Près de la moitié (49 %) des employés de PME au Canada rapportent vivre avec au moins une difficulté de santé mentale ou de dépendance, révèle une enquête de la Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail, propulsée par Beneva.
Plusieurs autres constats préoccupants ressortent de l’enquête intitulée Portrait de la santé mentale au sein des PME canadiennes — Pérennisation du télétravail et autogestion de la santé mentale : impacts sur la santé et la performance organisationnelle.
Il s’agit de la deuxième enquête de la Chaire de recherche à se pencher sur la santé mentale en PME. La Chaire avait publié une première enquête à l’hiver 2022, Portrait de la santé mentale des travailleuses et travailleurs de PME au Canada, réalisée auprès de 2 500 employés de petites et moyennes entreprises (PME). Elle avait entre autres mis l’accent sur la santé mentale des gestionnaires et les programmes d’aide aux employés (PAE).
En 2023, la Chaire de recherche a répété le sondage auprès d’un nouvel échantillon de 2500 employés issus de PME au Québec et au Canada, dont 58,4 % travaillent dans des entreprises de moins de 50 employés et 41,6 % dans des entreprises de 50 à 499 employés. Les gestionnaires représentent un échantillon de 1 092 employés, soit 45,6 % de l’échantillon total.
Les jeunes plus touchées
D’autres données révèlent que la situation est encore plus difficile pour les plus jeunes travailleurs. Alors que 18,4 % des employés de PME vivent de l’insomnie clinique modérée ou sévère, la proportion atteint 24,3 % chez les 18 à 24 ans.
L’enquête révèle également que 18,0 % des employés vivent de la dépression à un niveau qui atteint le seuil clinique. C’est pire chez les jeunes de 18 à 24 ans, qui vivent le même niveau de dépression dans une proportion de 25,9 %. Chez les 25 à 34 ans, la proportion est de 23,3 %.
En outre, plus de jeunes ressentent un niveau d’anxiété qui atteint un seuil clinique. Alors que 21,6 % des employés de PME au Canada vivent cette situation, le pourcentage atteint 26,5 % chez les 18 à 24 ans et 27,7 % chez les 25 à 34 ans.
Les problèmes persistent
Les résultats de l’enquête de 2023 diffèrent peu globalement de ceux de l’enquête réalisée à l’hiver 2022 en ce qui touche les principaux indicateurs, remarque la Chaire de recherche. La différence n’excède pas 5 %, précise son rapport sommaire.
Parmi les principaux indicateurs figure le fait d’avoir rapporté vivre avec au moins une difficulté de santé mentale ou de dépendance, un niveau de dépression clinique ou un niveau d’anxiété clinique. « Cela suggère que malgré l’assouplissement des mesures sanitaires liées à la pandémie et la fin de la situation de crise sanitaire depuis 2022, les difficultés de santé mentale persistent », peut-on lire dans le rapport.
Bourreaux de travail
Le rapport sommaire de l’enquête souligne aussi que les employés de PME font face à plusieurs risques psychosociaux importants susceptibles d’influer négativement sur leur santé mentale.
Par exemple, la Chaire de recherche révèle qu’une majorité d’employés de PME rapportent que leur travail est émotionnellement exigeant. Plusieurs se plaignent également de recevoir des demandes contradictoires ou une charge de travail trop lourde. De plus, seuls 25,3 % des employés perçoivent un niveau élevé de climat de sécurité psychosociale dans leur organisation.
Soutien peu fréquent
Selon l’enquête de la Chaire, le soutien reçu par les employés de la part de leurs gestionnaires ne semble pas maximal, suggérant qu’il y a place à une importante amélioration. Ainsi, employés et gestionnaires divergent de perception sur la fréquence du soutien.
En moyenne, les employés ont rapporté que leurs superviseurs ne leur offrent que parfois du soutien favorable à leur santé, soit un résultat de 2,2 sur une échelle de 0 (jamais) à 4 (très souvent). Les employés avec des employés sous leur supervision ont quant à eux exprimé un point de vue différent. La moyenne de leurs réponses fait ressortir comme plus fréquent le soutien qu’ils offrent aux employés sous leur supervision, soit 2,9 sur une la même échelle de 0 à 4.
La quête de sens au travail est aussi mise à mal chez les employés de PME. L’enquête de la Chaire révèle également des préoccupants sur le rapport à l’emploi et à l’employeur. Ainsi, 35,2 % des employés sondés ne sont pas satisfaits de leur emploi. Pire, 37,3 % ne travailleraient pas pour leur employeur actuel dans un an s’il n’en tenait qu’à eux.
Paradoxe du mode hybride
Les données collectées par la Chaire de recherche révèlent que plus les employés de PME passent de leur temps en télétravail, plus ils perçoivent leur environnement de travail comme favorable à leur santé mentale. Plus ils perçoivent aussi leur environnement de travail comme marqué par une reconnaissance, une charge de travail, une autonomie et un soutien des collègues adéquats. Les données révèlent de plus que les personnes en travail hybride rapportent avoir plus de sens au travail et un sentiment plus élevé d’être importantes au travail.
Pourtant, la Chaire qualifie la situation des travailleurs en mode hybride de paradoxale. Ces employés qui travaillent en partie à la maison et en présence dans les lieux physiques de l’employeur ont 1,61 fois plus de risques de vivre un niveau de symptômes dépressif dépassant le seuil clinique que ceux qui doivent être au bureau à temps plein, selon les données de l’enquête. La situation est similaire au regard des symptômes anxieux dépassant le seuil clinique : les employés en mode hybride ont 1,44 fois plus de risque de les vivre que leurs collègues présents au bureau.
D’autres risques apparaissent plus prononcés en mode de travail hybride, toujours selon le rapport sommaire de l’enquête. « En comparaison aux personnes en situation de travail en présentiel à temps complet ou de télétravail à temps complet, celles en travail hybride rapportent des symptômes plus sévères d’insomnie, d’épuisement professionnel, de technostress et de présentéisme », peut-on lire. L’enquête définit le technostress comme étant lié à l’utilisation des technologies et le présentéisme comme une performance amoindrie par des symptômes ressentis au travail.
Autogestion pour tous
Enfin, les données révèlent que les employés en mode hybride mettent plus fréquemment en place des stratégies d’autogestion de leur santé mentale et rapportent un niveau plus élevé de bien-être.
L’enquête à découvert que l’approche peut servir dans les deux modes. Tant chez les employés en télétravail qu’en présence, ses analyses ont montré que certaines stratégies d’autogestion ont été associées de façon plus marquée avec le fait de rapporter moins de symptômes d’épuisement professionnel.
- Concentrer son attention sur le moment présent
- Maintenir l’équilibre travail-vie personnelle
- Créer des relations positives avec les collègues et superviseurs
- Trouver des tâches significatives au travail
- Avoir la capacité de se détacher psychologiquement du travail
En ce qui touche la capacité de se détacher psychologiquement du travail, l’enquête donne comme exemple la capacité de ne plus y penser après les heures de travail. Elle ajoute que cette capacité émerge comme protectrice pour la santé mentale en télétravail.