L’assurance responsabilité des administrateurs et dirigeants (D&O) demeure rentable malgré une augmentation des poursuites. Les conditions offertes aux clients demeurent toutefois favorables en raison d’un bon contrôle des risques.

La faillite est un des plus gros risques à couvrir, car les administrateurs et dirigeants sont personnellement responsables du versement des salaires impayés et du versement des impôts et taxes en souffrance. Les pratiques d’emploi sont source de fréquentes réclamations et les faillites représentent les réclamations les plus couteuses, quoiqu’elles soient moins fréquentes.

« La fréquence des réclamations liées aux pratiques d’emploi a augmenté dans les dernières années », signale la directrice du département de l’assurance responsabilité de Chubb du Canada, Janik Lachance.

Le plus grand risque de poursuite qu’encourent les sociétés publiques réside dans la perte de valeur en bourse. Les recours collectifs en valeurs mobilières en cas de pertes financières sont en hausse, estime d’ailleurs Mme Lachance. « C’est en partie en raison de la Loi 198 sur les valeurs mobilières de l’Ontario. Le fardeau de la preuve a été modifié en 2006. Il est depuis plus facile pour les actionnaires de faire autoriser un recours collectif en valeurs mobilières », dit-elle.

Cette possibilité vaut pour tous les investisseurs détenteurs de titres de sociétés cotées à la Bourse de Toronto, peu importe leur province de résidence. Les investisseurs peuvent recourir envers ces sociétés et leurs administrateurs et dirigeants, s’il y a eu entre autres présentation inexacte des faits dans les documents ou déclarations publiques. Ils peuvent aussi recourir envers tout accroc aux obligations de divulguer les changements importants survenus à la situation de l’entreprise.

Dans un bulletin publié en 2011, le courtier Marsh Canada avait fait savoir que 28 recours collectifs en valeurs mobilières étaient en cours au Canada, dont bon nombre invoquaient les nouvelles dispositions sur les poursuites en responsabilité civile du marché secondaire des lois canadiennes sur les valeurs mobilières, dont la Loi 198.

PDG d’Integro Courtiers d’assurance, Robert J. Dunn constate que les plus grosses pertes surviennent du côté des compagnies publiques. « Les réclamations sont plus grosses. Par exemple, un fournisseur lésé en matière de pollution ou de cyberrisque peut poursuivre les membres du conseil d’administration même si la compagnie dispose d’une assurance pour ces risques. Il pourra leur reprocher de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter le sinistre », explique M. Dunn.

Sans compter que le modèle américain se transporte tranquillement au Canada, ajoute le courtier. « Des avocats à l’affût qui cherchent à se faire un nom pourront inciter un recours, même si la cause n’est pas valable en fin de compte », dit M. Dunn.

De plus, le resserrement des règles de gouvernance exige de plus en plus de surveillance de la part des administrateurs. « On demande maintenant plus de compétences de leur part. Plusieurs conseils exigeront une certification pour y siéger », souligne le PDG d’Integro.

Dans un marché mou où la capacité abonde, le risque ne fait pas peur à grand monde même si le nombre de poursuites augmente, nuance le directeur assurance corporative de La Garantie, Philippe Côté. Tout dépend du secteur d’activités de l’assureur. Il dit observer une hausse dans la fréquence des poursuites chez les entreprises privées dans les dernières années. « Il n’y a toutefois rien qui jettera un assureur à terre au niveau des pertes, dans le secteur des PME en tout cas. », ajoute-t-il.

La stratégie gagnante dans ce créneau est ainsi d’aller chercher le plus gros volume possible pour absorber le flot des réclamations. « L’ensemble des profits ne sera pas mangé par une seule perte », précise M. Côté. Le marché est rentable, ajoute-t-il. « À La Garantie, notre ratio de sinistre se situe en bas de 40 % », révèle M. Côté. Le ratio combiné de l’assureur oscille pour sa part entre 70 % et 72 % dans cette ligne d’affaires.