RIP Industrie de l’assurance : 1666 - ????
Hubert Roy
L’assurance vient avec une promesse.
En assurance de dommages, c’est de remettre sur pied les biens d’un assuré dans leur condition d’origine. En assurance vie, c’est de conserver sa qualité de vie advenant un évènement malheureux.
Qu’arrive-t-il lorsque les assureurs refusent de souscrire des risques ? L’économie en souffre.
La crise de souscription que vit le marché de l’assurance des dommages en est un bel exemple. Des entreprises ferment leurs portes au Québec… faute d’assurance.
Un courtier me confiait être inquiet de la crise que traverse le camionnage, vu les fortes primes d’assurance qui sont imposées aux camionneurs. Il me disait craindre que les camionneurs fassent comme d’autres segments d’industrie et forment une mutuelle. Ils s’arrangeraient ainsi eux-mêmes face au manque de capacités que dégagent les assureurs. Cela reste un scénario fantaisiste… pour le moment. S’il se concrétisait, l’assurance perdrait alors un autre marché, et les primes qui viennent avec.
Au début des années 1970, qui, en assurance au Québec, croyait voir un important pan du marché de l’assurance automobile échapper à l’industrie ? C’est pourtant ce qui est arrivé avec l’élection du Parti québécois en 1976 et la création subséquente de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ).
Ce phénomène n’est pas unique en assurance de dommages. Il touche aussi l’assurance vie. Un important joueur en assurance collective me disait tout récemment que de nombreuses PME laissaient tomber leur couverture offerte à leurs employés. Pourquoi ? À cause des couts trop élevés demandés pour maintenir une telle couverture… au bénéfice de ses employés.
Ce sont ainsi des primes qui s’effacent pour les assureurs. Réussissent-ils à les combler en souscrivant d’autres risques ?
Un passé garant de l’avenir ?
L’assurance existe pourtant depuis la haute Antiquité, sous la forme de secours mutuel. Quant au contrat d’assurance en lui-même, le plus ancien retrouvé a été souscrit à Gênes en 1347. C’est aussi à Gênes que fut fondée la première société d’assurances maritimes en 1424. L’assurance a toutefois pleinement pris sa puissance en 1666, avec l’apparition de l’assurance habitation, qui est liée au Grand incendie de Londres, qui détruisit alors la quasi-totalité de la capitale anglaise.
L’assurance a toujours été là pour aider à se remettre sur pied. La prestigieuse revue scientifique Science a d’ailleurs publié en 2005 (ça fait un bail, vous avez raison…) un article intitulé Insurance in a Climate of Change dans lequel son auteur, Evan Mills, implorait l’industrie de l’assurance de jouer son rôle face aux changements climatiques en prenant justement des risques et en trouvant des façons de les couvrir. Car pour M. Mills, en 2005, la proactivité de l’industrie de l’assurance aurait eu le pouvoir d’aider la société à mitiger les conséquences des changements climatiques et d’en alléger le fardeau sur les gouvernements et les individus :
« The future role of insurance in helping society to cope with climate change is uncertain. Insurers may rise to the occasion and become more proactive players in improving the science and crafting responses. Or, they may retreat form oncoming risks, thereby shifting a greater burden to governments and individuals. »
Alors, selon vous, depuis 15 ans, l’industrie de l’assurance s’est-elle montrée digne de l’occasion, ou s’est-elle retirée, en laissant le fardeau aux gouvernements et aux individus ?
La revue Nature Climate Change en a ajouté une couche en 2015. Dans un commentaire, intitulé How insurance can support climate resilience, les chercheurs Swenja Surminski, Laurens M. Bouwer et Joanne Linnerooth-Bayer se sont demandés si 2015 serait l’année de l’assurance du climat. Les trois scientifiques demandaient aux assureurs de soutenir la résilience des communautés. Sinon, l’assurance ne deviendrait qu’une alternative à l’adaptation aux changements climatiques.
Le risque pour les assureurs était aussi grand, selon les trois scientifiques. Vu le changement climatique, de nombreuses primes d’assurance sont à risque de devenir trop dispendieuses ou qu’on en retire la couverture :
« If we don’t address the underlying issues the risks will become uninsurable because of lack of supply (availability of cover) or demand (affordability of premiums). »
Ça ne vous fait pas penser à quelque chose que l’on vit au Québec présentement ?
Y a-t-il de la fumée sans feu ?
Fin novembre, le chef de la direction du Bureau d’assurance du Canada Don Forgeron a alerté les assureurs : cessez de vous replier sur vous-mêmes et assurez des risques ! Sinon, les régulateurs interviendront à votre détriment. Il n’a pas mâché ses mots à cet égard :
« Un monde dans lequel certaines entreprises canadiennes ne peuvent pas trouver l’assurance dont elles ont besoin ou n’ont pas les moyens de se la payer est insoutenable sur le plan politique. Ça ne marche pas ! Le gouvernement ne va pas rester les bras croisés et permettre une telle chose. Les décideurs vont rapidement conclure que si l’industrie ne peut pas agir d’elle-même, il va falloir intervenir et arranger les choses à sa place — avec des lois, des règles et des règlements. »
Pour comprendre la portée de ses propos, il faut prendre en compte que le Bureau d’assurance du Canada est le lobby des assureurs de dommages au pays. Son rôle : défendre les intérêts des assureurs face aux gouvernements, notamment. Il est rare qu’un lobby critique ses membres de la sorte, d’où aussi la puissance de son message.
Alors, en 2020, l’industrie de l’assurance va-t-elle se démarquer en prenant des risques ou sera-t-elle en déclin, faute d’avoir pris des risques ?
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