Le 19 aout dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré coupable l’ex-représentant Michel Marcoux (certificat no 122 786, BDNI no 1755241) des 24 chefs de la plainte. La sanction sera déterminée à la suite d’une prochaine audience.
Au moment d’écrire ces lignes, nous ne savons pas si M. Marcoux portera cette décision en appel. L’intimé était absent et non représenté par un procureur lors de la présentation de la preuve.
Déjà visé par d’autres plaintes au bureau du syndic de la Chambre depuis 2009, M. Marcoux a porté en appel toutes les décisions le concernant, tant sur la culpabilité que sur la sanction retenue. Cette fois-ci, il a choisi d’ignorer le processus disciplinaire.
Michel Marcoux était le dirigeant principal d’Avantages Services Financiers (ASF). Ses problèmes avec l’Autorité des marchés financiers ont commencé à la suite de l’arrestation de Martin Tremblay, de la firme Dominion Investments (Nassau). Une ordonnance de blocage des comptes d’ASF a été en vigueur de janvier 2006 à mai 2008.
Une longue saga
M. Marcoux a cessé d’exercer comme représentant de courtier en épargne collective le 29 mai 2014. Il a fallu plusieurs années avant que le bureau du syndic puisse soumettre sa preuve au comité de discipline de la Chambre. Ciblé par une ordonnance de radiation provisoire en aout 2014, l’intimé a contesté cette décision devant la division administrative et d’appel de la Cour du Québec. Le 13 juin 2016, le juge Jean Faullem a rejeté l’appel et a maintenu l’ordonnance.
Au dépôt de la plainte disciplinaire à l’origine de la radiation provisoire en septembre 2013, l’intimé était visé par 19 chefs d’accusation, et cinq autres ont été ajoutés en mai 2014. À cinq jours de l’audience prévue en juin 2014, Michel Marcoux a changé de procureur. Son nouvel avocat, Me Michel Cossette, a soumis une requête en récusation. Au printemps 2016, le comité de discipline a rejeté la requête, mais a transmis le dossier au greffe afin que soit constituée une nouvelle formation du comité chargé d’entendre l’ensemble de la preuve jointe à la plainte.
En aout 2016, M. Marcoux a déclaré faillite. Le printemps suivant, il ne s’est pas présenté aux audiences du comité de discipline de la Chambre, et Me Cossette n’avait plus le mandat de le représenter. Le comité a permis à la plaignante de procéder hors de la présence de l’intimé, conformément à l’article 144 du Code des professions.
Une longue décision
Le bureau du syndic a eu besoin de 11 journées d’audience, tenues en avril et mai 2017, pour soumettre sa preuve. Huit témoins, incluant trois consommateurs de même que le témoin expert en comptabilité, Michel Hébert, ont été entendus. Quelque 216 pièces réparties en huit volumes ont été déposées.
La décision de 186 pages compte 1017 paragraphes. La lecture des témoignages est fascinante, bien que fastidieuse en raison de la complexité du dossier, dans lequel sont cités un grand nombre de firmes d’investissement, de fonds communs de placement et de cabinets d’avocats.
Le comité indique dès le premier paragraphe (636) de son analyse que la preuve montre « de façon prépondérante, claire et convaincante que l’intimé est coupable » de tous les chefs mentionnés dans la plainte. Pour bon nombre des chefs, les infractions contreviennent à divers articles de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM), du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières et de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF).
Cependant, afin de respecter le principe interdisant les condamnations multiples pour un même geste, le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de la grande majorité des dispositions retenues, et n’en conserve qu’une pour chaque chef. Pour 23 chefs, la disposition retenue est reliée à divers articles du Règlement.
Trois clients
Le nom des trois consommateurs concernés n’est pas mentionné dans la plainte. La pertinence du maintien de l’ordonnance de non-publication sera discutée lors de la prochaine audience du comité de discipline, puisque leurs noms ont déjà été publiés dans les médias. Ces clients ont intenté des recours civils contre l’intimé et son cabinet devant la Cour supérieure, dont les décisions sont toujours attendues.
