Il est temps de prioriser la santé des femmes dans l’offre des régimes collectifs privés, estiment des sources consultées par le Portail de l’assurance. Parmi elles, un rapport de Sun Life publié au printemps 2023 révèle un écart important en santé entre les hommes et les femmes, malgré les efforts déployés pour atteindre l’équité. 

Marie-Chantal Côté

« Depuis trop longtemps, on refuse d’accorder à la santé des femmes l’attention qu’elle mérite, et les femmes continuent d’en vivre les conséquences, y compris au travail », lance Marie-Chantal Côté, vice-présidente des garanties collectives de Sun Life, dans son mot d’introduction au rapport intitulé Travailler ensemble pour la santé des femmes

Mme Côté croit que les conséquences de cet écart en santé peuvent avoir des effets chez les femmes sur le marché du travail, en créant des obstacles et en limitant les progressions de carrière. L’écart se reflète dans la perception qu’ont les femmes de leur régime d’assurance collective. Le rapport souligne que le tiers des femmes rapportent que leur régime ne suffit pas à couvrir tous leurs besoins, selon un sondage national d’Ipsos réalisé au nom de Sun Life en février 2022 auprès de 2 313 travailleurs canadiens âgés de 18 à 65. 

Tabou de la ménopause 

En entrevue avec le Portail de l’assurance, Marie-Chantal Côté relate ces écarts en prêtant une attention particulière à la ménopause. Les données de son rapport écorchent au passage le soutien offert par les employeurs. Les trois quarts des femmes sur le marché du travail disent que leur employeur ne les aide pas durant cette période de leur vie ou doutent de ce soutien. Le 6 juin dernier, Sun Life s’est récemment associé à la Menopause Foundation of Canada (MFC). Les partenaires veulent combler ce manque par le soutien et la sensibilisation.

« Il y a jusqu’à 30 symptômes différents reliés à la ménopause. On peut parler de symptômes physiques et de symptômes reliés à la santé mentale », précise Mme Côté durant l’entrevue. « Présentement au Canada, plus de cinq millions de femmes de 40 ans et plus sont sur le marché du travail. Un quart de la main-d’œuvre est présentement en transition vers la ménopause ou en postménopause », ajoute-t-elle. 

Parmi les symptômes identifiés dans le rapport de Sun Life, 80 % des femmes disent avoir des bouffées de chaleur. Le rapport signale que ces bouffées de chaleur sont très intenses et handicapantes pour 20 % de ces femmes. « Les symptômes peuvent persister pendant 10 ans ou même plus », peut-on lire. 

Charge mentale accrue 

Selon Marie-Chantal Côté, les industries de la santé « se sont beaucoup concentrées sur les hommes et aussi les rôles et les attentes plus traditionnels des femmes ». Pour l’illustrer, elle cite une donnée de son rapport selon laquelle les femmes sont 50 % plus nombreuses que les hommes à se déclarer proches aidantes. La vice-présidente des garanties collectives de Sun Life croit que les femmes tendent à privilégier le soutien à la santé de leurs proches. 

La charge mentale de proche aidante est l’une des hypothèses de Sun Life pour expliquer que 40 % des demandes de prestations d’invalidité des femmes ont une cause liée à la santé mentale, alors que c’est seulement 30 % chez les hommes. Comme deuxième hypothèse, Mme Côté évoque les défis qu’apporte aux femmes la santé reproductive. Menstruations, grossesses, traitement en fertilité, dépressions post-partum et ménopause entrent alors en ligne de compte, selon elle.

L’assureur a d’ailleurs élargi en 2022 sa couverture des services et médicaments liés à la fertilité, pour y inclure les frais médicaux et de mieux-être à l’égard de la grossesse pour autrui ainsi que les frais d’adoption. Il s’agit du Programme Famille Plus.

Rôle des conseillers 

Marie-Chantal Côté croit que les employeurs peuvent contribuer à réduire l’écart à travers leur offre de soutien et d’assurance collective. « Il y a encore des préjugés sur certains sujets, voire des inconforts, juste à utiliser les mots menstruation ou ménopause. On doit communiquer et sensibiliser, pour que ce ne soit pas tabou. Ce sont des phénomènes normaux qui font partie de la santé des femmes », insiste-t-elle. 

Toutes les données du rapport de Sun Life font dire à Marie-Chantal qu’il urge de briser le plafond de verre qui freine les femmes au travail. « Tous les employeurs ont des enjeux de pénurie de main-d’œuvre et d’attraction de talents », ajoute-t-elle.

Mme Côté croit que les conseillers en assurance collective sont bien placés pour proposer des garanties collectives et des pratiques qui soutiennent les femmes. « Les conseillers peuvent appuyer les organisations dans leur objectif d'avoir une marque employeur très forte, d'attirer les meilleurs talents, des talents qui sont très engagés et qui restent dans l'organisation », dit Marie-Chantal Côté. 

Sensibilisation en marche 

Membre du partenariat et responsable du domaine santé de Mercer Canada, Julie E. Duchesne fait le lien entre la santé des femmes et la popularité croissante du sujet de la diversité, de l’équité et d’inclusion souvent représenté par l’acronyme DEI. « On en parlait un petit peu il y a quelques années, alors qu’on est en mode action aujourd’hui. Au moment de choisir un employeur, les employés penseront à ces valeurs », dit-elle. 

Julie Duchesne

Mme Duchesne observe que les entreprises ont dû proposer une offre plus diversifiée, « qui va au-delà de la famille typique ». « Comparativement à ailleurs dans le monde, les assureurs canadiens ont rapidement évolué pour pallier les besoins émergents comme ceux des personnes transgenres et des autres minorités visibles. Comment soutenir la santé de la femme est un sujet très chaud en ce moment », ajoute Mme Duchesne.

Elle souligne le fait que presque autant d’hommes que de femmes se préoccupent de ce sujet. Selon l’infographie préparée par Mercer Marsh Avantages Sociaux sur les résultats canadiens de l’étude mondiale Santé à la carte, 65 % des employés souhaitent que leur employeur soutienne la santé des femmes, soit 68 % des femmes et 62 % des hommes. Mille Canadiens ont répondu au sondage qui soutient l’étude. 

Cet article est un Complément au magazine de l'édition de juin 2023 du Journal de l'assurance.