.

Aucun doute non plus pour John Parker, vice-président adjoint, marketing à la Financière Manuvie, que l’industrie doive relever ses manches et aller de l’avant avec la formation des courtiers. « Nous voulons gruger des parts de marché. Pour ce faire, il est possible que chaque compagnie ait sa stratégie propre, mais je pense que dans l’ensemble, elles vont se tourner vers la formation et une meilleure connaissance du produit », croit M. Parker.

La formation est aussi un incontournable pour David Baker de Sun Life. Selon lui, comme l’industrie passe principalement par le réseau du courtage pour distribuer ses produits de maladies graves, il importe qu’elle s’attelle à former ceux qui sont aux premières lignes avec le client.

Un signe que cette formation présente des lacunes, c’est que les conseillers n’ont pas encore suffisamment fait connaître le produit auprès du public. « Les Canadiens ne connaissent toujours pas les assurances maladies graves, pas plus qu’ils n’ont une idée des coûts réels des couvertures médicales en général », déplore-t-il.

Or, ce sont souvent les conseillers eux-mêmes qui se plaignent du manque de formation offerte par les compagnies. Great-West partage d’ailleurs l’avis des courtiers à cet égard.

L’assureur veut vraiment « axer les ventes de polices maladies graves sur les besoins fondamentaux des clients [et pas uniquement sur l’accès aux soins à l’étranger ou le remboursement] », révèle Michael Byrne. Seuls les conseillers bien formés pourront faire passer ce message à leur client avec succès, croit-il. L’assureur offre d’ailleurs des formations à travers le pays grâce aux 26 centres dont il dispose et à ses 70 spécialistes.

Quant à Canada-Vie, sa compagnie sœur, elle offre des séminaires bimensuels à ses agents généraux et tient même des « cliniques de maladies graves », auxquelles participent médecins, agents, souscripteurs et personnes affiliées au marketing, explique Joe Wellman.

Catherine Montminy partage aussi l’avis des conseillers lorsque ceux-ci disent manquer de formation. Mais elle s’interroge sur la responsabilité de fournir cette formation. « La question est de savoir si c’est à l’assureur de donner la formation à un conseiller indépendant qui vend pour plusieurs compagnies », dit-elle.

La Capitale ne ferme toutefois pas la porte à la formation. Mme Montminy précise que le lancement de nouveaux produits prévu pour l’automne sera conjugué à une période de formation spécifique.

Version toujours prisée sur le marché, l’assurance maladies graves pour enfants est encore à l’honneur. Parmi d’autres, Desjardins Sécurité financière a lancé la sienne le 24 avril dernier.

L’assurance pour enfants couvre les 25 maladies pour adulte ainsi que les complications graves causées par quatre maladies infectieuses : virus du Nil, maladie de Lyme, infection à E. Coli et infection à la bactérie mangeuse de chair. Elle offre aussi une protection pour trois maladies infantiles: la fibrose kystique, l’autisme et le syndrome de Rett. Une protection contre le diabète de type 1, la paralysie cérébrale et la dystrophie musculaire est aussi disponible en option.

Les services de Best Doctors, système de référence consistant à une liste de médecins présélectionnés, sont aussi fournis.

En outre, l’enfant aura le choix de se prévaloir d’un remboursement de primes à l’âge adulte, libre d’impôt ou bien de maintenir sa police en vigueur. La police comprend aussi une garantie de remboursement de primes au décès.

Quant à La Capitale, elle lancera deux nouveaux produits de maladies graves cet automne, dont un destiné aux enfants. « En 2006, on veut repositionner toute notre gamme de produits de maladies graves car nous avons seulement un T75. On voit que les gens vendent plus de T100 avec protection en cas de perte d’autonomie », lance Mme Montminy.

Les autres innovations pourraient bien voir l’avènement de plus de produits à primes non garanties. Bien que personne n’ait souhaité se commettre à ce sujet, la plupart des assureurs interrogés « restent ouverts » à cette éventualité.

Les produits à primes non garanties permettent d’offrir l’assurance maladies graves à moindre coût, mais présentent le désavantage que les primes payées par l’assuré augmentent avec le temps. Bien des courtiers ne sont pas chauds à ce genre de produit.

AIG n’a pas répondu à notre demande d’entrevue au moment de mettre sous presse. Quant à RBC Assurances, l’assureur a décliné notre invitation à commenter l’évolution des ventes dans ce segment de l’industrie.