Initiative budgétaire de la vice-première ministre et ministre des Finances fédérale, Chrystia Freeland, la rente viagère différée à un âge avancé (RVDAA) est devenue réalité lorsque l’Agence du revenu du Canada (ARC) a modifié les règles fiscales pour la permettre dès le 1er janvier 2020.
La RVDAA a été conçue pour contrer le risque de survivre à ses épargnes, soit le risque de longévité. Sur son site, l’ARC la décrit comme une rente viagère dont le paiement doit commencer avant la fin de l’année au cours de laquelle son titulaire atteint l’âge de 85 ans.
Elle peut être offerte partout au Canada, mais les assureurs ne se ruent pas au portillon. Seul Desjardins Assurances offre un produit de RVDAA. Il est disponible sur base individuelle seulement. Les clients pourront l’acheter en y transférant un montant forfaitaire de leur régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou de leur fonds enregistré de revenu de retraite (FERR).
Pour sa part l’offre de RVDAA dans les régimes de retraite collectifs achoppe au Québec, car certaines règles de l’impôt fédéral sont incompatibles avec la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Reconnue ce printemps par les deux paliers de gouvernements, cette situation perdure. Tant Retraite Québec que le ministère des Finances fédéral ont fait savoir au Portail de l’assurance qu’il n’y avait depuis eu aucun développement concernant les RVDAA.
Le participant d’un régime de pension agréé, d’un régime de pension agréé collectif ou d’un régime de participation différée aux bénéfices peut acheter une RVDAA en y transférant un montant forfaitaire. Or, aucun assureur n’a encore annoncé l’offre d’un tel produit.
Pourquoi si peu d’intérêt ?
Les consommateurs et leurs conseillers financiers ont été lents à demander des RVDAA, et l’industrie a suivi ce rythme - Moshe Arye Milevsky
Professeur de finances titulaire à la Schulich School of Business de l’Université York, Moshe Arye Milevsky se spécialise dans les questions de longévité. Il plaide depuis longtemps pour l’usage des rentes différées. Il croit que le manque d’intérêt vient du fait que « les consommateurs et leurs conseillers financiers ont été lents à demander des RVDAA, et l’industrie a suivi ce rythme en évitant de les promouvoir ou d’en faire la publicité ».
Le professeur de finances estime que les rentes viagères ne sont pas largement commercialisées ou mises en avant, car elles sont perçues comme des produits de niche, « et les RVDAA se retrouvent dans un recoin encore plus spécialisé de cette niche ».
Il pense que le produit aurait plus d’attrait s’il offrait une plus grande flexibilité. Il évoque des avenants (options) tels que des prestations en cas de décès, le remboursement des primes ou des ajustements liés au coût de la vie.
La version actuelle de la RVDAA lui fait penser à une assurance automobile dont les tarifs ne tiennent compte « ni du véhicule que vous conduisez ni de votre lieu de résidence ».
Rôle de pionnier
Par ailleurs, M. Milevsky ne croit pas qu’un second joueur émergera tant que le pionnier n’aura pas démontré les avantages de sa position de précurseur.
Directeur de section, développement et tarification des fonds de placement garanti et des rentes au Mouvement Desjardins, Philippe-Olivier Dumas s’est dit satisfait de la réception du produit sur le marché et de la demande. « Depuis le lancement au début de décembre 2023, il y a eu beaucoup d’attention médiatique, et une belle réception de nos conseillers et de notre clientèle », a-t-il fait valoir, en entrevue avec le Portail de l’assurance.
Il y a eu beaucoup de questions, mais moins d’actions : les gens voulaient comprendre ce nouveau produit - Philippe-Olivier Dumas
Le départ a été lent, selon les propos de M. Dumas. « Il y a eu beaucoup de questions, mais moins d’actions : les gens voulaient comprendre ce nouveau produit », explique-t-il.
Les activités de Desjardins dans le créneau de la rente viagère différée à un âge avancé se sont toutefois accélérées au deuxième et troisième trimestre. « Nous avons eu plusieurs dossiers de vente, mais les volumes sont plus petits que ceux des rentes viagères traditionnelles », relate-t-il.
Le faible volume des transactions expliquerait en partie pourquoi aucun concurrent ne s’est encore manifesté, d’après M. Dumas. Parmi les facteurs qui limitent le volume des transactions, il a rappelé que le plafond de la RVDAA est de 170 000 $ en 2024 dans le montant qui peut être transféré dans la RVDAA. Il mentionne aussi la limite des transferts vers la RVDAA, fixée à 25 % des régimes enregistrés du particulier.
Sur son site, l’ARC explique que les montants excédentaires cumulatifs de la RVDAA sont assujettis à un impôt de 1 % par mois, à la fin de chaque mois où ils sont laissés dans la RVDAA. « Le produit répond tout de même à des besoins qui n’étaient pas desservis par les autres produits de rente », conclut M. Dumas.
Cet article est un Complément au magazine de l'édition de novembre 2024 du Journal de l'assurance.