C’est à la demande des courtiers que Premier Canada a décidé de s’établir au Québec. Ce geste permet à l’agence de souscription de devenir une entreprise établie d’un océan à l’autre.

Troy Moreira, PDG de Premier Canada, souligne qu’il ne pouvait s’afficher comme une entreprise pancanadienne sans être présent au Québec. Des courtiers du Québec le sondaient depuis près de quatre ans pour avoir accès à ses produits. Il a soupesé le tout depuis et a pris la décision il y a 18 mois de tenter sa chance au Québec, a-t-il relaté dans une entrevue accordée dans les bureaux du Journal de l’assurance.

M. Moreira a ainsi consacré près de trois ans au développement de Premier au Québec, avec de nombreux aller-retour entre Vancouver et Montréal au cours des 18 derniers mois, pour y bâtir sa présence. Il a révélé y avoir investi a healthy six figure amount (un bon montant dans les six chiffres).

Pas un grossiste

L’entreprise se décrit comme une agence de souscription et non un grossiste. Quelle est la différence entre les deux ? Premier conçoit elle-même tous ses produits, ce qu’un grossiste ne fait pas. La seule chose qui distingue Premier d’un assureur est qu’elle ne prend pas en charge le risque financier lié à un risque. C’est toutefois Premier qui tient le crayon et qui écrit les risques.

Premier, dont le siège social est à Vancouver, traite ainsi avec deux assureurs : Lloyd’s et La Souveraine. L’agence de souscription compte d’ailleurs des contrats avec 17 courtiers Lloyd’s, dont certains avec qui elles traitent en continu depuis 20 ans. En avril 2015, l’entreprise a été acquise par Co-operators, mais continue d’exploiter et de gérer ses activités indépendamment de celles de l’assureur.

« Comme entreprise, notre focus est placé sur la souscription, mais tout en gardant en tête ce dont le courtier a besoin. On balance les deux dans notre culture d’entreprise. Il faut avoir été courtier au préalable pour le comprendre. C’est essentiel pour offrir une expérience de service qui permet au client de dire wow ! »

Équilibre entre souscription et pensée-courtier

Pour M. Moreira, cet équilibre à avoir entre la souscription et la pensée-courtier est essentiel pour un intermédiaire comme le sien. « Si vous être trop axés sur la souscription, il y a un danger de mettre en place un trop grand nombre de règles et d’être pris dans le ruban rouge. Par ailleurs, réfléchir comme un courtier permet d’aller hors des sentiers battus. »

Il souligne que le modèle d’agence de souscription (MUA pour managing underwriter agency) est peu répandu au Canada. Il l’est plus aux États-Unis. Premier y a d’ailleurs une présence sur la côte ouest américaine, ayant des bureaux à Seattle, San Diego et Santa Rosa. Au Canada, outre le siège social de Vancouver, Premier a des bureaux à Toronto et London. Au Québec, l’agence de souscription a choisi de s’établir à Laval. L’entreprise emploie au total 140 personnes, dont 35 établies aux États-Unis.

L’entreprise a été fondée en 1989 par le père de M. Moreira, qui possédait un cabinet de courtage à London, en Ontario. Il rencontrait toutefois une problématique constante : il était incapable d’assurer les bateaux de ses clients contacteurs en construction. Il a alors décidé de lancer son propre programme, mais de l’ouvrir aux autres courtiers de la province. La compagnie poursuit sa croissance depuis.

Dans la Belle Province, Premier entend se distinguer par son offre de produits, mais aussi par un service qui excède celui de ses concurrents. « De par les programmes que nous avons, c’est comme si nous étions cinq grossistes en un seul. Nous sommes très forts du côté de la responsabilité, mais aussi de côté des bateaux de plaisance, où nous assurons plus de 50 000 embarcations au Canada. Premier a aussi développé des niches au fil du temps, notamment celle de son programme pour les esthéticiennes, les spas, et l’esthétique médicale.

