Le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) a récemment approuvé les modalités de distribution proposées par l’Autorité des marchés financiers concernant la société 9317-9687 Québec inc. Le 14 mai dernier, il a maintenu son jugement précédent malgré l’intervention du Groupe d’Avirro.
À l’époque des faits qui lui sont reprochés, la société intimée était inscrite comme cabinet d’assurance de dommages et faisait affaire sous le nom de Évo Assurances*. Cette inscription a été radiée le 10 février 2021.
Le 27 novembre 2023, le TMF avait rendu une décision concernant les manquements du cabinet intimé et ordonné à l’entreprise et à l’institution financière de remettre la totalité des sommes d’argent bloquées dans les comptes bancaires de la société.
La société intimée a commis des manquements aux articles 84 à 86 et 469.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
Le 21 décembre 2023, l’Autorité a publié les modalités de distribution des sommes détenues dans les trois comptes visées par l’ordonnance. Une fois la distribution complétée, les comptes devaient être vides et l’ordonnance de blocage qui les touche allait être levée. La demande a été modifiée par la suite le 9 février 2024.
Le 12 décembre 2023, l’Autorité a reçu de la Banque Scotia, l’institution financière mise en cause, deux chèques aux montants de 22 585,13 $ et de 257 $ US, qui étaient les sommes détenues aux comptes bancaires de la société intimée. Une fois faites la conversion des devises et la soustraction des frais bancaires, le montant net que l’Autorité a déposé était de 22 918,52 $.
Deux intermédiaires financiers, qui faisaient des affaires avec l’intimée dans le cadre de ses activités de courtier en assurance durant la période des faits reprochés, ont subi des pertes en raison des manquements de l’intimée et des ordonnances de blocage qui en ont résulté. Il s’agit de CHES (15,69 % de la créance) et de Primaco (84,31 %) qui, ensemble, détiennent des créances à l’encontre de l’intimée dont le total dépasse un peu la somme détenue par l’Autorité. Les sommes seront versées dans les 45 jours suivant la décision du TMF, datée du 14 mai 2024.
Nouvelle réclamation
En publiant son avis le 21 décembre 2023, l’Autorité a invité tout autre réclamant ayant subi des pertes et voulant faire partie du processus de distribution à se faire connaître dans un délai de 15 jours.
Le Groupe d’Avirro a soumis une réclamation le 9 janvier 2024, une fois le délai expiré. L’Autorité l’a quand même examinée avant de la juger irrecevable, car la perte que prétend avoir subie le Groupe d’Avirro n’est pas attribuable aux manquements commis par l’intimée dans le cadre de la présente affaire.
Le 8 mai, alors que le TMF entendait la demande de l’Autorité concernant la distribution de ces sommes, le Groupe d’Avirro (ou Anfossi Tassé d’Avirro) était présenté comme partie intervenante pour contester les modalités de distribution proposées. La société intimée et la mise en cause (Banque Scotia) ne se sont pas manifestées pour contester la demande de l’Autorité.
Le président de la partie intervenante, Mario D’Avirro, représentait l’entreprise devant le TMF et a déposé une contestation des modalités de distribution datée du 25 janvier 2024.
Une employée comptable du Groupe d’Avirro a témoigné devant le TMF et présenté la preuve au nom de la partie intervenante. En n’étant pas représentée par un procureur, la partie intervenante n’a toutefois pas été en mesure de présenter une plaidoirie pour convaincre le tribunal.
Le Groupe d’Avirro affirme que sa réclamation de 44 054,08 $ représente des primes détournées par les représentants Ramy Attara et Youssef Mouloudi et que le cabinet a versé aux compagnies d’assurance afin de maintenir l’assurance en vigueur pour 33 clients et éviter leur annulation pour non-paiement de la prime.
Youssef Mouloudi a déjà été condamné par le TMF en juin 2022, tout comme Ramy Attara en septembre 2022, en lien avec les mêmes manquements.
Après avoir analysé la réclamation, le TMF constate que celle-ci n’est appuyée par aucun document de synthèse présentant clairement, avec pièces détaillées à l’appui, la liste des montants précis que le Groupe d’Avirro aurait versés à des dates spécifiques à des compagnies d’assurance.
En sus, le TMF ajoute que la partie intervenante n’a soumis aucune preuve pour faire le lien entre sa réclamation et les manquements décrits dans la décision du 27 novembre 2023.
Le tribunal estime que la publication faite des modalités de distribution dans son bulletin du 21 décembre 2023 est conforme aux exigences de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et qu’elle a été faite dans le délai prescrit. Les deux créanciers ont présenté en temps utile une réclamation valide et liée aux manquements.
En conséquence, le TMF estime qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’accueillir les conclusions recherchées par le Groupe d’Avirro et de retarder la finalisation du processus de redistribution des fonds de l’intimée.
L’objectif de ce processus « est de nature réparatrice », indique le tribunal au paragraphe 34 de son jugement. Il vise à corriger une situation causée par les manquements spécifiques de l’intimée. On essaie ainsi de remettre les tiers lésés dans l’état où ils se trouvaient avant la commission des manquements reprochés ou dans l’état où ils auraient dû se trouver si ces manquements n’avaient pas eu lieu.
Ces manquements ont eu lieu en 2018 et 2019, soit il y a déjà cinq ans. Le TMF considère que le processus de redistribution doit être conclu avec célérité. Comme aucune preuve justifiant un report ne lui a été présentée, le tribunal approuve les modalités de distribution proposées par le régulateur.
Long procès
Par ailleurs, le cabinet Anfossi Tassé d’Avirro et son président Mario d’Avirro reviendront devant le tribunal à l’automne 2024. Selon le calendrier des audiences du TMF publié le 30 mai dernier, l’audience au fond commencera le 21 octobre 2024. Pas moins de 14 journées d’audience ont été réservées et la dernière doit avoir lieu le 12 novembre 2024.
Les parties intimées sont visées par une requête de l’Autorité des marchés financiers qui demande au TMF d’imposer des pénalités administratives, d’interdire à M. d’Avirro d’agir comme dirigeant ou administrateur, de radier l’inscription et de retirer les droits d’inscription et d’imposer d’autres mesures propres au respect de la loi.
L’acte introductif d’instance a été déposé par l’Autorité en avril 2022. Plusieurs audiences de gestion ont eu lieu depuis. Les intimés sont représentés par le cabinet d’avocats Stikeman Elliott.
M. d’Avirro, président de la défunte bannière CourtiersNet, n’est plus membre de la Chambre de l’assurance de dommages. Il était visé par une plainte disciplinaire, mais le syndic de la Chambre l’a retirée en 2023.
* Il ne faut pas confondre le cabinet intimé avec un autre cabinet d’assurance de dommages dont la raison sociale est proche, soit Assurances Évolution, établi à Terrebonne.