Intact a été la caution d’un entrepreneur général, Construction Injection EDM, qui avait obtenu le contrat de réfection du pont Pierre-Laporte en 2018.
Dans une décision rendue le 5 mai, la juge Nancy Bonsaint, de la Cour supérieure du Québec, a condamné solidairement l’assureur et son client à remettre 980 966,26 $ au sous-traitant SABCO pour divers gestes et manquements au contrat.
La Cour supérieure accueille en grande partie les réclamations de SABCO à l’endroit d’EDM. En plus du 980 966,26 $ couvert par la caution, EDM devra verser un montant additionnel de 462 854,40 $, plus les intérêts au taux de 2 %. S’ajoutent 75 000 $ en indemnités additionnelles. EDM devra donc débourser un total de 1 518 820,66 $.
En contrepartie, la Cour accède en partie à la réclamation de EDM à l’égard de SABCO et son ancien sous-traitant devra lui remettre 242 939,31 $.
Retards dans les travaux
EDM obtient le contrat de la phase 2 du contrat de la part du ministère des Transports en janvier 2018 pour un coût de 14 599 999 $. Deux mois plus tard, EDM accorde un contrat de sous-traitance à l’entreprise familiale SABCO pour des travaux de sablage, métallisation et peinture de la structure du pont.
Les premières flammèches surviennent dans les premiers mois.
Les tâches confiées à SABCO devaient démarrer le 30 avril 2018. Or, en raison de délais dont EDM est tenu responsable par la Cour, SABCO ne peut entreprendre son mandat que le 20 juin, avec deux mois de retard. Le temps lui manque pour terminer les travaux avant l’hiver et ils sont suspendus le 30 novembre.
Le 17 décembre, EDM confirme à SABCO qu’elle peut récupérer le solde contractuel qui lui est dû pour le mois d’octobre de 599 376 $. Mais quand son représentant se rend chez l’entrepreneur général, non seulement on ne lui remet pas son chèque, mais on lui annonce qu’il recevra plutôt une réclamation.
Poursuite
Quatre mois plus tard, SABCO dépose une demande introductive d’instance contre EDM pour une somme de 1 645 437 $. Ce montant comporte un solde contractuel de 842 776 $ et près de 600 000 $ pour des frais d’accélération qu’elle avait dû engager en raison du retard dans le démarrage et la réalisation des travaux.
Les sommes exigées par SABCO sont également réclamées à Intact à titre de caution de EDM.
À la fin de 2018 EDM présente à son sous-traitant des factures et contre-factures totalisant 700 000 $ pour une liste de déficiences et de non-conformité alléguées à des travaux exécutés par SABCO.
Devant la zizanie qui règne entre les deux entreprises, EDM refuse à SABCO le droit de revenir sur le chantier pour continuer son mandat en 2019.
Devant la Cour supérieure
Après une série de poursuites de part et d’autre, l’affaire se retrouve devant la Cour supérieure. Elle vient de connaître son dénouement il y a quelques semaines.
La preuve déposée par SABCO amène la juge à conclure à la responsabilité de EDM dans le retard des travaux. Elle lui reproche en plus de ne pas avoir respecté les installations des échafaudages, du plancher et la fourniture d’eau pour le fonctionnement des machines à pression nécessaires au décapage.
À propos du montant de 700 000 $ réclamés par EDM à SABCO, la juge écrit qu’il y a lieu de conclure à un procédé bien rodé par lequel l’entrepreneur accumule des charges à l’égard de ses sous-traitants pour finalement refuser de les payer en fin de contrat et retenir les sommes qui leur sont dues.
Le Tribunal juge qu’avec cette façon de faire, EDM a tenté « d’écraser » ou de « museler » SABCO sous le poids de lourdes contre-factures, comme elle l’avait fait dans le passé avec d’autres sous-traitants.
« Un tel procédé, dit la juge Bonsaint (…) doit être dénoncé et le Tribunal conclut que ce procédé de contre-factures révèle, en soi, une situation pour laquelle on peut conclure à un abus de droit contractuel. »
Intact doit indemniser
Sur la base du contrat qu’il a signé avec EDM, SABCO réclame à Intact le paiement des sommes qui lui sont dues par l’entrepreneur général.
SABCO a transmis deux demandes de paiement à l’assureur à la suite du défaut de paiement de EDM. Les demandes de paiement formulées par SABCO à la caution Intact respectent les termes du contrat et ont été transmises dans le délai requis, a estimé la Cour supérieure.
Par contre, le contrat de cautionnement de l’assureur ne couvre pas l’ensemble des sommes dues aux sous-traitants par EDM. Puisque la réclamation de SABCO excède le montant maximal, Intact est condamné à la hauteur de 980 966,26 $ avec l’intérêt au taux conventionnel de 2 %, majoré de l’indemnité additionnelle à compter de la mise en demeure du 27 décembre 2018.