Offrir de tout rapidement

Shirley Gauthier, directrice de Premier au Québec, aussi présente lors de l’entrevue, ajoute que ses concurrents varient selon les segments que l’entreprise veut développer. « Notre force résidera dans le fait que nous offrirons de tout, et ce, très rapidement. Nous voulons que les courtiers pensent à nous globalement, car nous sommes pratiquement un assureur. Nous ne serons pas plus forts dans une discipline qu’une autre. Nous serons bons dans toutes les disciplines. »

Premier n’exigera pas de volume minimum pour les courtiers qui voudront traiter avec elle. L’agence de souscription portera toutefois attention à la qualité du partenariat qui peut être développée avec les cabinets de courtage intéressés, précise M. Moreira.

Pas de Band-Aid

Le PDG de Premier ajoute qu’il était important pour lui d’avoir une équipe de direction établie au Québec, assise dans un bureau dans la province. « Il aurait été inacceptable pour moi de souscrire des risques au Québec à partir de Toronto. On ne veut pas simplement apposer un Band-Aid (pansement). On voulait aussi offrir à nos clients québécois une police en français. C’est un avantage concurrentiel selon nous.

« Aussi, une décision de souscription doit pouvoir être prise sur le terrain rapidement. Ce n’est pas si courant que cela dans le marché. Il faut connaitre le voisinage pour prendre une bonne décision de souscription. Pour la même raison, nous ne traitons pas nos risques de l’Ontario à partir de Vancouver »

Mme Gauthier ajoute qu’elle sera à l’écoute des courtiers du Québec quant à leurs besoins pour des produits. « Mon défi sera de travailler rapidement pour sortir un produit. Nous serons là pour écouter les courtiers et les aider sur une longue période. » Mme Gauthier entend d’ailleurs cogner à la porte des 600 cabinets de courtage opérants au Québec pour faire connaitre son offre de service.

Objectifs de lancement

Quant à ses objectifs de volume au Québec, Premier dit en avoir. Dans un premier temps, l’entreprise veut toutefois se consacrer à amener ses produits dans le marché et bâtir des relations avec les courtiers. « On ne pense pas en termes de dollars pour le moment », dit M. Moreira.

« Nous prenons notre temps, ajoute Mme Gauthier. Nous sommes très méticuleux. Troy et son équipe veulent comprendre le marché québécois. Ils voient que nous sommes différents de par notre culture. C’est donc un processus différent pour eux. »

M. Moreira n’a pas voulu dévoiler quel était son volume de primes au Canada. Il a toutefois révélé que Premier compte 150 000 contrats d’assurance en force à travers le pays et transige avec 3 200 courtiers, dont très peu n’ont qu’une police souscrite auprès de l’agence de souscription. Il estime à 5 000 $ le portfolio moyen des cabinets de courtage qui transige avec Premier. Certains ont toutefois des portfolios plus importants, pouvant aller jusqu’à cinq millions de dollars.

« Notre croissance a toujours été organique, bien que nous ayons déjà réalisé des acquisitions. Nous préférons ainsi ajouter des spécialités à notre portfolio pour gagner du volume. On plante des graines chaque année sur ce point », dit M. Moreira.

D’ailleurs, le lancement des produits de Premier se fera en trois phases. La première a eu lieu avec le lancement officiel au début novembre. La seconde se fera quelque part en 2017. Une troisième phase se fera ensuite.

La croissance organique avant les acquisitions

Par ailleurs, Premier Canada est l’une des rares compagnies à pouvoir se targuer d’avoir acquis d’ING Canada, devenue depuis Intact Corporation financière. En 2002, Premier a acquis Oceanic Underwriters d’ING, qui se spécialise dans les bateaux de plaisance. L’entreprise opère d’ailleurs toujours sous ce nom au sein de Premier.

« Nous ne sommes pas une compagnie orientée vers les acquisitions, dit M. Moreira. Nous en avons faits dans le passé, mais nous misons sur la croissance organique. À la fin de l’année, nous avons une connaissance intime ce que nous avons souscrit, ce qui n’est pas toujours le cas à la suite d’une acquisition.

Le PDG de Premier ne se dit pas fermé à réaliser une acquisition, incluant au Québec, mais il doit s’agir d’une bonne combinaison. « On ne le fera pas simplement pour augmenter notre volume de primes. Il faut vraiment qu’il en découle un avantage stratégique. »