À peu près inexistant il y a 15 ans, le marché des rentes collectives destinées aux transferts des risques de régime de retraite à prestations déterminées a connu une ascension fulgurante dans les dernières années.
Assureurs et actuaires de ces régimes collectifs considèrent 2013 comme le réveil du créneau des transferts de risque. Cette année-là, les ventes de rentes collectives destinées à sécuriser les régimes ont atteint 1,9 milliard de dollars (G$). Elles ont depuis été à la hausse presque chaque année.
À l’aube de la pandémie de COVID-19 en 2020, les transactions de plus de 500 millions de dollars (M$) apparaissaient encore comme de grosses transactions. En 2021, General Motors conclut avec trois assureurs une transaction de rentes collectives d'un volume de 1,8 G$. Le tout auprès d’iA Groupe financier, Sun Life et Rentes Blumont (anciennement Rentes Brookfield), avec l’aide du consultant mondial WTW. La transaction vise à protéger un régime de plus de 6 000 retraités.
Le manufacturier automobile a alors accompli plusieurs choses en une seule transaction. Il a délesté son régime du risque de longévité et d’appariement de placements. Il a vu l’assureur racheter ses engagements envers le régime, dont l’administration. Les initiés appellent ce type de transaction buy-out, soit la plus populaire des dernières années.
Le momentum demeure
Les promoteurs envisagent de nouvelles solutions pour soutenir leurs régimes.
– Rohit Thomas
L’essor du marché des rentes collectives dédiées à « dé-risquer » les régimes a culminé en 2024, avec une année record de 11 G$ en volume de ventes (voir le tableau qui suit). L’année 2025 finira sur une note plus modeste, mais restera tout de même dans les annales. Nos sources disent s’attendre à un volume de 7 G$. Un retour vers les niveaux de 2021 à 2023, au-dessus des 7 G$.

« Les promoteurs envisagent de nouvelles solutions pour soutenir leurs régimes, parce que la hausse des taux d’intérêt a rendu les rentes attrayantes », a affirmé en entrevue avec le Portail de l’assurance Rohit Thomas, président et chef de la direction de BMO Assurance.
L’intérêt soutenu a souri à l’assureur, selon M. Thomas. Il révèle que la filiale d’assurance de la Banque de Montréal devrait ravir le premier rang des parts de marché des rentes collectives destinées à sécuriser les régimes à la fin de 2025.

« Nous avons une excellente année 2025. Au terme des trois premiers trimestres, nous nous classons numéro un. Notre succès repose sur une série de transactions réalisées tout au long de l'année, de montants variés pour divers régimes dans différents secteurs », soutient Rohit Thomas. Pour accentuer son effort de marché, il a entre autres nommé Aleem Qureshi au poste de directeur général, chef des solutions aux institutions. « Aleem dirige les affaires de transfert de risque de régime et relève de moi », ajoute le PDG de BMO Assurance.
Nos sources s’entendent pour dire que le nombre de transactions n’a pas ralenti par rapport à 2024, mais que leur taille moyenne a diminué. « Bien que l’on s’attende à un fort quatrième trimestre en 2024, on n'ira pas chercher les 11 G$ cette année », a lancé en entrevue avec le Portail de l’assurance Émile Alarie, conseiller principal, spécialiste en transfert de risques de régimes de retraite, à Mercer Canada.
Fin d’année chargée
La taille des transactions et leur volume moyen a diminué.
– Émile Alarie

M. Alarie dit observer « beaucoup d’activités » au quatrième trimestre de 2025. Il explique qu’à la suite du record de l’an passé, certains assureurs ont fixé des objectifs de capacité en conséquence. « Ils peuvent se permettre de soumissionner jusqu'à concurrence de la capacité qu’ils avaient en 2024 », ajoute-t-il.
Selon les données de LIMRA qu’il a partagées, le marché du transfert des risques de retraite avait enregistré des transactions totalisant 1,3 G$ au troisième trimestre de 2025. Au 30 septembre 2025, le marché totalisait un volume de 2,9 G$. « Le nombre de transactions a peut-être légèrement baissé mais pas drastiquement. La taille des transactions et leur volume moyen a diminué », précise Émile Alarie.
Le marché devrait finir en force. « Le quatrième trimestre est une période très chargée pour le transfert des risques liés aux régimes de retraite, et nous prévoyons un volume important sur le marché », soulève à ce sujet Rohit Thomas.
La rente indexée brille
À ce jour méconnu, un sous-produit de rente collective destiné à protéger les régimes contre l’inflation brille. Il s’agit de la rente indexée au coût de la vie, qui profite aussi du contexte favorable aux transactions de rentes collectives en général.
L’année 2024 a ainsi été un record pour les rentes indexées, un segment du marché qui a suscité un volume de transactions de 3,3 G$. Ces rentes visent à préserver le pouvoir d’achat du rentier face à la hausse du coût de la vie. Le recours à cette solution s’est intensifié dans les dernières années.

