Menés par un fragile retour de confiance, les investisseurs transiteront des obligations aux actions. Les problèmes de la zone euro et la dette américaine continueront toutefois de tourmenter les marchés. Dans ces circonstances, le conseiller devra veiller à ce que son client colle à son profil de risque. S’il s’en écarte, et qu’il perde de l’argent, il pourrait pointer du doigt son conseiller et aller jusqu’à le poursuivre.
Les gestionnaires de fonds et les stratégistes des marchés prédisent que la volatilité continuera d’harceler les investisseurs en 2012. L’investisseur individuel devra surveiller la répartition de ses actifs, car les choses bougent vite.

« Ce que nous voyons dans un avenir prévisible est un environnement turbulent. La seule chose que nous jouons à la hausse, c’est la volatilité », dit Jurrien Timmer, directeur principal de la recherche macro-économique mondiale de Fidelity Investment. Co-gestionnaire du Fonds Fidelity Stratégies et tactiques, il opte pour une stratégie plutôt neutre face aux marchés boursiers.

Trois facteurs d'influence
Trois facteurs clés influenceront les marchés en 2012, prévoit M. Timmer : le sort de la dette souveraine de plusieurs pays de la zone euro; la Banque fédérale américaine à court de munitions pour relancer l’économie et le ralentissement attendue de l’économie chinoise. Les investisseurs se demandent d’ailleurs si cet atterrissage se fera en douceur.

Ces différentes situations ont entrainé une mauvaise répartition des actifs dans le monde, constate M. Timmer. Le recours aux liquidités pour régler ces problèmes engendre aussi plus de volatilité, a-t-il affirmé lors d’un récent déjeuner-causerie destiné aux conseillers.

À cette occasion, il a cité en exemple le numéro un de la Fed, Ben Bernanke, qu’il dit plus préoccupé par la déflation que l’inflation. « Il est de l’école de la grande dépression de 1929, d’où ses initiatives d’assouplissement quantitatifs » Mais, ajoute M. Timmer, plus les liquidités arrivent, plus le risque augmente, notamment un risque de dépendance de l’économie à ces injections.

Il croit aussi que certains cycles pourraient toucher à leur fin. « Le cycle des ressources qui s’est poursuivi à travers toutes les années 1990 et 2000 tire-t-il à sa fin, s’interroge-t-il. Maintenant, nous surveillons l’arrivée du prochain cycle. »

Lors du même événement, le gestionnaire du Fonds Fidelity Grande Capitalisation Canada, Daniel Dupont, a recommandé aux investisseurs de demeurer investis. « Il y a des variables macroéconomiques qu’on ne peut prédire. Pour ma part, je m’assure que mon portefeuille peut survivre à un tremblement de terre ou un attentat terroriste. Pour le reste, je choisis 30 à 35 titres de compagnies de qualité qui ont connu de bons rendements et présentent un potentiel de gains futurs. »

Les rendements sont actuellement à la remorque des événements et non de l’économie, observe pour sa part Luc Fournier, gestionnaire de portefeuille à l’Industrielle Alliance, qui compte par ailleurs 25 ans d’expérience en gestion d’actions canadiennes.

2 records battus
2011 a battu deux records intimement liés : celui du nombre d’événements et celui de la volatilité. « Je n’ai jamais vu les marchés remonter et descendre d’autant en un jour qu’en 2011. Les marchés ont transigé sur les événements plutôt que sur la sélection des titres », dit M. Fournier. S’il y a moins d’événements en 2012, il y aura moins de volatilité », croit-il.

Dans les mouvements rapides des marchés qu’entraînent ces événements, les spéculateurs sont rois. « Il y a environ 15 ans, les activités des fonds de couverture et des spéculateurs comptaient pour 30 % du volume transigé à la bourse de New York (NYSE). Aujourd’hui, elles comptent pour plus de 70 % », dit-il.

Pour se prémunir de cette volatilité imprévisible, le conseiller doit s’assurer que l’évolution du portefeuille de son client suit son profil de risque, estime M. Fournier. « Il y aura toujours de la volatilité. L’investisseur à succès n’entre pas dans les marchés à court terme et ne prétend pas avoir une boule de cristal. Il a un horizon et suit ses politiques d’investissement. »

M. Fournier croit que les fonds de dividendes auront toujours leur place dans un portefeuille. Le creux des bas taux d’intérêt dix ans ont toutefois accentué leur popularité en tant que valeur refuge. Selon lui, ces taux devraient légèrement monter cette année, lorsque ce marché aura davantage pris l’inflation en compte. Ce qui pourrait diminuer quelque peu l’attrait des fiducies de placement immobilier, qui ont connu une excellente performance en 2011.

