Santé Canada vient d’approuver un nouveau médicament pour traiter l’obésité. Selon la Dre Marie-Philippe Morin, médecin surspécialisée en médecine bariatrique à l’Institut universitaire de cardiologie et pneumologie de Québec (IUCPQ), le Zepbound est plus efficace que le Wegovy. Toutefois, au Québec, il ne sera pas payé par le régime public. Elle espère qu’il sera remboursé par les assureurs malgré son prix élevé.
L’obésité, a souligné la Dre Morin en entrevue au Portail de l’assurance, est le grand coupable de la plupart des maladies chroniques et elle a un lien avec la majorité des cancers. Pourtant, même si elle est à l’origine de graves pathologies qui coûteront très cher plus tard au système de santé, Québec ne la reconnaît toujours pas comme une maladie chronique, un choix qu’elle et ses collègues traitant l’obésité ne comprennent pas.
Un nouveau médicament pour traiter l’obésité
C’est dans ce contexte qu’arrive sur le marché canadien le Zepbound. Il était déjà offert en Europe et aux États-Unis avant de recevoir le sceau de Santé Canada au début juillet. Selon Alexandre Caron, professeur-chercheur à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval, il s’agit exactement de la même molécule que le Mounjaro, un médicament déjà existant pour le diabète de type 2, mais à qui on a donné un autre nom pour le traitement de l’obésité.
Il pourra être prescrit chez les adultes dont l’indice de masse corporelle (IMC) est de 30 kg/m2 ou plus ou ceux qui présentent un surpoids avec un IMC de 27 kg/m2 et qui souffrent d’au moins une affection liée à leur poids, comme l’hypertension, le diabète de type 2, l’apnée du sommeil ou une maladie cardiovasculaire.
Un nouveau venu apprécié
La Dre Marie-Philippe Morin juge les médicaments pour contrer l’obésité nécessaire. Comme experte, elle voit l’arrivée du Zepbound comme une bonne nouvelle.
« Les gens qui souffrent d’obésité sévère ont beaucoup de difficultés à se libérer de ce fardeau, explique-t-elle. L’activité physique et l’alimentation ne seront pas suffisantes. Il y avait dans le passé très peu d’options entre les changements des habitudes de vie et la chirurgie. Maintenant, nous avons beaucoup plus de traitements au niveau médical. Pour les patients, c’est très favorable. »
Au Québec, les deux options médicamenteuses pour traiter l’obésité étaient le Wegovy et le Contrave. Le Zepbound vient s’ajouter à cette courte liste. Sa particularité, décrit cette médecin spécialiste, est d’activer deux récepteurs des hormones incrétines. C’est le premier médicament pour l’obésité approuvé au Canada qui possède cette double capacité.
ll a pour effet d’agir au niveau du pancréas, mais aussi du cerveau pour diminuer l’appétit et les fringales alimentaires, décrit la Dre Morin. Il a aussi des effets favorables au niveau du diabète de type 2 et du foie gras, ainsi qu’au plan rénal et cardiovasculaire.
« Le fait que ce soit un double agoniste, ajoute-t-elle, augmente sa puissance. Avec le Wegovy, on a une moyenne de 15 % de perte de poids; avec le Zepbound, elle est d’environ 20 %, et chez près de 50 % des patients, elle sera de 25 %. Avec ce médicament, on se rapproche des chiffres de la chirurgie bariatrique ».
Elle indique que le coût du Zepbound à dose maximale devrait être d’environ 700 $ par mois et à petite dose, de 500 $. En comparaison, Wegovy coûte approximativement 450 $.
Il est plus cher, mais le Zepbound est plus efficace, rappelle-t-elle. Des études pharmacoéconomiques devront néanmoins être faites pour voir si son prix plus élevé en vaut la chandelle pour les payeurs.
La contribution des assureurs privés
La Dre Morin espère une réaction positive des assureurs puisque le régime public au Québec ne paie pas les médicaments pour traiter l’obésité. Plusieurs compagnies d’assurance miment la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) et refusent de payer ces molécules, mais elle souligne avec satisfaction qu’au moins deux assureurs québécois les ont placés dans leur liste régulière de médicaments remboursés.