Un résultat qui vient briser le mythe à l’effet qu’il n’y a pas de marché pour les rentes indexées, selon Mathieu Tessier, vice-président, relations avec la clientèle et innovations, solutions de prestations déterminées, de Sun Life. « Le volume des transactions de rentes indexées a atteint 900 M$ en 2023. C’est un créneau qui vit beaucoup d'ébullition ces dernières années », a dit M. Tessier, en entrevue avec le Portail de l’assurance.
« Il y a un appétit grandissant au Canada pour les engagements indexés. Étant donné que le prix est un déclencheur très important pour les transactions, j’en conclus que les rentes indexées ont encore une tarification très concurrentielle aux yeux des promoteurs de régime », ajoute-t-il.
WTW a facilité 90% de ce volume, principalement grâce à deux méga transactions totalisant 1,9 milliard de dollars.
– Alix Baril

Directeur, retraite, du consultant mondial WTW, Alix Baril estime que le volume des rentes indexées représente bon an mal an environ 10% du volume annuel total du marché canadien des rentes collectives. L’année record de 11 G$ l’a selon lui confirmé, avec un volume de 3,3 G$ en rentes indexées.
Dans des réponses par courriel au Portail de l’assurance, M. Baril a dit que WTW a facilité 90% de ce volume, « principalement grâce à deux méga transactions totalisant 1,9 milliard de dollars ».
En suivant le même barème de 10% en 2025, il prévoit que les rentes indexées devraient susciter un volume de transaction d’un peu moins de 1 G$, sur un marché en totalisant 7 G$.
Les promoteurs de régimes de retraite cherchent à se protéger contre l'inflation.
– Rohit Thomas
De son côté, Rohit Thomas observe lui aussi que les rentes indexées ont gagné en popularité ces dernières années. « Les promoteurs de régimes de retraite cherchent à se protéger contre l'inflation. Par conséquent, on constate une présence accrue des fournisseurs de rentes sur ce segment de marché », dit le PDG de BMO Assurance.
Risque réel
La rente indexée est perçue comme l’alternative aux obligations à rendement réel. Le gouvernement du Canada a cessé d'émettre ces obligations le 3 novembre 2022. Il alléguait alors une faible demande pour cette obligation offerte depuis 1991. Conçue pour prémunir les investisseurs contre l’inflation, son principal et ses coupons étaient indexés à l’indice des prix à la consommation.
Si l’inflation semble sous contrôle, des foyers ne dérougissent pas, tel le coût du logement et celui de l’épicerie. Statistique Canada a rapporté une hausse de 2,2% de l’indice des prix à la consommation (IPC) sur une période de 12 mois se terminant en octobre 2025. L’organisme fédéral fera connaître l’indice de novembre le 15 décembre. En 2024, l’IPC annuel moyen a atteint 2,4%.
Les banques centrales s’efforcent de contenir l’inflation avec leur politique monétaire. La Banque du Canada axe les siennes selon l’inflation mesurée par l’IPC global, qui s’est établi à 2,2% en novembre, comme en octobre. Elle pratique actuellement une politique monétaire accommodante : après la coupure de 0,25% annoncée le 29 octobre, elle a laissé le taux directeur à 2,25% dans sa décision du 10 décembre, après avoir amorcé l’année 2025 à 3%.
Chez Mercer, Émile Alarie dit que la rente indexée est l’un des deux produits qu’utilisent le plus couramment ses clients « pour essayer de contrer les régimes qui ont une exposition au risque d'inflation ». Le deuxième se décline en différents placements alternatifs, tels les investissements en infrastructure ou en immobilier.