Des investissements dans des comptes offshore ont été faits. L’intimé promettait des rendements à l’abri de l’impôt et sans commission à payer. Ses clients lui faisaient entièrement confiance. Pour deux de ses clients, les sommes d’argent à investir lui étaient remises en argent comptant.
Le client P.N. (chefs nos 11 à 16) a témoigné qu’en aout 2012, il attendait toujours le remboursement des sommes découlant de la liquidation de Dominion aux Bahamas. Il a en partie été indemnisé par l’Autorité en décembre 2013. L’intimé est coupable d’avoir détourné ou permis que soient détournés les placements du client (quatre chefs) et de n’avoir pas effectué le transfert demandé (un chef). M. Marcoux est aussi coupable d’avoir transmis des informations fausses ou trompeuses à P.N. pour éviter de lui remettre la somme réclamée (un chef). Dans ce cas, les gestes reprochés ont eu lieu entre juillet 2009 et mars 2011.
Le client O.B., un exploitant de pourvoirie relié aux chefs nos 20 à 24 de la plainte, a témoigné qu’il considérait l’intimé « comme un dieu dans le domaine des placements », en soulignant son statut d’expert en finance régulièrement invité à la télévision, de chroniqueur et d’auteur. Le client lui a confié plusieurs centaines de milliers de dollars entre 2001 et 2003. C’est à la suite d’une rencontre avec des agents de Revenu Canada en 2009 qu’il a demandé à l’intimé de l’aider à récupérer son investissement. O.B. s’est résigné à le poursuivre en février 2014. Dans le cas de ce client, l’intimé est coupable d’avoir détourné ou permis que soient détournés les placements du client (trois chefs) ou de n’avoir pas remis les placements (un chef). Il est aussi coupable d’avoir donné des informations fausses ou trompeuses à son client au sujet de ses placements (un chef). Ses gestes ont eu lieu entre aout 2002 et aout 2009.
Le client E.L., associé aux chefs nos 1 à 10, est chirurgien-dentiste. Il a connu l’intimé en 1998 et a ouvert son compte offshore en 2000 par l’intermédiaire de l’intimé. Dès 2005, il a demandé à retirer des sommes de son compte chez Dominion pour investir en immobilier. Ce n’est qu’en janvier 2006 que l’intimé lui indiqua que les fonds étaient gelés par l’ordonnance de blocage. En juillet 2009, il a reçu un chèque du compte en fidéicommis de Me Daniel Courteau, le procureur de l’intimé, mais inférieur au montant demandé. Il a reçu un autre chèque tiré du même compte en novembre 2009. Il a continué de réclamer le remboursement de ses investissements jusqu’en juin 2012, où il a lui aussi intenté un recours contre l’intimé.
À l’égard de ce client, neuf chefs sont reliés au défaut de l’intimé de lui remettre les valeurs des diverses transactions réalisées. Cinq de ces gestes sont survenus en 2005, avant l’ordonnance de blocage. Pour l’autre, on reproche à l’intimé d’avoir donné des informations fausses ou trompeuses à son client ou à ses procureurs pour justifier son omission de lui remettre la somme mentionnée. Les infractions reliées à E.L. ont eu lieu entre novembre 2005 et avril 2010.
Marie-Josée Gagnon, qui a travaillé chez ASF et a été représentante en épargne collective de novembre 1999 à septembre 2009, a elle aussi témoigné devant le comité. Son intervention a contribué à déclarer l’intimé coupable du chef no 18, lequel concerne sa gestion du compte en fidéicommis en avril 2010.
De plus, l’intimé est coupable d’avoir détourné ou permis que soit détourné la somme d’environ un million de dollars à partir de comptes Dominion au profit d’autres comptes Dominion détenus auprès d’ASF et dont il était le représentant (chef no 17), geste posé en avril 2010.
Enfin, l’intimé est coupable d’avoir fait une fausse déclaration aux enquêteurs du bureau de la syndique, en juin 2013, concernant la propriété d’un compte Dominion, ce qui contrevient à l’article 342 de la LDPSF (chef no 19).