Une étude récente du Swiss Re Institute permet de documenter l’importance du maintien de la diversité biologique sur la santé humaine. Le simple fait de pouvoir marcher dans des espaces verts, dans un parc ou en forêt a un impact notable sur la santé mentale et physique. Le réassureur estime à 70 milliards de dollars US (G$) par année les économies potentielles associées à la simple marche dans la nature.

Le Sommet des Nations Unies sur la diversité biologique se tient dans la semaine du 11 octobre. Selon le réassureur, les gouvernements doivent augmenter leurs efforts pour atteindre les objectifs établis au Sommet de Rio en 1993 en matière de préservation de la biodiversité, dont l’apport sur la santé humaine est inestimable.

Selon l’auteur de l’étude « Biodiversity and the benefits for human health », Oliver Schelske, on prévoit déjà qu’en 2050, les deux tiers de la population mondiale habiteront dans des agglomérations urbaines. « Déjà aujourd’hui, bien des gens ont un accès limité aux espaces verts et ressentent les effets négatifs associés à la polution de l’air et par le bruit associé à la vie urbaine. Notre étude vise à prouver que le fait d’augmenter la biodiversité en augmentant les superficies couvertes par les parcs et les forêts urbaines apporte des bénéfices immédiats pour la santé de tout le monde », dit-il.

L’étude veut chiffrer ces bénéfices associés aux espaces verts en ville et suggérer des solutions à l’industrie de la réassurance. Selon le chercheur principal à l’Institut Christoph Nabholz, « l’amélioration de la santé reliée au temps passé dans la nature est un avantage indiscutable tant pour la société que l’économie ».

Il suffit de penser à l’effet des mesures de confinement imposées par la pandémie de COVID-19 sur la santé pour démontrer cette affirmation, ajoute M. Nabholz. « En conséquence, il faudrait considérer que tous les espaces verts ont une valeur aussi importante que les biens privés ou publics », dit-il. Les assureurs peuvent contribuer à encourager l’utilisation des espaces verts en protégeant par exemple les parcs urbains et le verdissement des toitures.

Une étude faite auprès de 3 000 résidents de Tokyo en 2020 a fait la corrélation entre la fréquentation des espaces verts ou la simple vue sur un paysage vert et cinq sentiments reliés à la santé mentale. Pouvoir regarder un parc par la fenêtre de son domicile était associée à un niveau plus élevé de confiance et de bien-être et à des niveaux moindres de solitude, d’anxiété ou de dépression.

Moins de coûts en santé

L’étude montre l’impact de l’utilisation accrue des espaces verts. En présumant que cette fréquentation de la nature réduirait de seulement 1 % le volume des réclamations en santé mentale, les économies à l’échelle mondiale sont estimées entre 25 et 60 G$. Si on applique le même scénario aux maladies cardiovasculaires, les économies sont évaluées à 10 G$.

La qualité de l’air en ville est grandement améliorée lorsque la canopée occupe plus de place. Une étude américaine de 2014 montrait que le couvert forestier permettait de capter l’équivalent de 17,4 millions de tonnes d’émissions polluantes. Les chercheurs estimaient que cette baisse de la pollution permettait d’économiser environ 6,8 G$ en soins de santé.

La présence d’arbres offre des endroits où les citadins peuvent relaxer, mais réduit aussi l’impact des îlots de chaleur en milieu urbain. On réduit les décès et les hospitalisations associés aux canicules, dont on constate l’effet délétère de leur fréquence et de leur durée en raison du réchauffement du climat.

L’évapotranspiration des arbres permet aussi de réduire sensiblement la température en été. Pour chaque dollar investi dans la forêt urbaine, les villes tiraient des bénéfices estimés entre 1,37 $ et 3,09 $, rapportait une étude américaine publiée en 2005.

Une autre étude britannique faite en 2014 mesurait l’écart de température dans les quartiers de Londres où un parc urbain est présent dans un rayon de 400 mètres, comparativement à ceux où ils sont inexistants. La température était de 4° inférieure dans les endroits situés à proximité des parcs.

6 000 milliards

Le lien entre la santé mentale et l’environnement est établi depuis longtemps. Hippocrate le disait déjà il y a plus de 2 000 ans. Le fardeau économique de la santé mentale, évalué à 2 500 G$ en 2010, pourrait grimper à 6 000 G$ en 2030. La santé mentale est la cause la plus fréquente d’absence au travail.

D’autres études basées sur l’analyse de métadonnées ont fait des liens entre la proximité des aires naturelles du domicile et leur rythme de fréquentation par les citadins. Au Japon en 2010, une étude a montré un taux d’hémoglobine nettement plus bas pour un groupe qui marchait dans un parc comparativement à un autre groupe qui marchait en ville. La même observation a été faite pour le taux de cortisol. Ces deux marqueurs biologiques sont des indicateurs du niveau de stress.

D’autres études confirment que l’activité sportive en plein air, voire le jardinage ou l’horticulture, apporte les mêmes bénéfices à la santé mentale de leurs adeptes.

Un marché à occuper

Selon les chercheurs du Swiss Re Institute, il existe un écart important dans l’accès aux soins en santé mentale d’un pays à l’autre et entre les groupes d’un même pays. Il y a des besoins nombreux à combler et des garanties à offrir pour les assureurs. En matière de prévention, les assureurs peuvent concevoir des programmes qui comprennent des activités physiques en pleine nature. En réduisant les invalidités reliées à la santé mentale de seulement 1 %, des milliards de dollars en prestations seront économisés.

Les constats sont tout aussi nombreux pour les maladies cardiovasculaires, ajoute-t-on dans l’étude. Le cholestérol, l’hypertension, le diabète ont été mesurés dans de nombreuses études réalisées en milieu urbain, lesquelles confirment les bienfaits associés aux espaces verts.

L’étude analyse aussi les besoins d’assurance pour les immeubles où l’on décide de verdir les toitures. Les toits verts peuvent être assurés, mais les garanties doivent être adaptées en fonction des risques divers qui y sont associés : dégâts d’eau ou par le vent, feu causé par les activités connexes, ajout de poids sur la structure, etc. On recommande ainsi de ne pas installer ces toits verts sur des immeubles situés en bordure des zones côtières.

La publication suggère également quelques critères d’analyse aux actuaires et aux souscripteurs pour adapter les garanties en fonction des services offerts par les espaces verts de même que sur la nécessité de préserver les habitats forestiers.