« Effectivement, Beneva offre de façon standard à ses preneurs de régime la couverture des médicaments pour le traitement de l’obésité, assujettis au processus d'autorisation préalable. Il est toutefois à la discrétion des preneurs d’inclure cette couverture dans leur régime », indique la porte-parole de l’assureur Ann-Sophie Harvey. « Pour le Zepbound, comme il est disponible au Canada depuis deux semaines, le médicament est présentement en cours d’analyse par nos équipes », ajoute-t-elle.
Chez Desjardins, le Zepbound fait actuellement l’objet d’une évaluation. Il suit le processus habituel d’analyse pour les nouveaux médicaments. « Cela dit, les médicaments utilisés dans le traitement de l’obésité sont inclus dans notre offre standard, et quatre autres médicaments déjà commercialisés pour cette indication sont actuellement couverts, précise Véronique Breton, conseillère principale en relations publiques. Toutefois, cette couverture est optionnelle : il revient donc au preneur de régime de décider s’il souhaite ou non l’inclure dans son contrat d’assurance. »
Au moment d’écrire ces lignes, le Zepbound n’est pas couvert par iA Groupe financier, mais il fait actuellement l’objet d’une évaluation approfondie. Une décision sur son inclusion sera prise en fonction des résultats de cette analyse, explique la cheffe des Affaires publiques Chantal Corbeil.
La Dre Marie-Philippe Morin souhaite que d’autres compagnies les imitent en rappelant l’importance de traiter ces patients en amont, avant qu’ils ne développent d’autres maladies chroniques qui seront coûteuses à couvrir sur le long cours.
Elle a été informée que la problématique de paiement à l’égard des médicaments pour l’obésité ne provient pas toujours des assureurs eux-mêmes, mais des employeurs et des intermédiaires qui leur recommandent de les exclure de la couverture offerte pour des motifs d’économies.
« Je pense, dit-elle, que ce genre de débat va se terminer quand les génériques vont apparaître sur le marché. C’est ce qui s’était produit avec les statines [des médicaments utilisés pour prévenir les maladies cardiovasculaires] qui étaient très chères avant l’apparition des génériques et qui ont fait chuter leur prix lorsqu’elles sont apparues. »
Un premier générique disponible au Canada en 2026
Or, justement, ce sera chose faite en 2026. La plateforme américaine Hims & Hers a dévoilé le 9 juillet qu’elle allait étendre ses activités au Canada l’an prochain et offrir une version générique du sémaglutide (Ozempic) au pays au moment ce médicament sera disponible dans le monde.
« Le sémaglutide de marque étant souvent hors de prix, l’introduction de génériques marque un tournant dans l’accès aux soins, a commenté l’entreprise basée à San Francisco. Hims & Hers prévoit d’offrir un accès à des options de traitement moins coûteuses par le biais de sa plateforme numérique ».
Elle n’a toutefois pas encore indiqué à quel prix elle vendrait son générique lors de sa commercialisation au Canada.
D’autres molécules à venir
Des génériques s’en viennent, mais aussi de nombreux autres médicaments. Par exemple, un nouveau a été lancé en Chine le mois dernier.
En entrevue au Portail de l’assurance, Alexandre Caron a parlé d’une trentaine de molécules en développement. À travers le monde, au moins neuf sont parvenues au stade 3, la dernière étape avant la commercialisation, et il s’attend à ce qu’au moins trois nouveaux médicaments apparaissent sur le marché d’ici 2026.
Certaines molécules à venir seront des triples agonistes et agiront sur trois niveaux en même temps. Comme la Dre Marie-Philippe Morin, Alexandre Caron se réjouit de la multiplication de ces médicaments pour l’obésité, car il offrira un plus grand éventail pharmacologique pour les patients.
Il indique que le taux d’abandon du Wegovy dans l’année est de 50% chez certains individus, certains pour cause d’intolérance, d’autres pour des raisons financières. Les médecins auront maintenant d’autres options sous la main pour les gens qui répondent mal aux autres molécules.