Suivez de près vos portefeuilles car les pondérations changeront rapidement en 2012, croit Alexandre Legault, vice-président de MFS McLean Budden. Ces bouleversements favoriseront selon lui les actions. « Présentement, on ne paie pas très cher les actions en termes de cours-bénéfices, peut-être 13 $ en moyenne, comparé à la moyenne historique de 15 $ », dit-il.

Stress politiques
M. Legault note toutefois que les investisseurs ont peu d’engouement pour le risque en raison des divers « stress politiques » qui affectent actuellement les marchés. « Les yeux des investisseurs seront rivés sur les politiques fiscales et monétaires des grandes économies. Si le dénouement de ces crises est moins atroce que ne l’anticipent les investisseurs, le pessimisme s’estompera », dit-il.

L’attrait des rendements poussera aussi les investisseurs vers les actions en 2012. Les obligations canadiennes de 10 ans ont obtenu en moyenne un rendement de 1,95 % les dix dernières années, note le vice-président de McLean Budden. « Dans un avenir rapproché, il y a des chances que les actions surperforment par rapport aux obligations, même si celles-ci ont bien fait en 2011. Surpondérez un peu les actions tout en respectant la tolérance au risque du client. »

Dans un contexte volatil, M. Legault suggère de rester diversifié. « La clé, c’est d’avoir un plan flexible, doté d’objectifs qu’on peut ajuster dans le temps. Vous devez savoir ce que votre client doit prendre comme risque mais aussi ce qu’il peut prendre. Il y a un arrimage à faire entre les deux. Seul un conseiller peut le faire. »

Pour leur part, les caisses de retraite demeurent sceptiques quant à l’augmentation des taux à long terme. «Une hausse des taux donnerait du souffle aux régimes à prestations déterminées. Or, les gestionnaires doivent plutôt se poser la question suivante : est-ce que je désire prendre un risque de taux d’intérêts à long terme », dit Patrick De Roy, associé et chef de la pratique nationale de gestion des risqué chez Morneau Shepell.

Il recommande d’avoir un plan d’action en cas de remontée des taux d’intérêt. Une remontée graduelle devrait s’accompagner d’actions graduelles. C’est ce que les caisses appellent le « dérisquage » (derisking). En vertu de ce processus, elles augmentent la durée de leurs obligations ou leur pondération dans le portefeuille.
« La tendance sera aux politiques de placement dynamiques en 2012 », dit-il. M. De Roy pense que les stratégies d’investissement alternatives auront aussi la cote. Les infrastructures, les fonds de couverture, l’immobilier et les ressources feront parties des avenues.

Il recommande la prudence à ceux qui seront tentés par les fonds négociés en bourse (FNB). Selon lui, le FNB ne pourra réussir à calquer l’indice que s’il a un bon volume de transaction. L’investisseur averti devrait aussi connaitre l’écart annuel du FNB par rapport à l’indice et son année de création.

Retour aux fondamentaux
Dans un panel sur la crise européenne organisé par BMO, Paul Taylor, a avancé quelques pistes pour se prémunir contre ce risque. Directeur des investissements de BMO Harris Private Banking à Toronto, il dit s’en tenir à une stratégie d’investissement plutôt défensive pour se prémunir contre ce risque. Les télécommunications, les services publics et les sociétés qui versent de généreux dividendes sont ses titres de prédilection.

M. Taylor trouve encourageant que les marchés se basent maintenant sur les données économiques fondamentales. « Les attentes irréalistes d’une solution miracle à la crise européenne sont tombées. Le pire scénario serait un défaut de paiement désordonné (lorsqu’un débiteur manque une échéance). Les marchés sont toutefois réconfortés par les efforts que consentent les décideurs politiques à trouver un dénouement à la crise », résume le gestionnaire.

Actuellement, les investisseurs se trouvent à un point où il est trop tard pour vendre et trop tôt pour acheter, ajoute-t-il. En ce qui touche les inquiétudes face aux nombreuses décotes de dette souveraine, Paul Taylor insiste sur le fait que les marchés ont déjà amplement escompté ces événements.