Le système de santé québécois offre une médecine de très haut niveau, mais il souffre d’une faiblesse majeure qu’aucun gouvernement n’est parvenu à corriger ces dernières années : l’accessibilité. Au Québec, se trouver un médecin de famille ou obtenir une référence en médecine spécialisée relève encore du parcours du combattant et la situation se détériore chaque année.
Dans le but d’améliorer l’accès aux soins, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a décidé en 2019 de mettre à profit d’autres ressources déjà existantes dans le réseau de la santé, les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) et les pharmaciens, en leur accordant plus de pouvoirs et d’autonomie. Les effets de ces mesures devraient se faire sentir en 2020.
Élargissement du rôle des IPS
Pas moins de 500 000 Québécois orphelins sont inscrits au Guichet d’accès à un médecin de famille (GMAF) et un million d’autres n’ont pas d’omnipraticiens. Dans le cadre d’une stratégie visant à permettre aux patients d’être soignés plus rapidement en première ligne, Danielle McCann avait annoncé il y a un an ses intentions d’élargir le rôle des IPS et de leur permettre de poser des diagnostics sans que le patient soit vu par un médecin, comme cela se fait ailleurs au Canada.
« L’offre de services en première ligne est insuffisante », avait déclaré la ministre pour justifier l’indépendance qu’elle voulait accorder à ces « super infirmières ». Le Québec compte 552 IPS et 500 autres sont en formation.
Madame McCann a tenu ses engagements. Le projet de loi 43, qu’elle a déposé le 9 octobre, prévoit que les IPS pourront notamment diagnostiquer les maladies courantes, telles que le diabète ou l’hypertension, établir le plan de traitements, prescrire des examens diagnostiques, des médicaments et d’autres substances, effectuer le suivi de grossesses normales ou à faible risque et signer des documents administratifs. L’Ordre des infirmiers et infirmières du Québec (OIIQ) a parlé d’une « avancée historique pour l’accès aux soins » et espère l’entrée en vigueur de la loi au printemps 2020.
Plus de pouvoirs aux pharmaciens
Le deuxième volet du plan de la ministre était de permettre aux pharmaciens de pratiquer un grand nombre d’activités qui leur étaient interdites ou qui étaient réservées aux médecins. Avec l’appui du Collège des médecins, elle a déposé en juin 2019 le projet de loi 31, qui vise à accorder plus de pouvoirs aux pharmaciens.
Quand la loi sera adoptée en 2020, ils pourront notamment prescrire et administrer des vaccins, évaluer la condition physique et mentale d’une personne dans le but d’assurer l’usage approprié des médicaments, cesser une thérapie médicamenteuse, prescrire et interpréter des analyses de laboratoire aux fins du suivi de la thérapie médicamenteuse, prescrire tous les médicaments en vente libre, administrer un médicament par voie intranasale et substituer au médicament prescrit par un autre même s’il n’appartient pas à la même sous-classe thérapeutique. Ce sont pour la plupart des activités qui nécessitaient d’être vus par un médecin et qui pourront être faites dans le futur par des pharmaciens communautaires.
Ces deux gestes majeurs, qui élargissement des rôles et des activités des IPS et des pharmaciens, vont faire en sorte que les patients ne seront plus forcés d’aller consulter un médecin en clinique ou à l’urgence pour obtenir certains soins, ce qui, espère le gouvernement, permettra à la population d’obtenir des services beaucoup plus rapidement en première ligne tout en décongestionnant les cliniques et les urgences.
En médecine spécialisée
En médecine spécialisée, où il faut parfois attendre un an et plus pour voir un médecin selon les disciplines, l’accès pourrait aussi s’améliorer en 2020 grâce à certaines mesures contenues dans le plan de réduction de 1,6 milliard de la masse salariale des médecins spécialistes dévoilée le 11 décembre. Les mesures de pertinence qui seront suggérées par un Institut de la pertinence indépendant vont amener la disparition de certains actes médicaux posés par les médecins spécialistes. La présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Dre Diane Francoeur, a donné comme exemple une consultation de suivi en médecine spécialisée qui n’est pas nécessaire. Le médecin pourra consacrer ce rendez-vous à un patient qui en a réellement besoin. Il faudra toutefois voir à l’application si ces mesures de pertinence auront un effet tangible sur l’accès à la médecine spécialisée.
Pas de régime national d’assurance médicaments
On croyait que le premier ministre Justin Trudeau allait annoncer dès le début de son mandat, comme gouvernement minoritaire, la mise en place d’un régime national d’assurance médicaments. Même s’il en avait fait un engagement électoral lors des dernières élections fédérales, il ne figurait pas dans son discours du Trône dévoilé le 5 décembre dernier. Le projet est donc reporté et aucune date, ni année, n’a été avancée.