GroupAssur, agent général en assurance de dommages, poursuit l’entreprise Services informatiques Keal pour des dommages reliés à la panne survenue en mars 2019. Sa réclamation s’élève à plus de 2,6 millions de dollars.
Dans une décision récente de la Cour d’appel du Québec concernant une requête pour permission d’en appeler, le tribunal renvoie les parties en Cour supérieure afin que le litige soit entendu.
Le 27 juin dernier, le juge Christian Brossard, de la Cour supérieure, a rejeté une requête de la demanderesse qui désirait obtenir une expertise, et déposer un rapport en conséquence, d’un expert en voie d’être mandaté « en quantification des dommages passés et futurs ».
Selon GroupAssur, cette expertise était prévue au protocole de l’instance depuis sa première mouture soumise en janvier 2020. Deux autres protocoles ont suivi en juillet 2021 et décembre 2021, où les parties ont convenu de la procédure qui suivrait.
Bataille d’experts
Le rapport d’expertise de la demanderesse est daté de novembre 2019 et il a été transmis à Keal en juillet 2020. Produit par Yves Saint-Loup, de AIPc Groupe conseils, le rapport quantifie les dommages causés à la demanderesse par la panne du 1er mars 2019. Les activités n’ont pu reprendre chez GroupAssur que le 6 mars 2019.
Dans le premier protocole de l’instance, GroupAssur avait refusé de procéder à une expertise commune avec Keal. Dans sa demande introductive, la demanderesse estime sa perte de revenus passés et futurs à 2 661 315 $.
Près d’un an après le dépôt du rapport de M. Saint-Loup, la défenderesse procède à un interrogatoire préalable. En fonction de cet entretien et d’autres documents obtenus, Keal conteste les calculs et les conclusions dudit rapport.
Par la suite, la défenderesse soumet son propre rapport d’expertise en janvier 2022, produit par la firme RSM Consulting. Selon la Cour supérieure, contrairement à ce que prétend GroupAssur, il ne s’agit pas d’un rapport relevant d’une discipline distincte, en l’occurrence en juricomptabilité, de celle du rapport Saint-Loup, que la demanderesse présente comme une « expertise actuarielle en perte de profits ». Cette différence justifierait une nouvelle expertise, selon la demanderesse.
De son côté, Keal affirme que la demanderesse tente plutôt de renforcer le rapport Saint-Loup critiqué par RSM ou encore pour, au contraire, pallier ses faiblesses.
La procédure
Le juge Brossard rejette la nouvelle expertise demandée par GroupAssur.
Selon le juge de première instance, la lecture des deux rapports confirme que le rapport RSM est une analyse et une appréciation critique du rapport Saint-Loup. RSM affirme d’ailleurs ne pas pouvoir présenter sa propre évaluation des pertes subies par la demanderesse, faute d’avoir pu valider la fiabilité des données ayant servi aux calculs de l’expert de GroupAssur.
La demanderesse qualifie aujourd’hui l’expertise « actuarielle » de M. Saint-Loup. Selon le juge Brossard, cela ne modifie pas le contenu et la nature réelle du rapport, soit d’avoir quantifié les pertes passées et futures de GroupAssur. La demande introductive d’instance a d’ailleurs été modifiée pour y préciser le montant de la réclamation, lequel est basé sur ce même rapport.
Une autre expertise sur la cybersécurité est toujours prévue et devrait être communiquée l’hiver prochain.
La demanderesse ne démontre pas non plus en quoi son propre expert ne serait pas en mesure de répondre lui-même aux critiques que fait RSM dans son rapport fourni par Keal.
Si le tribunal autorisait une nouvelle expertise, cela contreviendrait au contrat judiciaire conclu entre les parties, en plus de rompre l’équilibre entre les parties dans l’exercice et la défense de leurs droits et positions respectifs, comme le prévoit le Code de procédure civile.
Appel rejeté
Dans une décision récente de la Cour d’appel, rendue le 2 septembre dernier, le tribunal estime que le juge de première instance avait raison de rejeter la requête de GroupAssur.
Selon le juge Peter Kalichman, « il va sans dire que si le juge avait permis à la requérante de déposer un autre rapport sur le quantum des dommages, cela aurait repoussé de plusieurs mois, sinon de plusieurs années le déroulement du litige », ce qui aurait forcé l’intimée Keal à préparer un nouveau rapport d’expert. Le juge Brossard a exercé sa discrétion et sa décision n’a rien de « déraisonnable », conclut la Cour d’appel.
Les problèmes de la plateforme de Keal ont duré quelques mois. Le nom de Keal Technology a depuis été abandonné et l’entreprise est désormais exploitée sous le nom de Vertafore Canada. Le siège social de Vertafore est à Denver, aux États-Unis.