Au cours de la dernière année, plusieurs assureurs aux entreprises ont eu de la difficulté à gérer le flot de travail que leur demandaient les courtiers. Plusieurs bannières ont ainsi développé ou cherchent encore à trouver des solutions pour contourner ce manque d’efficacité des assureurs.
Pierre Boisvert, président de la bannière AssurExperts, dit avoir vu un assureur qui n’avait pas encore ouvert la soumission d’un courtier après 40 jours. Au bout de 60 jours, cet assureur classait ses soumissions en fonction du taux de fermeture de ce courtier auprès de lui. Un courtier ayant un taux de fermeture de 35 % auprès de cet assureur voyait donc sa soumission être traitée avant celui qui avait 1 % de taux de fermeture.
Il y a beaucoup d’améliorations à apporter du côté des assureurs en ce qui a trait à leur efficacité. « C’est pourquoi nous sommes amenés à jouer un rôle différent. Au lieu de leur reprocher de ne pas faire des choses, nous les faisons », dit-il.
Il donne en exemple le service d’émission qu’AssurExperts a mis en place pour ses courtiers. La bannière traite la soumission en 24 heures et l’émission se fait ensuite à l’intérieur de 48 heures.
« Nous avons un succès très fort avec nos cabinets à cet effet. C’est la septième année qu’on fait cela, et c’est le service le plus apprécié chez nous. Ça coute cher en personnel et ça demande beaucoup de travail, car nous déterminons le prix et nous émettons la police. Nous le faisons à cause des retombées parallèles et nous couvrons nos couts quand même. Nous voulons élargir la bannière, ce qui est exigeant. Nous faisons donc les bouts que nous pouvons. C’est ce qui fait la valeur de notre bannière », dit M. Boisvert.
M. Boisvert ajoute qu’un petit cabinet n’a pas nécessairement les ressources pour faire face à tout. « Il n’a pas l’écoute ou la portée que peut avoir une bannière. Certains dirigeants de grands cabinets m’ont même dit qu’ils n’ont pas le pouvoir de négociation que nous avons face aux assureurs. La bannière est plus importante qu’elle n’a jamais été », dit le président d’AssurExperts.
Alain Du Sault, président d’Intergroupe, ne cache pas que le manque d’efficacité des assureurs est un problème. Il associe la chose à un recrutement passif des assureurs en souscription.
« Auparavant, les assureurs préparaient toujours deux ou trois souscripteurs pour prendre la relève de leurs meilleurs éléments. Avec les exigences liées à leur rentabilité, c’est disparu. Lorsqu’un souscripteur cesse ses activités, prend sa retraite ou tombe en maladie, les assureurs viennent vite débordés. Le temps de réponse de nos assureurs est devenu un problème. Ils sont en recrutement réactif et non proactif », dit M. Du Sault.
Il souligne que si un assureur revient avec sa soumission trop tard, il peut perdre le risque. « Vu cette lenteur, le courtier pourra avoir décidé d’y aller avec le premier assureur qu’il a contacté. Il peut avoir choisi une prime à 10 000 $ alors que l’autre assureur aurait pu revenir avec une prime de 8 000$ mais deux semaines trop tard », dit le président d’Intergroupe.
Pourtant, les assureurs ont de l’appétit pour souscrire des risques. « Les capacités sont là! L’essoufflement vient du côté de la souscription », dit-il.
Michel Duciaume, président d’Assurancia, indique que certains assureurs sont mieux organisés que d’autres. « C’est pourquoi nous prenons les devants et que nous nous positionnons comme bannière. Nous sommes la seule bannière qui s’est positionnée avec une centrale d’appels le soir. C’est un élément positif à présenter à un assureur pour avoir sa part du gâteau », affirme-t-il.
Délais inégaux
Louis Bois, président de Réseau Courtiers Unis, affirme que le manque d’efficacité des assureurs n’est pas lié à un manque de bonne volonté de leur part. « Les délais pour obtenir une soumission sont inégaux. Pour certains, c’est très difficile. Il y a peu de support de la part des assureurs pour les nouveaux cabinets qui démarrent. C’est dommage. On parle quand même de la relève de leur réseau de distribution », dit-il.
Yannick Jetté, président du Groupe Jetté, souligne que, si les cabinets ont de l’efficacité à aller chercher, il en est de même pour les assureurs. « Les représentants ont de moins en moins de temps pour vendre leur salade à leurs cabinets. Ils sont submergés de travail. Il en est de même pour les souscripteurs en assurance des entreprises. Ils ne sont pas toujours en mesure de répondre efficacement. C’est pourquoi, au Groupe Jetté, nous ne voulons pas attendre après les assureurs. Nous voulons leur proposer des choses dès 2015. Ils ont tous de la bonne volonté, mais le temps leur manque », dit-il.
Certains des affiliés de CourtiersNet se trouvent en Floride. Le propriétaire, Mario D’Avirro, y possède d’ailleurs une agence. Il affirme que, côté efficacité, c’est la nuit et le jour entre les assureurs américains et canadiens, notamment en assurance des entreprises.
« Ça fonctionne bien aux États-Unis. Ils sont beaucoup plus efficaces. Tout le monde utilise les mêmes formulaires. Il n’y a plus de papiers et de télécopies dans le processus. Nous recevons nos soumissions au bout de quelques heures. Nous ne comptons pas en journées, comme ici. Et le tout se retrouve directement dans notre système d’agence. Nous sommes à la traine, au Canada. On ne traite pas encore en temps réel, aux États-Unis, mais presque. On y traite pourtant des volumes dix fois plus grands. Pourquoi ne pas utiliser les mêmes normes? L’assurance est identique, que ce soit pour le cautionnement, la responsabilité ou le bris de machines! Mais non, au Canada, chacun a sa propre façon », dit-il.
Pas de ressac
Avec la consolidation des assureurs, Pierre Boisvert, d’AssurExperts, croyait qu’il y aurait un ressac dans le marché. Ce ne fut toutefois pas le cas. « Il y a un manque d’assureurs pour les courtiers, mais aussi un manque de débouchés. Ça va se corriger, car les cabinets vont en souffrir sinon. Quand il y a moins de concurrence, c’est plus facile pour les assureurs d’en profiter », dit-il.
Michel Duciaume, d’Assurancia, abonde dans la même veine. Une autre transaction entre assureurs rendrait plus difficile le métier de courtier, selon lui.
Louis Bois, de Courtiers Unis, ajoute que l’esprit d’entrepreneuriat est ce qui aide le courtage. « Nous ne pouvons toutefois cacher que la concentration des marchés nous affecte beaucoup. Mais le milieu de l’assurance est toujours effervescent. Il se crée toujours de nouvelles occasions. Il continuera à avoir de la croissance dans les cabinets. Les consommateurs souffrent toutefois du manque d’offres », dit-il.